Escaut (l’) (suite)
Cet axe scaldien, bien orienté N.-S., a rarement joué un rôle économique de premier plan en raison de l’histoire. L’Escaut est la frontière entre les Ménapiens et les Nerviens, puis, du traité de Verdun à Charles Quint, entre la France et l’Empire. La rive gauche est flamande, et le comte de Flandre crée une route rivale par Ypres et Lille. Mais l’Escaut attire les villes. La capitale des Ménapiens se déplace de Cassel à Tournai, et celle des Nerviens de Bavay à Cambrai ; ce sont le plus souvent des points de passage des routes ouest-est et des places fortes. Les villes en sont fortement marquées selon qu’elles sont de rive droite (Cambrai, Anvers) ou de rive gauche (Tournai). Aujourd’hui, c’est encore l’histoire qui fractionne l’Escaut, mais les frontières sont devenues perpendiculaires : la France, puis la Belgique, puis les Pays-Bas, qui tiennent l’estuaire depuis le traité de Münster (1648). Le fleuve en est si fortement fractionné qu’une étude par tronçons s’impose.
En amont, l’« Escaut de Cambrai » n’est guère qu’une voie d’eau du nord de la France vers Paris par le vétuste canal de Saint-Quentin ; son concurrent, le canal du Nord, débouche dans le bassin de l’Escaut. La modernisation de cette artère saturée, son doublement par l’autoroute Paris-Bruxelles devraient contribuer à l’industrialisation, ébauchée, de Cambrai.
De Bouchain à Valenciennes, en passant par Denain, l’Escaut canalisé devient l’extrémité du canal de Dunkerque à Valenciennes (par convois poussés de 3 600 t ; trafic des ports de plus de 2 Mt) ; il correspond aussi à l’extrémité orientale du bassin houiller français ; il est longé par l’autoroute Paris-Bruxelles. C’est alors une suite de villes groupant près de 400 000 habitants. Outre l’extraction houillère, la région est surtout orientée vers la sidérurgie (Usinor). Devant la récession houillère et la concurrence sidérurgique de Dunkerque, une reconversion s’opère au sud de Denain (raffinerie de pétrole, automobiles Chrysler).
Mais l’Escaut n’est plus à grand gabarit quand il franchit la frontière : la France ne l’a pas souhaité et la Belgique lui a préféré les voies d’eau de l’Est entre Anvers-Bruxelles-Charleroi ou Anvers-Liège (bien que l’Escaut soit le débouché belge du Borinage). Les rives sont, dans l’ensemble, peu industrialisées ; Tournai doit à son riche passé historique d’avoir un rayonnement plus tertiaire que secondaire.
De ce fait, la ville de Gand* est trop mal reliée à son arrière-pays ; vers l’aval, elle n’utilise pas non plus l’Escaut (qui conduit au port d’Anvers) ; elle atteint la mer par le canal de Terneuzen, et c’est le long de ce canal que se développe son industrie (sidérurgie, hydrocarbures, automobiles).
Aussi, en aval de Gand, l’Escaut reste encore assez désert ; la Dendre lui apporte peu, et il faut attendre Tamise (Temse), puis la confluence du Rupel pour voir réapparaître un développement industriel (constructions navales) ou urbain, mais on est déjà dans l’orbite anversoise.
Anvers*, d’abord sur la rive concave d’un méandre, occupe aujourd’hui les 20 km qui restent à la Belgique sur la rive droite et s’installe sur la rive gauche. Mais le port doit peu à l’Escaut.
L’estuaire est néerlandais ; la navigation y est assez difficile, alors que l’apparition des gros tonnages a ajouté une gêne supplémentaire.
Par contre, l’estuaire est un atout considérable pour les Néerlandais : c’est le seul bras de mer qui subsiste dans le « Delta* ». Ils disposent là de plus de 100 km de côtes pour l’industrie.
Deux pôles sont en plein développement et transforment la Zélande : Terneuzen (industries chimiques) et le Sloe (Flessingue-Est) [trois centrales électriques, aluminium, raffinage, chimie] ; d’autres pôles sont prévus : l’estuaire devient une des grandes régions industrielles de l’Europe.
A. G.