Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Esturgeon (suite)

Les Acipenséridés

Les Acipenséridés groupent quatre genres distincts. L’Esturgeon commun de France, qui remonte encore la Gironde et l’Adour, est Acipenser sturio. Il existe des espèces voisines en Europe centrale (A. ruthenus) et en Amérique du Nord (A. rubicundus). Le Danube abrite le géant de la famille, le Bélouga (Huso huso), dont le poids peut dépasser la tonne. Une seule femelle fournit alors 100 kg de caviar. À partir de la vessie gazeuse de ces Poissons, on fabrique l’ichtyocolle, utilisée pour clarifier les vins. Les Scaphirhynchus sont américains, et les Kessleria asiatiques.

Les Esturgeons ont un rostre antérieur et une bouche située ventralement qui évoquent l’habitus des Requins ; 4 barbillons précèdent l’ouverture buccale. Le corps porte 5 rangées longitudinales de plaques osseuses : 1 dorsomédiane, 2 latérales et 2 ventrales, qui donnent à l’animal, en coupe transversale, une forme pentagonale. Ce sont des Poissons des eaux tempérées et tempérées froides de l’hémisphère Nord, surtout abondants en Asie et en Europe orientale. Si certaines espèces de petite taille, comme le Sterlet d’Europe centrale (A. ruthenus), sont dulcicoles, les autres sont des migrateurs potamotoques qui se reproduisent dans les rivières et se nourrissent en mer, sur les fonds vaseux du plateau continental ; leurs proies sont surtout constituées de Mollusques, de Vers et de petits Poissons. La montée commence au printemps, mais, à l’inverse des Saumons, les Esturgeons ne remontent pas les rivières jusqu’à leur cours supérieur. Les femelles pondent, en mai-juin, des millions d’œufs minuscules, qui éclosent très vite. Les alevins passent un an en eau douce, puis gagnent les estuaires et de là les fonds marins jusqu’à 150 m environ. La croissance est très lente ; la maturité sexuelle n’est atteinte qu’à 20 ans. Les adultes reviennent en mer après chaque frai et peuvent vivre un nombre respectable d’années (un siècle, prétend-on).

Les Esturgeons deviennent de plus en plus rares, non seulement par suite de la pêche intense qu’on en a faite, mais aussi et surtout par suite de la pollution des eaux douces, qui s’oppose à leur reproduction.


Les Polyodontidés

Les Polyodontidés, seconde famille d’Acipensériformes, ont la peau nue — elle contient, comme celle des Esturgeons, de petites écailles incluses dans la peau, mais ne comporte pas les rangées de scutelles longitudinales — et un rostre allongé et aplati en pelle, d’où leur nom de Spatules. Contrairement aux Esturgeons prédateurs, ils ont un filtre branchial, et leur nourriture est microphage. On prétend qu’ils utilisent leur rostre pour fouiller les fonds vaseux, mais l’observation n’a rien montré de tel. On connaît deux espèces de Spatules, l’une du Mississippi (Polyodon spathuma), l’autre du Yangzi (Yang-tseu) [Psephurus gladius] ; la première peut atteindre 2 m et peser 75 kg, la seconde, bien plus grande, atteindrait 4 à 6 m. On sait peu de chose de leur reproduction. Les œufs constituent un excellent caviar.

Pour fabriquer le caviar, on extrait les œufs des femelles pêchées, puis on les bat ou on les frotte sur un tamis pour les séparer de leurs coques, et enfin on leur ajoute du sel pour en assurer la conservation.

R. B.

 J. P. Lehman et L. Bertin, « Super-ordre des Chondrostéens » in P.-P. Grassé (sous la dir. de), Traité de zoologie, t. XIII, fasc. 3 (Masson, 1958).

étain

Corps simple métallique.



Découverte

Des minerais d’étain ont été reconnus depuis la haute antiquité et ont servi à fabriquer le bronze par alliage avec le cuivre*. En chauffant l’étain et le chlorure mercurique, l’Allemand Andreas Libavius (v. 1550-1616) prépara le chlorure stannique, que l’on appela liqueur fumante de Libavius. Bernard Palissy contribua au développement de la céramique par la mise au point d’émaux au plomb et à l’étain.


État naturel

L’étain existe en petites quantités à l’état natif, mais le seul minerai notable est l’oxyde SnO2 (cassitérite), bien qu’on le connaisse aussi dans un sulfure complexe, la stannite Cu2FeSnS4 (v. plus loin § minerais). C’est un élément assez rare (4.10–3 p. 100 de la croûte terrestre).


Atome

On connaît à l’état naturel dix isotopes de cet élément de numéro atomique 50, qui se situe dans le groupe IV B. La structure électronique de l’état fondamental de l’atome correspond à 1s2, 2s2, 2p6, 3s2, 3p6, 3d10, 4s2, 4p6, 4d10, 5s2, 5p2. Les énergies successives d’ionisation sont en électrons-volts les suivantes : 7,34 ; 14,6 ; 30,7 ; 40,8 ; 81,3 ; le rayon atomique est de 1,14 Å.


Corps simple

Ce métal polymorphe existe dans les conditions ordinaires de température à l’état d’étain β, mais, porté à basse température (avec un optimum vers – 48 °C), il s’y forme des germes d’étain α (beaucoup moins dense), qui constituent les taches noires de la « peste de l’étain » ; en se développant, ces germes entraîneraient une telle augmentation de volume que l’objet en serait détruit et tomberait en poudre. En fait, la température de la transformation réversible Snα ⇄ Snβ est de 13 °C, mais la vitesse de transformation est extrêmement faible dans ce domaine de température. Il existe aussi à la température supérieure à 160 °C une troisième forme cristalline appelée étain γ. L’étain β a une densité de 7,3 ; il est mou et très fusible (tf = 232 °C). Il forme de nombreux alliages (bronze avec le cuivre). Il est inaltérable à l’air et sert à protéger certains métaux (le fer-blanc est du fer recouvert d’étain).

L’étain est attaqué à chaud (lorsqu’il est fondu) par l’oxygène de l’air et dès la température ordinaire par le chlore, avec lequel il forme le tétrachlorure SnCl4, qui fume fortement à l’air par suite de son hydrolyse par la vapeur d’eau. L’étain est attaqué par les acides et les bases.