Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

État (suite)

Il convient de souligner l’existence dans le passé d’États semi-souverains : États vassaux (exemple de l’Égypte, vassale de la Turquie de 1841 à 1914), États protégés ou protectorats (exemples de l’Égypte, protégée par la Grande-Bretagne de 1914 à 1936, de la Tunisie, du Maroc et des États indochinois, protégés par la France, de la Mandchourie, protégée par le Japon, etc.) et, entre les deux Guerres mondiales, États sous mandat (Cameroun, Togo, Liban, Palestine, etc.).

Le fait est que, si les États semi-souverains ont pratiquement disparu, il subsiste en fait encore d’assez nombreux « États clients », qui, bien que juridiquement pleinement souverains, vivent sous la dépendance économique sinon même militaire de telle ou telle grande puissance.


Naissance, transformation et fin des États

Il y a création d’État lorsqu’une communauté humaine, répondant à la définition donnée plus haut, accède à la souveraineté pleine et entière. Dans le monde moderne, il ne peut y avoir création d’un État nouveau que dans les cas suivants : accession à l’indépendance d’un État semi-souverain, d’un territoire anciennement colonisé ou d’un territoire se séparant de l’État unitaire ou de l’État fédéral auquel il était précédemment rattaché (cas de la Norvège, se séparant de la Suède en 1905, de la Belgique, se séparant des Pays-Bas en 1830, de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie et de la Hongrie, lors de la dissolution de l’Empire austro-hongrois en 1918, etc.). On peut également estimer qu’il y a création d’un État nouveau en cas de fusion d’États (cas de l’unité italienne en 1861).

Dès que son indépendance est effective, un État existe ; mais, dans ses rapports avec les autres États, il lui faut avoir été reconnu tacitement ou effectivement par ces derniers ; en principe, il y a reconnaissance par tel ou tel État dès que celui-ci entretient des relations commerciales, financières ou politiques avec l’État nouveau ; la reconnaissance juridique implique l’établissement de relations diplomatiques et consulaires. Dans une large mesure, la création de la Société des Nations, à laquelle a été substituée en 1945 l’Organisation des Nations unies, a beaucoup simplifié le problème de la reconnaissance d’un État nouveau par la communauté internationale ; tout État membre de l’Organisation des Nations unies fait partie de cette communauté (c’est notamment le cas de l’État d’Israël, membre de l’O. N. U., avec lequel les principaux États arabes refusent pourtant d’entretenir des relations juridiques).

Des problèmes particuliers se posent lorsqu’une fraction de la population d’un État unitaire se rebelle pour conquérir son indépendance (cas des Bengalis du Pākistān oriental en 1971), ou lorsqu’un État fédéré lutte militairement pour obtenir le droit de faire sécession et de devenir souverain (cas des États du sud des États-Unis [1861-1865] ou du Biafra [1967-1970]) ; la reconnaissance de belligérance (donnée par la France et la Grande-Bretagne, pendant la guerre de Sécession, en faveur des États du Sud) signifie que les États qui l’ont accordée estiment se trouver en présence d’un état de guerre international et non plus seulement d’une émeute ou d’une guerre civile dans laquelle les pays étrangers n’ont pas à intervenir : s’il y a guerre civile, les pays étrangers commercent uniquement avec l’État officiel ; s’il y a guerre internationale, ils peuvent commercer et même s’allier avec l’un et l’autre des belligérants.

Des transformations autres que des sécessions peuvent se produire, par exemple l’annexion de provinces d’un État étranger (Alsace et Lorraine en 1871) ou d’un État étranger tout entier (Texas en 1845, Estonie, Lettonie et Lituanie en 1940) ; il peut également y avoir cession amiable d’une province par un État à un autre (Louisiane en 1803, Savoie et Nice en 1860).

Un État peut également disparaître ; c’est le cas de son annexion par un autre ou de sa division volontaire ou forcée.

Il arrive que les États étrangers refusent de reconnaître une situation de fait telle que l’annexion d’un pays par un autre ; il s’ensuit alors une fiction : le gouvernement de l’État annexé, bien que n’exerçant plus aucun pouvoir et bien que l’État annexé ait perdu toute souveraineté, vit en exil et continue d’être reconnu par une partie de la communauté internationale...

La création et la disparition des États produisent des conséquences juridiques importantes en ce qui concerne les transferts de souveraineté, les traités, les dettes ainsi que la législation relative à la nationalité.

R. M.

➙ Administration / Collectivité territoriale / Conflits internationaux / Constitution / Convention internationale / Démocratie / Élection / Frontière / Gouvernementale (fonction) / Guerre (lois de la) / Juridiques (sciences) / Justice (organisation de la) / Législatif (pouvoir) / Organisations internationales / Parlement / Parlementaire (régime).

 G. Jellinek, Das Recht des modernen Staates (Berlin, 1900 ; 3 vol. ; trad. fr. l’État moderne et son droit, t. I, Fontemoing, 1904 ; t. II, Giard et Brière, 1913). / F. W. Coker, Organismic Theories of the State (New York, 1910). / R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État (Sirey, 1920-1922 ; 2 vol.). / F. Oppenheimer, The State (New York, 1922). / M. de La Bigne de Villeneuve, Traité général de l’État (Sirey, 1929). / H. J. Laski, The State in Theory and Practice (Londres, 1935). / S. Trentin, la Crise du droit et de l’État (Alcan, 1936). / J. Dabin, Doctrine générale de l’État (Bruylant, Bruxelles et Sirey, 1939) ; l’État ou la Politique, essai de définition (Dalloz, 1958). / J. Maritain, l’Homme et l’État (P. U. F., 1953 ; nouv. éd., 1965). / J. Donnedieu de Vabres, l’État (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1954, 5e éd., 1971). / G. Burdeau, l’État (Éd. du Seuil, 1970). / M. Villey, Genèse et déclin de l’État (Sirey, 1976).

état civil

Mode — organisé par les pouvoirs publics — de constatation des faits et actes juridiques relatifs à l’état d’une personne.