Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Europe (suite)

On comprend alors la grande variété des associations végétales et des sols. La forêt couvre encore le quart de la superficie. Partout exploitée et souvent protégée, elle se compose d’arbres à feuilles caduques dans les régions océaniques, de résineux au nord et en Russie, mais les formations mixtes sont partout abondantes dans les montagnes, en Europe centrale, à la limite des conifères nordiques et des feuillus d’Ukraine, constituant la belle zone de forêt mixte dans la partie européenne de l’U. R. S. S. Partout où l’hiver n’est pas trop rude autour de la Méditerranée, les associations, maquis ou garrigue, sont dominées par les chênes verts et autres espèces sempervirentes. Des sols podzolisés au nord et dans certaines régions atlantiques aux terres noires d’Ukraine, la variété pédologique est telle qu’elle autorise une gamme étendue de systèmes de culture et d’élevage, et il n’est pas de cas où les sols ne puissent être amendés, par exemple par chaulage, ou enrichis par les engrais. La possibilité de stocker les eaux, même dans les régions méditerranéennes, et de les distribuer a permis de propager les techniques de grande irrigation, nécessité pour les cultures d’origine subtropicale dans le bassin méditerranéen (riz, coton) ou appoint afin d’accroître les rendements dans les régions d’Europe occidentale et centrale (maïs dans le Bassin parisien et les plaines pannoniennes, cultures fourragères et maraîchères).

Enfin, les cours d’eau, de dimensions moyennes par leur longueur, leur bassin, leur débit, offrent des régimes modérés, comparés à ceux des fleuves chinois ou américains : la Volga elle-même, dont le bassin s’étend dans les régions les plus froides, est navigable pendant huit mois de l’année, plus longtemps que les fleuves canadiens ou sibériens. Nulle part, les étiages n’interrompent très longtemps la navigation : deux ou trois semaines au maximum sur le Danube inférieur par exemple. Ainsi, liée à l’activité maritime, la navigation fluviale, favorisée par le creusement des canaux de jonction, atteint le niveau d’activité des grands fleuves américains ou asiatiques (le trafic du bassin rhénan dépasse 120 Mt par an).


L’action de l’homme

La variété infinie des paysages résulte à la fois de la diversité des facteurs naturels et des modes d’occupation du sol. Nulle part au monde la nature n’a été aussi fondamentalement transformée sur un espace continu ; aucune région n’a échappé à l’action des sociétés humaines, qui en ont exploité les ressources mais aussi adapté l’économie, et donc les paysages qui en sont l’expression, à leurs besoins. Le rapport entre S. A. U. (surface agricole utile) et surface totale est l’un des plus élevés du monde, et les pâturages et les forêts y sont eux-mêmes protégés et exploités. Le palimpseste des paysages agraires que traduisent les photographies aériennes révèle l’antiquité et la variété des formes de défrichement et d’utilisation du sol, lesquelles expriment la marque de conditions physiques, climatiques, sociales et économiques, parfois ethniques, d’où la variété des théories qui rendent compte des aspects actuels ou passés des paysages ruraux. Ceux-ci, selon leur genèse et leur morphologie, se divisent en trois groupes : le bocage, réparti surtout dans les plaines et massifs anciens de l’Ouest et du Nord-Ouest ; l’openfield, ou paysage de champs ouverts, étendu en Europe centrale ou, mieux, continentale ; les paysages méditerranéens. Mais chacun d’eux comporte un grand nombre de variantes locales ; les limites entre les aires de répartition de chacun d’eux sont imprécises et fluctuantes. On trouve des assolements biennaux dans le domaine de l’assolement triennal du Nord et, au contraire, des terroirs d’assolement triennal dans le monde méditerranéen, voué au biennal. Le bocage se substitue à l’openfield et réciproquement. On détruit actuellement les haies dans les régions occidentales, tandis qu’en Europe de l’Est on tente de construire un bocage à grandes mailles formé par des « écrans forestiers » destinés à couper la violence des vents. Des paysages échappent à cette classification trop rigide en Europe centrale ou dans les Balkans. Des terres nouvelles sont conquises grâce aux progrès des techniques modernes. On défriche les forêts en Finlande, on assainit les marais littoraux autour de la Méditerranée (les « bonifications »), on conquiert des terres nouvelles aux dépens de la mer (polders hollandais, deltas soulevés par le mouvement isostatique dans le golfe de Botnie). Les progrès de l’irrigation dans le bassin danubien transforment rapidement des paysages incultes ou des terres de monoculture. Presque partout, les types d’association entre la polyculture et l’élevage se manifestent dans une variété extrême, soit des assolements, ou rotations culturales, soit des dessins parcellaires. Ces caractères se retrouvent si rarement dans d’autres zones ou d’autres parties du monde qu’on qualifie souvent d’européens les paysages nuancés et façonnés par un long et patient travail : au Chili, en Nouvelle-Zélande, dans le nord-est de l’Amérique ou en Californie...


Peuplement, nations, États : diversité et mélanges

Ces mêmes caractères de modération et de diversité apparaissent dans le domaine de l’occupation humaine. Une carte des semis de peuplement ou des densités montre qu’aucune région n’est vraiment déserte, contrairement à d’autres continents. Les régions de plus faibles densités correspondent : aux massifs montagneux compacts, peu fertiles, sans ressources, abandonnés par leurs populations, souvent réfugiées, depuis un siècle (la Meseta espagnole, certaines parties du Massif central français, les montagnes balkaniques et le nord des Carpates) ; aux régions septentrionales de la Scandinavie et de la Finlande ; aux plaines steppiques récemment colonisées, annonçant les déserts d’Asie centrale, entre Volga et Oural ou au nord du Caucase. Contrastant avec ces secteurs, les régions de fortes densités sont : les grands bassins houillers et foyers industriels (Grande-Bretagne, nord de la France et Belgique, Ruhr, Silésie) : les régions de grande circulation (Rhénanie, Piémont-Milanais) ; les riches plaines agricoles, également foyers de vie urbaine (la Börde) ; sous la forme de taches et de points, les régions portuaires (Randstad aux Pays-Bas, estuaires français, ports italiens) et les grandes capitales régionales et d’État ; enfin, les régions encore surpeuplées de la Méditerranée, comme la Sicile. Les trois quarts de la superficie de l’Europe sont caractérisés par des densités proches de la moyenne : 67 habitants au kilomètre carré si l’on comprend la partie européenne de l’U. R. S. S. ; près de 100 si l’on retranche celle-ci. Si on considère les densités moyennes par État, on relève, à l’exception des États minuscules, un maximum aux Pays-Bas, un minimum en Finlande, en Norvège et en Islande.