Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (République fédérale d’) (suite)

Un tribunal international est réuni à Nuremberg par les quatre puissances victorieuses pour juger les chefs survivants du IIIe Reich. Accusés de crimes contre la paix, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de génocide, la plupart d’entre eux seront condamnés à mort. Mais s’il est relativement facile de trouver des motifs de condamnation pour les grands responsables du Reich, la dénazification générale pose des problèmes autrement compliqués. Le principal critère est l’appartenance au parti nazi, mais nombre d’abus et d’erreurs se produisent. L’épuration atteint particulièrement les milieux enseignants. Mais beaucoup de cadres ou de chefs d’industrie sont laissés en paix. De plus, les Alliés ne donnent pas toujours une image valable de la démocratie libérale. Le conflit Ouest-Est amènera rapidement la remise en selle de bon nombre d’anciens collaborateurs du nazisme. Toutefois, d’autres hommes apparaissent, qui vont jouer un rôle considérable, d’abord au service des Alliés, puis à celui de leur pays. Tels sont Kurt Schumacher, Ludwig Erhard et Franz Josef Strauss. En même temps, la reconstruction commence, tout au moins à l’Ouest, tandis que réapparaissent des partis politiques et que les syndicats se reconstituent. Les zones se divisent en États (Länder), qui, dans le courant de 1947, se verront accorder une certaine autonomie. Ainsi, à l’Ouest, se mettent peu à peu en place les embryons d’un fédéralisme allemand. Très vite le fossé se creuse entre les deux Allemagnes.


La division de l’Allemagne

Pendant un certain temps, les Soviétiques ont souhaité une Allemagne unifiée, espérant pouvoir y jouer un rôle directeur. Mais les difficultés entre Alliés deviennent vite telles que, dès la fin de l’hiver 1946, le Conseil de contrôle ne prend plus guère de décisions. Pendant un temps, les Alliés continuent de discuter un statut économique pour une Allemagne unifiée, mais Britanniques et Américains préparent la mise en place d’une administration commune. Les Anglo-Saxons abrogent les frontières douanières placées autour de chaque zone pour favoriser la reprise économique et rendre par la même occasion aux Allemands un pouvoir de décision qui les préparerait à la vie démocratique. Seule la France reste à l’écart, au moins au début, car elle souhaite le démantèlement de l’Allemagne, l’instauration d’une confédération, l’internationalisation de la Ruhr. Le 1er janvier 1947 est créée la bizone qui groupe les deux zones anglaise et américaine et institue en mai un Conseil économique commun. En juillet, les pays qui acceptent le plan Marshall proclament dans le cadre de l’Organisation européenne de coopération économique (O. E. C. E.) que « l’économie allemande doit être intégrée dans l’économie européenne ». Peu à peu, les zones occidentales entrent dans la mouvance de l’Ouest et se coupent chaque jour davantage de la zone orientale, placée de plus en plus dans l’obédience soviétique. La division de l’Allemagne s’amorce. En décembre 1947 se réunit en zone soviétique un congrès du peuple allemand, tandis qu’à l’Ouest est promulguée le 9 février 1948 la charte de Francfort, qui institue dans la bizone anglo-américaine un véritable gouvernement économique commun avec un exécutif et une assemblée législative. Un mois plus tard, la Commission économique de la zone Est reçoit des pouvoirs analogues. En mars 1948, le désaccord s’amplifie au Conseil de contrôle, qui ne se réunira plus.

La crise de Berlin éclate le 4 juin 1948. On publie ce jour-là les décisions de la conférence de Londres, au cours de laquelle Américains, Britanniques, Français et délégués du Benelux décident la création d’une autorité internationale de la Ruhr et la mise en place d’une Constituante pour les trois zones de l’Allemagne de l’Ouest. La conférence propose aussi une réforme monétaire, mais devant l’hostilité des Soviétiques apparaît le 20 juin une monnaie réservée à l’Ouest, le deutsche Mark, et le 23 les Soviétiques instituent dans leur zone une nouvelle monnaie. Les Russes veulent appliquer leur réforme à l’ensemble du Grand Berlin et suspendent la fourniture de sources d’énergie aux secteurs occidentaux. Aussi, le 24, les commandants occidentaux décident-ils l’introduction du mark occidental à Berlin-Ouest, et le gouvernement américain crée un « pont aérien » pour pallier les conséquences du blocus soviétique. Les Soviétiques installent une mairie à Berlin-Est, mais, à leur étonnement, Berlin menacé résiste victorieusement. Dans le grand conflit qui désormais oppose l’Est à l’Ouest, chacune des deux Allemagnes devient un atout essentiel. Pour les Anglo-Saxons et surtout pour les Américains, les Allemands sont dès lors des alliés. Après de longues négociations, le blocus prend fin le 4 mai 1949. À l’Ouest, à la bizone succède la trizone qui intègre désormais la zone française. Un gouvernement est établi ainsi qu’une Haute Commission alliée. Le 8 mai, le Conseil constituant adopte la Loi fondamentale (Grundgesetz) de ce qui deviendra la République fédérale d’Allemagne (R. F. A.). Les Alliés la ratifient, tout en spécifiant que Berlin ne peut envoyer de représentant ayant droit de vote au Parlement ni être gouverné par l’État fédéral ; la loi fondamentale est promulguée le 23 mai. Entre-temps, des élections ont lieu en zone soviétique pour désigner un Conseil du peuple, qui adopte très rapidement la première Constitution de la République démocratique allemande (R. D. A.). C’est pour un temps la fin de l’histoire de l’Allemagne. Il y a désormais des Allemagnes : la R. F. A., la R. D. A. et Berlin.


La naissance de la République fédérale d’Allemagne

En août 1949 ont lieu les élections an premier Bundestag. Quatre partis apparaissent alors avec des résultats très inégaux. La Christlich-Demokratische Union (CDU), parti chrétien démocrate, a 31 p. 100 des suffrages ; la Sozialdemokratische Partei Deutschlands (SPD), parti socialiste, 29,2 p. 100 ; les libéraux de la Freie Demokratische Partei (FDP) n’ont que 11,9 p. 100 ; le parti communiste (Kommunistische Partei Deutschlands [KPD]) a moins de 6 p. 100. Le nouveau président, le professeur Heuss (1884-1963), appelle à la chancellerie fédérale le leader du parti le plus nombreux, le docteur Adenauer* (CDU).