Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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États-Unis (suite)

Mais, à la veille de la révolution, 20 p. 100 des colons ne sont pas d’origine britannique. Dès 1608, les Virginiens ont fait appel à des Polonais et à des Allemands pour travailler le bois ou le verre et extraire la potasse. La Caroline du Sud ouvre ses portes aux huguenots français, victimes de la révocation de l’édit de Nantes (1685). Des Hollandais sont solidement implantés dans l’île de Manhattan et le long de la vallée de l’Hudson. À leurs côtés vivent des Wallons et des Espagnols de religion protestante, des Danois, des Norvégiens, des Suédois, des Juifs d’origine ibérique. Les Allemands forment la plus nombreuse de ces minorités ethniques. Luthériens ou dissidents, ils se rassemblent en Pennsylvanie, où ils constituent en 1790 un tiers de la population. Leurs talents et leur ingéniosité leur apportent la réussite aux champs comme dans les fabrications artisanales.

Reste le cas des Noirs. Le premier convoi arrive en 1619. Puis ils sont importés avec régularité de Guinée et des Indes occidentales. En 1760, ils sont 400 000, dont 150 000 habitent la Virginie. Les négriers sont des commerçants d’abord hollandais, puis anglais ; au xviiie s., ce sont des armateurs de la Nouvelle-Angleterre. Certes, des Blancs sont réduits à la servitude jusqu’au milieu du xviiie s., mais leur servitude prend fin quand ils sont parvenus à rembourser leur passage d’Europe en Amérique. Par contre, l’émancipation des Noirs est rare : ceux-ci ont été importés comme esclaves et le demeurent, à quelques exceptions près.

La formation des colonies britanniques présente autant d’originalité que leur peuplement. En 1607, une centaine de colons fondent Jamestown, sur les rives de la Chesapeake Bay. La région, appelée Virginie en l’honneur de la reine Élisabeth, est mise en valeur par une compagnie commerciale. C’est la culture du tabac qui apporte la richesse : dès 1618, 50 000 livres sont expédiées vers l’Angleterre ; la monoculture s’installe et la propriété privée est établie. En 1624, la Virginie devient colonie royale et bénéficie de la Common Law.

Plus au nord, la compagnie de Plymouth finance le voyage et l’installation d’un groupe de dissidents, les pèlerins, qui débarquent près du cap Cod en 1620, après avoir franchi l’Océan sur le Mayflower. L’entreprise échoue sur le plan matériel. Une dizaine d’années plus tard, les puritains, après avoir obtenu une charte royale, s’installent autour de la baie du Massachusetts. La charte confère aux colons des droits vis-à-vis de Londres ; l’essentiel du pouvoir appartient aux communautés locales, en particulier aux membres les plus importants de l’Église congrégationaliste. Une querelle interne provoque en 1636 la création d’une colonie dissidente, le Rhode Island, tandis que le Connecticut et le New Hampshire accueillent l’excédent de population du Massachusetts.

En 1632, lord Cecilius Baltimore reçoit de Charles Ier la région au nord du Potomac jusqu’à la latitude de ce qui sera Philadelphie. Le Maryland, par la volonté de son fondateur, est d’abord un refuge pour les catholiques, puis décide d’accueillir tous les colons, de quelque religion qu’ils soient.

Pour deux de ses amis, Charles II crée la colonie du New Jersey. William Penn (1644-1718) se fait offrir par Charles II le territoire compris entre le New Jersey et le Maryland : ce sera la Terre promise des quakers. À la fin du xviie s. apparaissent les deux Carolines. En 1732, la Géorgie est fondée pour servir d’asile aux personnes endettées.

Colonies propriétaires, royales ou à charte, elles ont des caractères communs. De la mère patrie, elles ont hérité le goût du parlementarisme. À des degrés divers, elles pratiquent le self-government. Parce qu’elles ressentent le besoin de recevoir de nouveaux colons, elles font de la liberté religieuse et politique sinon un droit, du moins une réalité quotidienne. Certes, le roi est la source de toute autorité et reste le propriétaire éminent des terres concédées, mais l’administration britannique brille par son absence. Les assemblées locales ressemblent à de petits parlements, dont les décisions sont rarement contestées à Londres par le Board of Trade.

Sur un seul point l’Angleterre impose sa loi. Le système mercantiliste régit les rapports de la métropole et des colonies : les matières premières sont produites pour la métropole, et les colonies doivent lui acheter les produits manufacturés ; tout le commerce avec l’étranger transite par les ports anglais. Ce régime limite l’expansion industrielle et commerciale des colonies, mais leur donne, garantie inestimable, un accès privilégié au marché le plus important de l’époque. Et, dans la pratique, les commerçants américains n’hésitent pas à corrompre les agents des douanes, qui ferment les yeux quand se produit une entorse au mercantilisme.

Par contre, les colonies d’Amérique sont menacées par les ennemis de l’Angleterre. Les Indiens ne constituent pas un grand danger : dispersés, gênés par leur retard technologique, ils ne peuvent pas empêcher la progression de ces « affamés de terres » que sont les colons anglais ; tout au plus réussissent-ils quelques coups de main, avant de connaître la déchéance physique provoquée par l’alcool et les maladies.

Les Espagnols sont présents en Amérique du Nord depuis le début du xviie s. Juan Ponce de León (1460?-1521) a traversé et baptisé la Floride en 1513. Hernando de Soto (1500-1542) a poussé l’exploration jusqu’aux monts Ozark. Francisco Vasquez de Coronado (1510-1554) a franchi en 1540 le Rio Grande. À la fin du xviiie s., l’Espagne possède tout ce qui est à l’ouest du Mississippi et a repris possession de la Floride. Mais elle n’a plus la force de s’étendre. Elle se contente de conserver.

Les Hollandais se sont maintenus dans Manhattan pendant quarante ans et ont absorbé la Nouvelle-Suède à l’embouchure de la Delaware. Mais, en 1664, ils sont vaincus par les Anglais, qui, en l’honneur du duc d’York, font de la Nouvelle-Amsterdam (Nieuw Amsterdam) New York.