Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Euripide (suite)

Les ultimes croyances d’Euripide au seuil de la mort finalement nous échappent. Contentons-nous de supposer que le chœur, dans ses admirables parties lyriques, exprime les convictions intimes du poète. Il est une forme suprême de la sagesse proche de l’extase : « Heureux l’homme fortuné, instruit du divin mystère, qui, sanctifiant sa vie, se fait l’âme d’un fervent ! » (72-75). La vraie sagesse, cette folie supérieure, est d’être disponible aux appels du surnaturel et de se fondre en lui : « Que ma vie s’écoule vers la beauté, que jour et nuit, dans la pureté, avec piété, j’adore les dieux, rejetant les pratiques contraires à la justice » (1007-1010). Appliquons-nous à atteindre une sorte de naïveté fondamentale, car le dieu « hait celui dont le désir n’est point, dans la clarté du jour, dans la douceur des nuits, de goûter le bonheur et de vivre, de tenir, en sage, son cœur et son esprit bien loin des mortels trop subtils » (424-428). Bienheureux les cœurs purs, bienheureux les cœurs simples : seuls ils parviendront à la paix de l’âme, à la béatitude, même si « la puissance divine se meut avec lenteur ; mais elle est infaillible ». Dernière pièce d’Euripide qui soit parvenue jusqu’à nous, les Bacchantes, en dépit de scènes atroces, invitent ainsi à une radieuse félicité.

A. M.-B.

➙ Eschyle / Sophocle / Théâtre / Tragédie.

 P. Decharme, Euripide et l’esprit de son théâtre (Garnier, 1893). / P. Masqueray, Euripide et ses idées (Hachette, 1908). / G. G. A. Murray, Euripides and his Age (Londres, 1913 ; nouv. éd., 1946). / F. L. Lucas, Euripides and his Influence (Boston, 1923). / M. Delcourt, la Vie d’Euripide (Gallimard, 1930). / E. Delebecque, Euripide et la guerre du Péloponnèse (Klincksieck, 1951). / Euripide (Fondation Hardt, Vandœuvres, Genève, 1960, et Klincksieck, 1961 ; 2 vol.). / R. Goossens, Euripide et Athènes (Palais des Académies, Bruxelles, 1962). / K. Matthiessen, Elektra, Taurische Iphigenie und Helena (Göttingen, 1964). / N. C. Hourmouziadès, Production and Imagination in Euripides (Athènes, 1965). / F. Jouan, Euripide et les légendes des « Chants cypriens » (Les Belles Lettres, 1966). / T. B. L, Webster, The Tragedies of Euripides (Londres, 1967). / A. Tuilier, Recherches critiques sur la tradition du texte d’Euripide (Klincksieck, 1968).

Europe

L’un des cinq continents.


Géographie


Limites et définition

L’Europe est considérée comme l’une des « parties du monde », comme un continent. L’observation et l’expérience du géographe montrent qu’il est difficile d’en définir les contours. Ses frontières résultent d’une convention.

Au nord et au sud, les rivages des mers arctiques et de la Méditerranée semblent offrir d’excellentes limites. Pourtant, les parties les plus septentrionales de la Norvège, de la Suède et de la Finlande sont occupées par les Lapons, peuple resté longtemps nomade, d’origine asiatique. Des villes soviétiques comme Mourmansk et Arkhangelsk se sont développées depuis moins d’un demi-siècle. On sait que la ville de Novgorod, au temps de son apogée, avait considéré les territoires s’étendant le long de la mer Blanche et de la mer de Barents comme une sorte de colonie. Des navigateurs anglais parvinrent à Moscou au xvie s. par les côtes et les rivières du Nord. Dans le cadre de la fédération soviétique, la République autonome des Komis (ou Zyrianes), le district ou cercle « national » des Nenets (ou Samoyèdes) se rapprochent plus de la Sibérie que de l’Europe par leurs caractères géographiques, ethniques et économiques. Les îles Féroé et surtout l’Islande vivent également en marge de l’Europe, et l’Islande, escale aérienne et base stratégique, peut être considérée comme mi-européenne, mi-américaine. Le Groenland, qui fut colonisé par les Danois, est, lui, considéré comme faisant partie de l’Amérique. L’espace méditerranéen lui-même pose des problèmes semblables. Gibraltar est une enclave britannique dans la péninsule Ibérique, alors que l’Espagne possède encore sur le littoral marocain les villes de Ceuta et de Melilla. Dans l’Atlantique, les îles de Madère et des Açores sont-elles européennes ou africaines ? Malte, État indépendant depuis 1964, reste une base stratégique de l’O. T. A. N. et a subi une forte influence britannique, mais l’île est peuplée d’une population fort mêlée, parlant une langue d’origine arabe, cependant écrite en caractères latins, et pratiquant la religion catholique. À l’est, Rhodes et les îles du Dodécanèse, l’île de Chypre surtout, peuplée de Grecs et de Turcs, appartiennent autant à l’Asie Mineure qu’à l’Europe. La Turquie a gardé de son expansion dans les Balkans le territoire de la « Turquie d’Europe », où Istanbul est une ville asiatique. Dans les Balkans, l’architecture de certaines villes, les bazars et les mosquées, les coutumes et la langue témoignent de l’empreinte ottomane : ainsi en Albanie, en Macédoine, en Bosnie-Herzégovine.

En Union soviétique, les mêmes problèmes se posent. La Russie est incontestablement européenne, et l’Europe « de l’Atlantique à l’Oural » est une réalité géographique. Mais on sait que l’Oural, montagne aisément franchissable, n’a jamais constitué une barrière. Pendant longtemps, la limite de la poussée russe vers l’Asie a été la Volga, sur la rive gauche (ou orientale) de laquelle les densités de population sont encore aujourd’hui beaucoup plus faibles, la colonisation agricole y ayant été plus récente et incomplète. L’institution de républiques autonomes, comme celles des Mordves, des Bachkirs, des Tatars, témoigne de l’implantation de peuples pasteurs, islamisés, d’origine asiatique, à l’ouest de la montagne et du fleuve Oural. L’avancée des peuples européens vers l’est aux dépens des nomades des steppes, à travers l’Ukraine, les plaines du Don et du nord du Caucase, est l’histoire d’une lente et difficile conquête, du xvie au xixe s. On sait que l’Ukraine, dont le nom signifie « les confins », n’a été colonisée et mise en culture que dans la seconde moitié du xviiie s. et au début du xixe s. : elle s’appelait alors la Nouvelle Russie. Enfin, le Caucase pose également un problème de limites. Des peuples d’origine asiatique se sont maintenus sur le versant nord, bien que refoulés par les Cosaques, l’armée et l’administration russes. De la ligne de partage des eaux au Don et à la Volga s’étend l’une des dix-huit « grandes régions économiques » de l’U. R. S. S., appelée Caucase septentrional, composée de plusieurs républiques autonomes, comme l’Ossétie du Nord par exemple, et rattachée à la république de Russie. En revanche, les territoires situés au sud de la ligne de partage constituent la « grande région économique » de Transcaucasie, comprenant l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie : cette dernière a pourtant reçu, depuis l’Antiquité, de profondes influences européennes.