Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

essence (suite)

Les carburéacteurs

L’aviation militaire, puis l’aviation civile étant passées progressivement du moteur à pistons à la turbine à gaz (turbopropulseur) et ensuite au moteur à réaction (réacteur), l’essence à très haut indice d’octane, si coûteuse à fabriquer, a été remplacée petit à petit par un nouveau type de carburants, les carburéacteurs. Ces produits présentent l’avantage d’un prix de revient beaucoup moins élevé, car ils sont constitués par des coupes de première distillation du pétrole brut après un simple traitement de désulfuration.

Néanmoins, les autorités civiles et militaires des différents pays imposent des spécifications très rigoureuses de pureté afin de garantir que les carburéacteurs, dont il existe de nombreuses variétés en fonction du type de propulseur qui les utilisera, soient exempts d’eau, de sédiments solides et d’éléments corrosifs. Constitués par des kérosènes ou par des mélanges d’essence et de kérosène, ces carburants doivent avoir un point de congélation inférieur à – 60 °C et contenir des additifs antigivre appropriés à l’altitude de vol des avions.


Les essences spéciales

Employées comme solvants et à des usages industriels divers, les essences dites spéciales sont des coupes pétrolières étroites, aux limites de distillation très précises.

• L’essence « A » (40-100 °C) est utilisée en teinturerie pour le dégraissage et certaines colles.

• L’essence « B » (60-80 °C), très riche en hexane normal, sert à l’extraction des corps gras, à la fabrication des suifs d’os, aux huileries.

• L’essence « C » (70-100 °C) est utilisée dans les industries du caoutchouc, des huiles ou des corps gras, comme essence à briquet ou pour certains chauffages.

• L’essence « D » (95-103 °C) sert à déshydrater les alcools.

• L’essence « E » (100-130 °C) et l’essence « F » (100-160 °C) sont employées également dans les industries du caoutchouc, de la teinturerie, du dégraissage.

• L’essence « G » (30-75 °C), très légère, composée de pentanes et d’hexane, est utilisée en parfumerie pour les extractions à basse température.

• L’essence « H » est le carburant pour les moteurs à deux temps : avec les mêmes limites de distillation que l’essence ordinaire pour automobile, elle doit être incolore et exempte de plomb. On y incorpore généralement une petite quantité de lubrifiant.

• Le white-spirit (essence blanche), enfin, est une coupe intermédiaire entre l’essence et le pétrole lampant (kérosène), c’est-à-dire qu’il distille entre 140 et 200 °C. Il est utilisé comme solvant de dégraissage et surtout comme diluant de peintures, où il a remplacé l’essence de térébenthine.

Obtenus à partir de l’essence directe par redistillation atmosphérique et sous vide, tous ces produits spéciaux doivent être dépourvus d’odeur désagréable et parfaitement épurés : certaines qualités à teneur limitée en hydrocarbures aromatiques exigeront un traitement d’extraction de ces derniers soit à l’aide d’un solvant, soit par un procédé catalytique.


Coût

La fabrication des nombreuses variétés différentes d’essences et de carburants met en œuvre les installations de raffinage les plus complexes et les plus coûteuses à construire et à exploiter. Produit clé de l’industrie du pétrole, l’essence pour automobile est le produit pour lequel, dans tous les pays, la fiscalité est la plus lourde. En France, même en tenant compte de la hausse généralisée des prix de pétrole brut survenue en 1971, le coût de fabrication des carburants à la sortie des raffineries ne dépasse pas, en 1976, 0,70 F par litre pour un prix de vente trois fois supérieur pour l’essence ordinaire. La « marge » destinée à couvrir les frais de distribution et de vente n’étant que de quelques centimes, la différence est donc constituée presque exclusivement par les taxes.

A.-H. S.

➙ Additif / Craquage / Désulfuration / Distillation / Hydrogénation / Octane / Pétrole / Raffinage / Reformage / Solvant / Vapocraquage.

Essenine (Sergueï Aleksandrovitch)

Poète russe (Konstantinovo, gouvern. de Riazan, 1895 - Leningrad 1925).


Né d’une famille paysanne, élevé dans la tradition religieuse par un grand-père vieux-croyant dans son village natal de Konstantinovo, Essenine fréquente jusqu’à dix-sept ans l’école normale de la ville voisine de Spas-Klepiki (région de Riazan). En 1912, il rejoint son père à Moscou et travaille à ses côtés comme commis dans une boucherie ; puis il est vendeur dans une librairie, aide-correcteur et enfin correcteur dans une typographie. Il suit les cours de l’université populaire Chaniavski et fréquente le cercle musical et littéraire Sourikov, formé de poètes autodidactes qui perpétuent la tradition civique du xixe s. Ses vers de jeunesse trahissent encore cette influence, dont il se dégage vite. Ceux qu’il publie à partir de 1914, d’abord dans la presse enfantine et qui seront réunis en 1916 dans son premier recueil Radounitsa, attirent l’attention par leur fraîcheur et leur spontanéité : chansons d’amour imitant les thèmes et les rythmes du folklore, tableaux de genre évoquant la vie quotidienne du village russe et le monde familier du paysan (en particulier ses animaux domestiques, « nos frères cadets ») et surtout paysages lyriques dominés par deux images centrales : celle du poète et celle de la Russie. Parfois pâtre et pèlerin absorbé dans la contemplation fervente d’une campagne russe visitée par Jésus, la Vierge et saint Nicolas, le poète est ailleurs un vagabond et un voleur qui s’abandonne avec résignation à un destin inéluctable figuré par l’immensité de la plaine russe et ses horizons sans limites.

À Petrograd, où le désir de faire carrière dans les lettres l’a amené en 1915, Essenine profite, avec son aîné le poète paysan Nikolaï Alekseïevitch Kliouïev (1885-1937), de la vogue du « style russe » dans les salons de la capitale. La guerre et la révolution de février le rapprochent du groupe des « Scythes », où l’extrémisme apocalyptique des poètes symbolistes Blok et Belyï s’allie au socialisme agraire du publiciste Ivanov-Razoumnik, idéologue du parti socialiste-révolutionnaire de gauche, seul allié des bolchevistes en octobre 1917. C’est dans les recueils collectifs Skify (les Scythes) et dans la revue des socialistes révolutionnaires de gauche Nach pout (Notre voie) qu’il publie en 1917-18 une série de poèmes inspirés par la révolution (Pevouchtchi zov [l’Appel chantant], Ottchar [le Père], Oktoïkh [le Livre de neumes], Prichestviïe [Avent], Preobrajeniïe [Transfiguration], Inoniïa [le Pays d’ailleurs]), à la fois hymnes exaltés célébrant la naissance d’un nouveau Messie, invectives violentes contre l’Occident rationaliste et machiniste (mais aussi, dans Inoniïa, contre une religion de larmes et de résignation) et féeries fantastiques peignant l’avènement d’un paradis paysan où hommes, bêtes et plantes vivraient réconciliés.