Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Eure-et-Loir. 28 (suite)

Grand département agricole, l’Eure-et-Loir n’a longtemps été qu’un médiocre département industriel. Ses activités se limitaient à la transformation des produits locaux : meunerie, laiterie, sucrerie, laine et feutre, tanneries, fonderies, briqueteries. L’industrie est aujourd’hui son secteur le plus actif (51 700 emplois sur 124 000 en 1968, c’est-à-dire 42 p. 100 contre 39 p. 100 pour le secteur tertiaire et 19 p. 100 pour le secteur primaire). La mutation a été rapide (1954 : 27 p. 100 des emplois). Limitrophe de la région parisienne, bien desservi par le rail (Paris-Le Mans par Chartres, Paris-Granville par Dreux) et la route (nationale 10 Paris-Bayonne par Chartres et Châteaudun), le département a été en France l’un des premiers bénéficiaires de la décentralisation d’après guerre. Ses industries appartiennent à des branches très modernes de fabrication : mécanique de précision, électronique, chimie. Les chefs-lieux ont accueilli les principales : Chartres (lampes électroniques, récepteurs de radio et de télévision, accessoires automobiles, matériel de broyage). Dreux (tubes cathodiques, téléviseurs), Châteaudun (supports caoutchouc), Nogent-le-Rotrou (récepteurs de radio, climatiseurs). Mais elles ont gagné aussi les petits centres (Épernon, Senonches, Illiers-Combray, Brou, Cloyes-sur-le-Loir, Bazoches-les-Hautes), essaimé dans la vallée de l’Eure (Maintenon-Pierres, Nogent-le-Roi-Coulombs), revivifié la vallée de l’Avre (Saint-Lubin-des-Joncherets, Saint-Rémy-sur-Avre). Douze agglomérations urbaines sur dix-sept emploient dans l’industrie plus de la moitié de leur main-d’œuvre. Trente-trois entreprises comptent plus de 200 salariés, dont dix plus de 500. L’Eure-et-Loir est entièrement classé dans la zone V, dite « blanche », sans soutien de l’État, du régime des aides à la décentralisation.

La population, peu dense (57 hab. au km2 ; France, 95), est en croissance rapide (+ 11 p. 100 entre 1968 et 1975), soutenue à la fois par l’excédent naturel et les apports migratoires. En 1968, en baisse dans les campagnes (– 4 p. 100), elle se concentre dans les villes (taux d’urbanisation, 56 p. 100). Chartres, carrefour de routes au passage de l’Eure, important marché, centre administratif, religieux, artistique (cathédrale Notre-Dame), première concentration industrielle du département, connaît une forte expansion (72 246 hab. dans son agglomération ; + 16 p. 100 entre 1968 et 1975). Dreux (34 025 hab. en 1975) a progressé à un rythme exceptionnel. Suivent Châteaudun (16 113 hab.), Nogent-le-Rotrou (13 586 hab.), Bonneval (4 892 hab.). Le tracé des limites départementales regroupe heureusement autour de Chartres, bien centrée, un territoire naturellement écartelé entre Seine (par l’Eure) et Loire (par le Loir). Il sert moins bien la fonction régionale des autres villes, barrées en périphérie, dans leur rayonnement, par les départements voisins (Eure, Yvelines, Essonne, Loiret, Loir-et-Cher, Sarthe, Orne).

Y. B.

➙ Centre / Chartres.

Euripide

En gr. Euripidês, poète tragique grec (Salamine 480 - Pella, Macédoine, 406 av. J.-C.).



Sa vie

D’après la tradition, Euripide serait né le jour même de la bataille de Salamine. Fils de petites gens — à en croire la malignité des poètes comiques, son père était boutiquier ou cabaretier, et sa mère marchande de légumes —, il reçoit une éducation soignée et suit les leçons du philosophe Anaxagore et des sophistes, tels Protagoras et Prodicos. En 455, il présente au concours tragique sa première pièce, les Péliades, et obtient le troisième rang. Dès lors il se consacre tout entier au théâtre. Mais le public boude ses drames, et ce n’est qu’à près de quarante ans qu’il remporte sa première victoire (il sera cinq fois seulement couronné vainqueur, ce qui est peu en regard d’Eschyle ou de Sophocle). Malheureux en ménage, Euripide n’a pas l’humeur enjouée, et l’insuccès répété de ses pièces l’aigrit. Aussi cet homme peu sociable vit-il solitaire, préférant le calme de sa bibliothèque à l’exercice des fonctions publiques. Vers la fin de sa vie, il quitte Athènes pour émigrer en Macédoine à la cour du roi Archélaos, où il est accueilli avec égards. Il y meurt, peut-être des suites d’un accident, à l’âge de soixante-quinze ans.


Une œuvre contestée

Un an après la mort du poète, Aristophane fait jouer les Grenouilles. Dans le célèbre débat sur les mérites respectifs d’Eschyle et d’Euripide, ce dernier, déjà ridiculisé dans les Acharniens et les Thesmophories, est fort maltraité : à peine arrivé aux Enfers, il recueille l’approbation d’un ramassis de coquins, et Eschyle, qui prête sa voix à Aristophane, voit en lui un « collectionneur de fadaises, un faiseur de mendiants, un rapetasseur de loques », qui représente des « Phèdres prostituées » ou des « Sthénébées impudiques ». L’immoralité d’Euripide est grave, car « le poète est tenu de cacher le vice, non de l’étaler et de le porter à la scène ». L’auteur des Grenouilles ne se fait-il pas ainsi en partie l’interprète des sentiments du public d’Athènes ? Celui-ci, nous le savons, a été déconcerté, voire choqué et froissé dans ses habitudes et sa sensibilité. Ce qui rend suspecte la tragédie d’Euripide aux yeux du spectateur athénien, c’est la prodigieuse nouveauté de ce théâtre, nouveauté inacceptable pour un peuple essentiellement conservateur en ce domaine. Euripide, en effet, n’écrit ni ne pense comme Sophocle, à plus forte raison comme Eschyle. Il aime la discussion, les joutes oratoires ; il montre son scepticisme ou son incrédulité devant les fables qu’il rapporte, et surtout il remet sans cesse en question des valeurs jugées essentielles. Ajoutons que, au lieu du langage noble, il laisse croire, tout en usant d’une langue assez relevée, qu’il utilise la langue de tous les jours. L’Athènes du ve s. ne pouvait pardonner à ce manque de respect à la tradition.