Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Estonie (suite)

Le 15 juin 1920 l’assemblée constituante (élue en avr. 1919), avec August Rei (1886- ?) comme président, vote une constitution qui dote du pouvoir législatif une chambre unique (Riigikogu) élue pour trois ans selon un système proportionnel ; le chef de l’État est aussi chef du gouvernement. Jusqu’en 1933, une dizaine de gouvernements de coalition (Päts, Tõnisson, Teemant) se succèdent ; en 1924, le parti communiste est dissous. La grande crise économique de 1930 provoque en Estonie, comme ailleurs, des troubles graves. Un référendum d’octobre 1933 amène une révision de la Constitution dans le sens d’un renforcement du pouvoir exécutif : Laidoner exerce alors une dictature de fait sous la présidence nominale de Päts. En 1937, une nouvelle constitution est promulguée, qui établit deux chambres : Päts est élu président de la République.

Mais déjà les années de l’Estonie indépendante sont comptées. Bien qu’elle ait signé en 1932 un pacte de non-agression avec l’U. R. S. S., l’Estonie subit le contrecoup du pacte germano-soviétique (août 1939), dont un protocole secret place l’Estonie dans l’orbite soviétique. Le 28 septembre, les Russes imposent au petit État un traité de mutuelle assistance qui renouvelle le pacte de 1932, mais comporte la concession à l’U. R. S. S. des bases navales de Khiouma (Dago), Sarema et Paldiski.

Le 16 juin 1940, un ultimatum soviétique exige l’« application honnête » de ce traité ; le lendemain, les troupes russes occupent le pays ; le 19 juin, un membre du Politburo, Andreï Aleksandrovitch Jdanov, s’installe à Tallin pour organiser le gouvernement soviétique de la république d’Estonie ; le 21 juin. Johannes Vares (1890-1946) en prend la direction. En juillet, une chambre est élue qui ne comporte que des partisans du régime ; le 21 juillet, elle vote à l’unanimité un vœu appelant la réunion de l’Estonie à l’U. R. S. S. : cette réunion est effective le 6 août. Les leaders de l’ancien régime, Päts et Laidoner en tête, sont arrêtés. En mai-juin 1941, des déportations massives liquident l’opposition, à la veille de l’invasion de l’Estonie par les Allemands (armée von Leeb) ; Tallin tombe entre les mains de ceux-ci le 28 août. En 1944, les Russes reprennent le pays (entrée à Tallin le 22 sept. 1944), et l’Estonie redevient la 15e république de l’U. R. S. S.

P. P.

➙ Lettonie / Lituanie / U. R. S. S.

 Z. Ligers, Histoire des villes de Lettonie et d’Estonie des origines jusqu’à la fin du xviiie s. (P. U. F., 1946). / E. Uustalu, The History of Estonian People (Londres, 1952).

Estrémadure

En esp. Extremadura, région d’Espagne formée des deux provinces de Badajoz et de Cáceres ; 41 601 km2 ; 1 145 000 hab.


À l’ouest de la Nouvelle-Castille, l’Estrémadure est l’une des terres les plus pauvres d’Espagne, peu favorisée par la nature malgré sa large ouverture aux influences océaniques, qui lui apportent 600 mm de pluies par an. Mais les sols y sont généralement de très médiocre qualité : raboté par un aplanissement polygénique qui n’a respecté que quelques pittoresques crêtes appalachiennes, le socle mésétain, formé de schistes et de roches cristallines, ne porte que des sols minces, souvent acides, pulvérulents en été et détrempés en hiver. Seuls les dépôts sédimentés dans la région de Mérida à la faveur d’une ondulation synclinale tertiaire et les argiles de décomposition plus ou moins remaniées de la Tierra de Barros permettent de cultiver de façon rentable le blé, la vigne et l’olivier.

Partout ailleurs, la grande exploitation extensive, née du partage des terres lors de la Reconquête et maintenue grâce aux privilèges dont elle a bénéficié, domine : 42 p. 100 des exploitations de la province de Cáceres, 45 p. 100 de celle de Badajoz dépassent 250 ha. Le paysage caractéristique est celui de « dehesa », sorte de forêt claire de chêne vert et de chêne-liège, dont le sous-bois a été défriché et labouré. Si, parfois, l’exploitation du liège ou du charbon de bois est une source de revenus non négligeable, c’est l’élevage qui est l’activité essentielle : les porcs (dont la glandée assure la nourriture à l’automne) et les moutons de race mérinos parcourent les friches et de maigres pâturages peu soignés. En hiver, l’Estrémadure accueille, en plus, des troupeaux ovins transhumants. Assez récemment, l’élevage des taureaux de combat a introduit une spéculation nouvelle.

Depuis la fin du xixe s., beaucoup de terres ont été défrichées sous la pression démographique. On y cultive des céréales en alternance avec une jachère d’autant plus longue que le sol est plus mauvais ; malgré les engrais chimiques, les rendements sont médiocres, les sols tendant à s’épuiser.

L’exploitation demeure donc très extensive, ce qui explique que les deux provinces de Badajoz et de Cáceres se classent respectivement aux 47e et 48e rangs des 50 provinces espagnoles pour le revenu moyen par habitant. Pour remédier à cette situation, les autorités ont mis au point le Plan de Badajoz, qui, grâce à l’irrigation des Vegas de Mérida, a déjà permis, bien que les travaux soient encore inachevés, d’améliorer considérablement les rendements de blé et d’introduire des cultures nouvelles : coton, prairies artificielles, fruits et légumes. En les dotant de quelques industries dérivées de l’agriculture, il a favorisé la croissance de Badajoz (113 000 hab.) et de Mérida (34 000 hab.), alors que Cáceres (50 000 hab.) et Trujillo (13 000 hab.) végètent autour de leurs vestiges architecturaux. Il n’a cependant pas enrayé l’émigration, dont l’Estrémadure reste l’un des plus importants foyers de l’Espagne.

Le Plan de Badajoz

Destiné à transformer les conditions de vie dans le bassin du Guadiana moyen, le Plan de Badajoz, dont les textes ont été approuvés en 1952, est fondé sur la construction de plusieurs barrages de retenue sur le Guadiana et son affluent, le Zújar. Ses objectifs sont multiples : irriguer 134 000 ha de terres réparties en deux ensembles, les Vegas altas à l’amont de Mérida et les Vegas bajas à l’amont de Badajoz ; reboiser d’importantes surfaces ; doter la région d’une source d’énergie pour y favoriser l’industrialisation ; construire des routes nouvelles et une voie ferrée directe vers Madrid afin de désenclaver la région. En dehors des emplois dans l’industrie, le Plan prévoit que les aménagements ruraux procureront du travail à 26 000 ouvriers agricoles. D’autre part, des terres rachetées par l’Institut national de la colonisation (I. N. C.), qui les met en irrigation, seront distribuées en petits lots de 4 à 5 ha à 9 000 colons pour lesquels seront construits 48 villages nouveaux. En même temps que la terre, les colons reçoivent les bâtiments, le matériel agricole, le cheptel, les semences, les engrais et les produits de traitement. Ils doivent cultiver conformément au plan fixé chaque année par les agronomes de l’I. N. C. Par des remboursements échelonnés sur 25 à 30 ans, ils deviendront propriétaires de leur lot, qui demeurera non divisible par héritage.