Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

Dès lors, pour assurer l’avenir, il importe de réduire au minimum le déficit de la balance commerciale. Il ne s’agit pas de priver l’industrie de ses matières premières ou de biens d’équipement nécessaires à sa croissance, mais de résorber les déséquilibres sectoriels qui gonflent les importations : en développant les industries de base qui n’ont pas suivi le rythme de progression des industries de biens de consommation, obligeant à importer des produits semi-finis ; en accélérant les transformations de l’agriculture, qui produit un excédent de blé vendu à perte alors que les importations alimentaires, en augmentation constante, sont une des causes essentielles de l’inflation. Or, si le deuxième Plan montre le souci d’agir dans ce sens, il ne s’attaque pas à la cause première de ces déséquilibres : les structures latifundiaires et monopolistes, incapables de se transformer ou trop lentes à le faire.

En outre, l’Espagne aura à faire face à un autre déséquilibre : la croissance a en effet aggravé les disparités régionales. Celles-ci se caractérisent par un double contraste : d’une part entre l’intérieur, faiblement peuplé et demeuré essentiellement rural en dehors de quelques îlots d’activité (Madrid, Saragosse, Valladolid, Burgos), et la périphérie, où sont établis les principaux foyers industriels (côte cantabrique, Catalogne), ainsi que les riches huertas et les grandes zones touristiques (littoral méditerranéen) : d’autre part entre le Sud, qui a tous les traits du sous-développement et reste figé dans ses archaïsmes, et le Nord, beaucoup plus dynamique. De ce fait, les provinces disposant du plus haut revenu par habitant se groupent en un ensemble axé sur la vallée de l’Èbre (Álava, Navarre, Saragosse, Huesca et Lérida) et s’appuyant sur les littoraux méditerranéen (Gérone, Barcelone, Tarragone, Castellón et Valence) et cantabrique (Santander, Biscaye et Guipúzcoa). Seules les provinces de Madrid et de Valladolid s’en détachent, comme des îlots dans la Meseta. Ces mêmes provinces, progressant le plus rapidement, sont de puissants foyers d’attraction de main-d’œuvre : d’importants courants de migration se dirigent de l’Estrémadure, d’Andalousie, des Castilles et de Galice vers Madrid, la Catalogne et la côte cantabrique. On estime à près de deux millions le nombre de personnes qui ont migré de 1951 à 1965, vidant les régions attardées de leur population jeune et les privant ainsi de tout dynamisme. Les grandes villes, en revanche, ne cessent de se développer et accaparent une part croissante de la richesse nationale. La rapide poussée des faubourgs et des banlieues, le grouillement des foules et la densité de la circulation automobile témoignent de leur vitalité. Mais, malgré le gonflement des services, les villes ne peuvent absorber tout cet afflux de main-d’œuvre : le sous-emploi y est chronique et la crise du logement, aiguë. Ce sont là les conséquences de la profonde mutation, mal dominée, qui tend à substituer un État moderne à l’Espagne du xixe s.

R. L.

➙ Andalousie / Andorre / Aragon / Asturies / Baléares / Barcelone / Basques (provinces) / Canaries / Castille / Catalogne / Cordoue / Estrémadure / Galice / Gibraltar / León / Madrid / Murcie / Navarre / Saragosse / Séville / Valence.

 M. Sorre et J. Sion, Géographie universelle, t. VII, vol. 1 : Généralités. Espagne. Portugal (A. Colin, 1934). / M. de Terán (sous la dir. de), Geografía de España y Portugal (Barcelone, 1952-1968 ; 6 vol. parus). / P. Birot, J. Dresch et P. Gabert, la Méditerranée et le Moyen-Orient, t. I : Généralités. Péninsule Ibérique. Italie (P. U. F., 1953 ; 2e éd., 1964). / Diccionario geográfico de España (Madrid, 1956-1961 ; 17 vol.). / M. Drain, Géographie de la péninsule Ibérique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1964 ; 3e éd., 1972) ; l’Économie de l’Espagne (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968 ; 2e éd., 1971). / H. Lautensach, Iberische Halbinsel (Munich, 1964). / A. Blanc, M. Drain et B. Kayser, l’Europe méditerranéenne (P. U. F., 1967). / R. Tamames, Introducción a la economía española (Madrid, 1967) ; Los centros de gravedad de la economía española (Madrid, 1968). / A. Lopez-Muñoz et J. L. Garcia-Degado, Crecimiento, y crisis del capitalismo español (Madrid, 1968). / J. Vila-Valenti, la Peninsula Iberica (Barcelone, 1968 ; trad. fr. la Péninsule Ibérique, P. U. F., 1968). / A. Huetz de Lemps, l’Espagne (Masson, 1976).


La littérature espagnole


Le Moyen Âge

La littérature médiévale est commune à tout l’Occident. La littérature espagnole n’en est qu’une variante. Mais l’islām développa dans la Péninsule un foyer de culture qui rayonna tant sur l’Asie Mineure et sur l’Afrique du Nord que sur l’Europe chrétienne. C’est ainsi que le grand philosophe Averroès*, le savant théologien Maimonide* et le poète ibn Quzmān († 1160) sont aussi espagnols que l’auteur du Cantar de mío Cid (Poème du Cid) ; ils ne diffèrent que par la religion. Par la Marche hispanique (la Catalogne) et par la voie de Saint-Jacques, la poésie espagnole d’expression arabe pénétra dans le domaine du provençal et légua aux troubadours certaine chanson à ritournelle (zéjel) et la théorie de l’« amour fin ».

Au xiie s., cette très brillante littérature hispano-arabe et hispano-hébraïque cède la place à la poésie épique d’expression castillane, une modeste production qui doit une bonne partie de ses formes et de son contenu aux gestes des Francs, et ses thèmes à l’histoire ou à la légende espagnoles. Le xiiie s. est marqué par une littérature didactique en prose castillane (Alphonse X* le Sage) et en catalan (Raymond Lulle*), ainsi que par une poésie lyrique en galaico-portugais, pratiquée par les Castillans eux-mêmes, et qui est fortement influencée par les troubadours provençaux après 1212. Le xive s. voit la convergence de tous les courants orientaux, gréco-alexandrins, romains, chrétiens occidentaux, folkloriques et goliardesques. Au xve s. brillent les lettres catalanes (Ausiàs March, v. 1397-1459) et castillanes ; les poètes de Castille osent enfin user de leur langue plutôt que d’emprunter le galaico-portugais. L’histoire côtoie la poésie épique, l’influence prépondérante de Dante et de Pétrarque se mêle à celles d’Alain Chartier et de Guillaume de Machaut.