Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

(La Nouvelle-Orléans 1874 - Hollywood 1940). Il fut un des nombreux partenaires de Charlie Chaplin durant son contrat à la Essanay, puis travailla avec Mack Sennett et remporta un honorable succès entre 1919 et 1930. Connu en France sous les sobriquets de Narcisse, de Calouchard et d’Andoche (il était affligé d’un strabisme convergent), il disparut comme beaucoup d’autres à l’avènement du parlant.

J.-L. P.


L’art américain


Les arts plastiques depuis le peuplement européen

Doublement suspect dès ses origines, aux yeux d’un peuple puritain et pragmatique, de proposer des images frivoles et dépourvues d’utilité, l’art américain n’allait trouver sa justification publique que du jour où il refléterait (et même contesterait) la réalité américaine. Conscient de sa dette obligatoire à l’égard de l’Europe, il n’allait conquérir son équilibre que du moment où, à son tour, il deviendrait exemplaire. Et sans doute n’y a-t-il aucun hasard si la substitution de New York à Paris comme foyer international des arts plastiques coïncide avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui consacre l’hégémonie politico-économique des États-Unis. Le soutien officiel apporté aux représentants de l’art américain dans les compétitions internationales du genre de la biennale de Venise a pu accréditer la thèse d’un chauvinisme artistique « yankee ». Pourtant, les prises de position de nombreux artistes américains contre la guerre du Viêt-nam ou en faveur des Black Panthers montrent leur désir sans équivoque de rompre, au nom de la dignité humaine, avec un pouvoir jugé réactionnaire.


L’image de l’individu

Dès l’époque coloniale, alors que les pionniers ne manifestent que mépris pour les artistes, le seul genre qui réussira à trouver grâce aux yeux de ce peuple rude sera le portrait. Pourvu que la ressemblance y soit, on se soucie peu que l’anatomie et la perspective obéissent aux règles académiques. Ainsi naissent nombre d’œuvres d’une saveur primitive et d’une poésie intense, presque toujours anonymes, dont l’esprit s’est maintenu jusqu’à nos jours, par exemple chez le merveilleux Morris Hirshfield (1872-1946). Certes, les artistes autodidactes ne sont pas le propre des seuls États-Unis, mais ici leur signification est particulière, dans la mesure où ils refusent, en même temps que les canons de l’école, l’héritage culturel européen. Aussi seront bienvenus par la suite les principes créateurs qui permettront à l’artiste, concurremment avec l’orientation réaliste, de tirer de lui-même toute la matière et la forme de son art (surréalisme et abstraction).

Mais à cela s’oppose la tendance diamétralement opposée, qui voit dans l’Europe la dépositaire de la vraie culture. C’est du groupe des Bermudes, dont les membres sont représentés en 1729 dans un tableau de John Smybert (1688-1751), que l’on peut dater l’offensive culturelle européenne au sein du jeune art américain. Il s’agit de faire de celui-ci une colonie de l’art européen, plus exactement de l’art britannique contemporain. Phénomène qui trouve sa conclusion logique lorsque les deux meilleurs peintres du xviiie s., John Singleton Copley (1738-1815) et Benjamin West (1738-1820), s’installent définitivement à Londres, peu de temps avant la révolution américaine. Gilbert Stuart (1755-1828) et Charles Willson Peale (1741-1827), eux, retourneront en Amérique, où ils deviendront les portraitistes de George Washington.


Le paysage américain et la réalité quotidienne

C’est, semble-t-il, dans la découverte de l’originalité du paysage américain que la peinture de la jeune nation va trouver sa voie. Chose particulièrement sensible lorsqu’on passe de la vision encore imprégnée de culture européenne d’un Washington Allston (1779-1843) ou d’un Thomas Cole (1801-1848) à celle, infiniment plus spécifique, d’un Albert Bierstadt (1830-1902) ou d’un Frederick E. Church (1826-1900). Désormais, la violente présence du paysage des États-Unis demeurera partie intégrante de l’art américain. À côté de cette dimension épique, confirmée plus modestement par un « primitif » comme Edward Hicks (1780-1849) ou un peintre animalier comme John James Audubon (1875-1851), il faut tenir compte de la vogue considérable de l’art anecdotique, que dominent les tempéraments vigoureux de Winslow Homer (1836-1910) et de Thomas Eakins (1844-1916). La tradition du trompe-l’œil, qu’illustre en premier lieu William M. Harnett (1848-1892), et celle du reportage, qui nous vaut les précieux documents de George Catlin (1796-1872) sur la vie des Peaux-Rouges, peuvent s’y rattacher.

En dépit de leur différence d’accent, on conçoit à quel point ces deux courants, qui portent les artistes vers le paysage américain d’une part, vers les scènes de la vie quotidienne d’autre part, répondent à une attente à la fois nationaliste et démocratique : l’art ne doit pas être réservé à une élite, il lui faut être compris par tous et célébrer les traits spécifiques d’une civilisation. On retrouve cette conception à intervalles réguliers dans l’histoire de l’art des États-Unis. Tout aussi régulièrement, elle se heurte à une réaction dans le sens de la subjectivité ou de l’esthétisme. Le romantisme onirique d’Albert Pinkham Ryder (1847-1917) et l’élégance raffinée de James Abbott McNeill Whistler* représentent à la fin du xixe s. les plus importantes manifestations picturales hostiles au naturalisme. Mais là où Ryder retrouve à travers ses propres obsessions une sorte de mythologie populaire typiquement américaine, Whistler reflète encore une fois l’esprit européen, poursuivi de Vélasquez à Manet. Sont également liés au vieux continent le peintre mondain John Sargent (1856-1925), l’impressionniste Mary Cassatt (1845-1926).


De l’école de la Poubelle à l’Armory Show

À l’opposé, c’est de Homer et surtout d’Eakins que procéderont, au début du xxe s., les peintres du groupe des Huit, ou école de la Poubelle (Ash Can School). Robert Henri (1865-1929) et les plus remarquables de ses disciples, pour la plupart venus du dessin de reportage, entendent cerner la réalité urbaine de leur pays, le monde du travail, la médiocrité quotidienne. Everett Shinn (1876-1953), John Sloan (1871-1951), George W. Bellows (1882-1925) font ainsi preuve d’un réalisme puissant, parfois un peu sommaire, qui réagit contre la sclérose académique. C’est pourquoi s’associent à leurs efforts le symboliste Arthur B. Davies (1862-1928) et Maurice B. Prendergast (1859-1924), sorte de nabi américain. Mais déjà s’organise autour du photographe Alfred Stieglitz (1864-1946), au 291 de la 5e Avenue à New York, un véritable foyer de l’avant-garde picturale, qui dès 1908 confronte les pionniers européens, de Matisse à G. Severini, à leurs émules américains. Parmi ces derniers, on peut citer John Marin (1870-1953) ou Max Weber (1881-1961), mais les plus originaux sont Arthur Dove (1880-1946), Georgia O’Keeffe (née en 1887) et Marsden Hartley (1877-1943), qui occupent tous trois une position très fluide aux confins de l’onirisme, de l’expressionnisme et de l’abstraction. L’exposition tumultueuse de l’Armory Show (1913), en présentant pour la première fois au public américain un vaste ensemble d’œuvres européennes d’avant-garde, faisait paraître bien timides, par contraste, les œuvres autochtones : c’était à la fois un encouragement et le constat d’une faiblesse, qu’il faudrait encore attendre une génération pour voir surmontée.