Étude multidisciplinaire du travail humain qui tente d’en découvrir les lois pour en mieux formuler les règles.
L’ergonomie (du mot anglais ergonomics, néologisme forgé en 1949 à partir du grec ergon, travail, et nomos, loi, règle) est donc connaissance et action ; la connaissance est scientifique et s’efforce de déboucher sur des modèles explicatifs généraux ; l’action vise à mieux adapter le travail aux travailleurs.
L’ergonomie est dite « de correction » s’il s’agit d’aménager une situation de travail existante ou « de conception » s’il s’agit d’un projet ; l’« ergonomie du produit » se dit (improprement d’ailleurs) d’études de conception portant non sur le travail de fabrication lui-même, mais sur l’objet fabriqué, que l’on tente de mieux adapter aux futurs utilisateurs pour le mieux vendre (label ergonomique).
Historique
Les premières études multidisciplinaires, qui préfaçaient en quelque sorte l’ergonomie, sont nées de la guerre : enquête britannique sur les ouvriers de l’armement (1915) ; conception des appareillages militaires complexes (poste de pilotage, char, sous-marin) [1939-1945]. On passe ensuite à la conception du matériel industriel ; d’où une ergonomie multidisciplinaire de bureau d’étude aménageant des grues, des ponts roulants, etc. Puis l’ergonomie (ergonomie des systèmes) s’étend aux problèmes collectifs d’organisation, de communication, de sécurité, etc. Le nombre des ergonomes se multiplie. Des sociétés d’ergonomie se créent d’abord en Grande-Bretagne (1949), puis aux États-Unis, en République fédérale d’Allemagne, en Scandinavie, en France (la Société d’ergonomie de langue française compte 300 membres), aux Pays-Bas, en Italie, au Japon, dans l’Europe de l’Est ; elles collaborent au sein d’une Société internationale d’ergonomie.
La méthode multidisciplinaire
L’ergonomie regroupe dans une même approche des méthodes empruntées aux sciences de la matière (technologie), aux sciences biologiques (physiologie) et aux sciences humaines (psychologie, sociologie).
Cette exigence découle d’une certaine représentation théorique du travail humain, qui fait de celui-ci un système, c’est-à-dire « un complexe d’éléments en interaction » (Ludwig Von Bertalanffy).
Le travail individuel réalise un système cybernétique
(action ⇄ rétroaction)
autorégulé ; cela vaut aussi bien pour le jeu de l’opérateur manuel et de ses outils sur le matériau que pour les interactions qui se nouent entre l’ouvrier et sa machine (A. Ombredane et J. M. Faverge, 1955 ; G. Simondon, 1958). L’étude du travail individuel oblige donc déjà à associer la physiologie et la psychologie pour respecter l’unité psychosomatique du travailleur, et à y adjoindre la technologie, puisque l’homme et la machine constituent un même système indissociable.
Le travail industriel est un travail collectif, socialisé, qui met en œuvre un emboîtement de systèmes étages selon le modèle général de la théorie des systèmes. Le poste de travail individuel, c’est-à-dire le système homme-machine au singulier, est le sous-système de systèmes hommes-machines au pluriel (l’atelier, l’entreprise), qui sont eux-mêmes des sous-systèmes de la société globale environnante ; aussi convient-il de compléter les analyses horizontales par des analyses verticales faisant apparaître les interactions et les liens de dépendance hiérarchique reliant les différents niveaux. D’où l’obligation d’étendre l’approche aux dimensions de la psychosociologie et de la sociologie.
En pratique, l’ergonomie est le fait d’une équipe de spécialistes associant, selon les besoins, ingénieurs, architectes, physiologistes du travail, psychologues expérimentaux, psychologues industriels, sociologues, économistes, etc.
Les études sont menées « sur le terrain » par observation du travail (assortie, si besoin est, de mesures physiologiques ou psychologiques), entretiens avec le personnel, éventuellement expérimentation in situ ; des engagements déontologiques précis (restitution de l’information aux personnes et aux groupes ayant collaboré à l’enquête) sont indispensables pour que les observateurs puissent accéder à la connaissance du travail réel (qui n’est pas le travail formel, officiel).
Formes de l’ergonomie
L’évolution des techniques de production modifie les caractères du travail et, partant, de l’ergonomie. On peut, de ce point de vue, distinguer trois formes d’ergonomie.