Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

Le cap du parlant mit fin brusquement à la grande époque du burlesque américain. Chaplin espaça peu à peu ses réalisations. Keaton ne parvint pas à se renouveler. D’autres genres gais vinrent insensiblement prendre le relais, parmi lesquels la comédie dite « sophistiquée » (Frank Capra, Ernst Lubitsch). Mais le burlesque ne mourut pas instantanément : il se transforma et s’orienta vers le loufoque pur avec les Marx Brothers*. Ces quatre hurluberlus (mais très vite Zeppo s’effacera pour laisser place à ceux de ses frères dont le tempérament comique était le plus indiscutable : Groucho, Harpo et Chico) passeront insensiblement d’un style de music-hall clownesque à un style comique filmique inimitable (et avouons-le rarement imité), s’imposant comme les contestataires virulents d’une société qui s’endormait dans sa suffisance et sa bonne conscience. Ils seront dans l’immédiate avant-guerre les seuls représentants valables du comique américain avec W. C. Fields (1879-1946). Ce dernier, après avoir été une vedette des Ziegfeld Follies, connut ses premiers succès cinématographiques dès 1925 (Sally of the Sawdust [1925] de D. W. Griffith), mais ne fut vraiment apprécié qu’à partir de 1932 grâce à Million Dollar Legs et Si j’avais un million (If I had a Million). Il imposa dès lors un personnage de faux gentleman toujours entre deux vins, deux plaisanteries agressives, deux calembours amers qui dérouta quelque peu le public de son époque. Parmi ses autres films, il faut encore citer It’s a Gift (1934) de N. Z. McLeod, David Copperfield de G. Cukor (1935), les Joies de la famille (The Man on a Flying Trapeze, 1935) de C. Bruckman, Mon petit poussin chéri (My Little Chickadee, 1940), Mines de rien (The Bank Dick, 1940) et Passez muscade (Never give a Sucker an Even Break, 1941), tous trois d’Eddie Cline.

Il faudrait également mentionner l’une des rares actrices qui se soit illustrée à l’époque dans le genre comique : Mae West, dont le sex-appeal provocant alerta vite la vigilance des puissantes ligues de décence, mais qui parvint néanmoins, comme scénariste et interprète, à imposer sa trépidante fantaisie dans Lady Lou (1933), Je ne suis pas un ange (1933), Annie du Klondike (1936), Fifi peau de pêche (1937) et Mon petit poussin chéri (1940).

Quand arriva la Seconde Guerre mondiale, le comique américain ne se survivait plus que grâce à quelques individualités. Les années 40 et les années 50, malgré la vogue d’un Bob Hope et surtout d’un Danny Kaye, ne lui furent guère favorables.

Parmi les rares talents qui s’imposèrent peu à peu à partir de 1950, il faut citer Jerry Lewis (né à Newark en 1926). Après avoir débuté sous la direction de Norman Taurog, George Marshall et Frank Tashlin, en tandem avec Dean Martin, Jerry Lewis entreprit à partir de 1958 une carrière d’acteur-réalisateur qui fut marquée par des succès, comme le Tombeur de ces dames (The Ladies’ Man, 1961) ou Dr. Jerry et Mr. Love (The Nutty Professor, 1963).

Comme les Marx, mais dans un tout autre style, Jerry Lewis s’attaque férocement à la société américaine et à ses mythes. Ce grimacier très controversé fait volontiers de l’excès une vertu, mais il est néanmoins l’un des rares acteurs comiques américains à s’être peu à peu imposé sur les écrans du monde entier. Vers la fin des années 60 Woody Allen tente à son tour de renouveler l’art difficile du gag (Bananas, 1970).



Fatty

(de son véritable nom Roscoe Arbuckle) [Smith Center, Kansas, 1881 - Hollywood 1933]. Il fut engagé à la Keystone par Mack Sennett et fut le partenaire de Mabel Normand, de Chester Conklin et de Charlie Chaplin. À partir de 1917, il réalisa ses propres films et popularisa son surnom de Fatty. Il imposa sur les scènes du monde entier un personnage de lourdaud et de jobard conçu à partir de son obésité et de sa corpulence adipeuse. Sa carrière fut brisée en 1921 à la suite d’un scandale public qui dressa contre lui l’Amérique puritaine.


Harry Langdon

(Council Bluffs, Iowa, 1884 - Hollywood 1944). Venu à l’écran par le biais du music-hall, il débuta dans le groupe de Mack Sennett. Son premier grand film, Plein les bottes (Tramp Tramp Tramp, 1926), fut réalisé par Harry Edwards sur un scénario de Frank Capra. Mais c’est ce dernier qui dirigea Langdon dans The Strong Man (1926) et Long Pants (1927). La carrière de Langdon fut relativement courte. Après 1930, il parut encore dans quelques films, dont A Soldier’s Plaything (1930) de Michael Curtiz, puis il écrivit quelques scénarios (notamment pour Laurel et Hardy). Ce rêveur au visage lunaire partagé entre l’agressivité et la timidité fut volontiers considéré comme un comique sophistiqué, dont la poésie amère pourrait expliquer le relatif insuccès. À l’instar de Buster Keaton et d’Harold Lloyd, il connut à partir de 1968-1970 une période de réhabilitation.


Laurel et Hardy :

Arthur Stanley Jefferson, dit Stan Laurel (Ulverston, Lancashire, Grande-Bretagne, 1890 - Santa Monica, Californie, 1965), et Oliver Hardy (Atlanta, Géorgie, 1892 - Hollywood 1957). Ce tandem comique se créa en 1926 et connut rapidement un grand succès. La collaboration du gros Hardy et du maigre Laurel durera vingt-quatre années. Les deux compères franchirent sans encombre l’écueil du parlant, rares rescapés de l’hécatombe qui marqua alors le burlesque américain. Ils furent les héros d’une centaine de films, dont, parmi leurs longs métrages, Fra Diavolo (1933), Têtes de pioche (1938), les As d’Oxford (1940). Très appréciés du grand public, ils mirent un certain temps à être reconnus par la critique comme d’authentiques créateurs.


Harold Lloyd

(Burchard, Nebraska, 1893 - Hollywood 1971). Il débuta en 1913, se fit connaître par la série des « Lonesome Luke » (en anglais, le personnage est connu sous le nom de « Winkle » ; en français, sous celui de « Lui »), qu’il tourna sous la direction du producteur-réalisateur Hal Roach. Dans les années 20, son succès populaire ne fut pas loin d’éclipser celui de Chaplin. Lloyd entreprit en effet divers longs métrages, notamment Monte là-dessus ! (Safety Last, 1923) et Vive le sport (The Freshman, 1925), où il précisa son personnage d’acrobate à lunettes et s’affirma dans un style situé à mi-chemin du burlesque gratuit et du comique d’observation à résonance humaine. Après 1930, il tourna encore quelques films avant de tomber dans un demi-oubli que ne dissipera pas entièrement le long métrage de Preston Sturges Oh quel mercredi ! (Mad Wednesday, 1947). Plusieurs films de montage lui furent consacrés : le Monde comique d’Harold Lloyd en 1962 et Fous Rires en 1963.


Ben Turpin