Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

• Les industries chimiques sont les plus dynamiques. Déjà favorisées pendant la phase d’autarcie, elles ont été grandement stimulées depuis dix ans par le développement de l’industrie et les progrès de l’agriculture. En dehors des sels potassiques du bassin de l’Èbre, des pyrites de fer de Riotinto et de Carthagène et du sel gemme (Santander) et marin (Alicante, Murcie et Cadix), elles manquent pourtant de matières premières essentielles : charbon de qualité convenable, pétrole. De plus, elles souffrent d’une très grave insuffisance technique et scientifique. Elles sont, de ce fait, sous la dépendance des capitaux et techniciens américains et allemands, ce qui explique leur dynamisme. Les principaux centres de production sont la région cantabrique pour la carbochimie ; Huelva pour l’acide sulfurique ; Puertollano, Tarragone et Huelva pour la pétrochimie ; les ports de Tarragone, Carthagène, Málaga, Huelva et La Corogne pour les nitrates ; Barcelone et Madrid pour les produits pharmaceutiques.

• Les industries du bâtiment et des travaux publics. Elles ont connu un grand développement à partir de 1962, particulièrement la construction de logements. Après un ralentissement en 1967 et 1968, une reprise s’amorce nettement, bien qu’à un rythme moins effréné. Une véritable fièvre de construction s’est emparée des villes espagnoles, dont les faubourgs et banlieues se hérissent de vastes ensembles de logements sociaux, tandis que de somptueux édifices de services ou d’appartements luxueux remodèlent les vieux centres. Les premiers bénéficient de l’aide de l’État, qui doit faire face à une grave crise du logement ; les seconds sont financés par les banques. En 1969, le nombre des appartements construits s’est élevé à 260 000. Si l’on ajoute les grands travaux routiers, industriels et ruraux (irrigation), on comprend que 8,5 p. 100 de la population active soient employés dans ce secteur industriel. Beaucoup d’entreprises sont encore artisanales, mais quelques grosses entreprises se sont constituées, particulièrement dans les travaux publics. Toutes ces activités s’appuient sur une production de ciment qui s’est grandement accrue ces dernières années, au point de pouvoir même exporter depuis 1968. Il reste indispensable, cependant, d’importer certaines qualités que l’Espagne ne produit qu’en faible quantité. En 1974, la production de ciment Portland a approche 24 Mt. Là encore, trop d’usines sont de dimensions insuffisantes pour être rentables ; même les plus grandes, comme celle de Vicalvaro près de Madrid, restent modestes à l’échelle européenne.

• Les industries textiles, les plus anciennes, sont aujourd’hui en pleine crise. Très concentrées géographiquement dans la Catalogne (la laine à Tarrasa et Sabadell ; le coton dans une multitude de petits centres des cours inférieurs des ríos Llobregat et Besós ; la soie à Barcelone et dans ses environs), elles sont dispersées en un grand nombre de petites entreprises qui, malgré un effort de modernisation récent, souffrent d’un équipement vétuste. Leurs prix de revient sont d’autant moins compétitifs dans les usines de coton que l’État impose l’achat en priorité du coton espagnol qui, quoique de qualité moyenne, est à un cours deux fois plus élevé que les cours mondiaux. Aussi, même des centres de production récents du Levant, de Séville, de Badajoz et de Málaga rencontrent-ils des difficultés.


Le secteur agricole

Il progresse beaucoup plus lentement que le secteur industriel. C’est que près de 90 p. 100 de la surface cultivée sont des terres sèches (secano) dont la mise en valeur, fondée sur la culture des céréales, de l’olivier et de la vigne, reste extensive.

• Avec 12,6 Mha, les céréales couvrent 60 p. 100 de la surface cultivée mais ne procurent que 13 p. 100 de la production finale. C’est indiquer la faible valeur des rendements. Le blé vient en tête : sa culture s’étend à toutes les terres sèches de l’intérieur et de l’Andalousie en un paysage de « campagne » totalement dénudé, où l’habitat se concentre en gros villages en dehors de grosses exploitations isolées. Le système de culture traditionnel de l’« año y vez », qui s’apparente au dry-farming américain, continue de faire alterner une année de jachère avec une année de culture, sauf sur les bonnes terres andalouses, où la jachère fait place à la culture de légumineuses. L’emploi croissant d’engrais et la généralisation de la mécanisation ont sensiblement amélioré les rendements depuis quelques années, mais la moyenne n’était encore que de 13,3 q/ha en 1968. C’est assez pour que, malgré une légère diminution de la surface emblavée (3 963 000 ha en 1968), la production de blé augmente, approchant dans les bonnes années 5 Mt, alors que la consommation tend à se restreindre avec l’élévation du niveau de vie. Les excédents sont vendus, notamment, au Portugal et au Brésil, mais à perte pour l’État, qui, par l’intermédiaire du Service national du blé, fondé en 1937 pour atténuer les fluctuations des cours, achète chaque année toute la production à un cours fixé en début de campagne. De la sorte, la culture du blé s’est vue encouragée et a gagné des terres marginales, voire des terres irriguées, ce qui est un non-sens économique.

En élevant le prix des céréales destinées au bétail alors que le prix du blé restait inchangé, l’État a favorisé à partir de 1968 l’expansion des premières. La progression a été particulièrement nette en ce qui concerne l’orge (5 Mt), et le maïs (2 Mt). La culture de l’orge a surtout été développée dans la région de Lérida et en Nouvelle-Castille, où les rendements peuvent dépasser 20 q/ha ; le maïs, cultivé traditionnellement dans l’Ibérie humide, a pu être généralisé grâce aux progrès de l’irrigation et plus encore à l’introduction de maïs hybrides, qui ont permis d’élever les rendements à plus de 25 q/ha.

Le riz, enfin, a une production stagnante (0,4 Mt) depuis que, de la plaine de Valence, où sa culture est ancienne, il s’est étendu au delta de l’Èbre, aux terres conquises sur les Marismas dans le bas Guadalquivir et aux terres irriguées d’Estrémadure. Depuis longtemps, les rendements sont élevés (60 q/ha), ce qui permet d’avoir des surplus exportables vendus à perte pour l’État, principalement en Extrême-Orient.