Épire (suite)
La puissance nouvelle que la monarchie épirote sut acquérir à l’époque hellénistique tient peut-être à ce que, vers 357 av. J.-C., Philippe II de Macédoine épousa une fille de la famille régnante, Olympias, qui devint en 356 la mère d’Alexandre le Grand, et l’Épire ne resta pas étrangère aux luttes des diadoques qui tentaient de s’approprier l’héritage de son empire. La dynastie ancienne faillit y périr. En 317 av. J.-C., le roi Eacidas fut chassé de son royaume, et son fils Pyrrhos, âgé de deux ans, fut emmené par de fidèles serviteurs en Illyrie, où le roi Glaucias l’éleva jusqu’en 307, puis il fit un séjour à la cour de Démétrios Ier Poliorcète, qui l’initia aux finesses de la guerre moderne et l’emmena jusque sur le champ de bataille d’Ipsos, où se décida le sort de l’Asie (en 301).
Roi d’Épire de 295 à 272, Pyrrhos* II échoua dans son grand dessein de la conquête de l’Italie. Après sa mort, l’Épire devint (v. 233?) une fédération démocratique qui s’allia aux Romains, avant d’encourir leur colère pour avoir pris le parti du roi Persée dans la troisième guerre de Macédoine. En 168, soixante-dix localités épirotes furent pillées, détruites, leurs habitants furent vendus en esclavage. L’Épire pouvait devenir province romaine.
J.-M. B.
L’Épire médiévale
Après la division de l’Empire romain à la mort de Théodose (395), l’Épire releva des empereurs d’Orient au point de vue administratif, mais, pour le spirituel, continua de dépendre de Rome, et ce jusqu’en 750. Elle partagea, quoique à un degré moindre, toutes les tribulations dont souffrit la péninsule balkanique : invasions germaniques au ve s. et slavonnes du vie au viiie s., razzias bulgares de Siméon et de Samuel aux ixe et xe s., invasions normandes de Robert Guiscard le 1081 à 1085, de Bohémond Ier en 1107-08 et de Guillaume II le Bon en 1185-86.
Après l’entrée des croisés à Constantinople en 1204, beaucoup de notables byzantins se réfugièrent en Asie et en Grèce, cependant que d’autres cherchèrent fortune en aidant les croisés à conquérir les territoires de l’Empire : parmi ces derniers, Michel Ier Ange Doukas Comnène († 1215), fils du sébastocrator Jean Doukas, qui se nit au service de Boniface Ier de Montferrat, roi de Thessalonique ; mais, frustré dans ses ambitions, il déserta en Épire, qu’il érigea en État indépendant (1204-1215).
Environné d’ennemis, il manœuvra avec une rare diplomatie : il tint en échec Vénitiens et barons francs et parvint à élargir peu à peu l’aire de sa principauté. Après son assassinat, il fut remplacé par son demi-frère Théodore (1215-1230), dont tous les efforts visèrent à accaparer le royaume latin de Thessalonique, qui tomba entre ses mains en décembre 1224. Fort de ce succès et de la couronne impériale qu’il s’empressa de ceindre (1227-28), il ambitionna de s’emparer de Constantinople, mais son rêve s’évanouit à la bataille de Klokotnica (printemps 1230), où il fut battu et capturé par les Bulgares.
Il fut remplacé à Thessalonique par son frère Manuel (1230 - v. 1237), cependant que Michel II (v. 1231 - v. 1277), fils de Michel Ier, assoyait son autorité sur une vaste portion de la péninsule des Balkans, résistant obstinément aux souverains rivaux de Nicée, qui revendiquaient pour eux seuls les droits à l’héritage de l’Empire byzantin. Son espoir de les supplanter s’écroula avec l’avènement (1258) de Michel VIII Paléologue, qui s’empara de Constantinople en 1261. À la mort de Michel II, la principauté d’Épire fut divisée entre ses fils : Nicéphore obtint l’Épire et Jean la Thessalie. Le meurtre du dernier despote grec, Thomas, en 1318, auquel succédèrent les comtes de Céphalonie, Nicolas et Jean Orsini, fut suivi d’une période d’agitation et de confusion qui dura environ un siècle, le pays étant tour à tour et parfois simultanément convoité par les Paléologues, les Angevins de Naples, les Serbes, les Albanais et des dynastes italiens. Un point final fut mis à cette division par les Turcs, priés d’intervenir en Épire par des membres rivaux de la famille des Tocco : Murat II enleva Ioánnina en 1430, et Arta tomba en 1449. L’Épire passa alors progressivement sous contrôle ottoman, à l’exception d’une bande côtière administrée par Venise.
P. G.
➙ Balkans / Byzantin (Empire) / Grèce / Ottoman (Empire).
P. Lévêque, Pyrrhos (De Boccard, 1957). / D. M. Nicol, The Despotate of Epiros (Oxford, 1957). / E. Lepore, Ricerche sull’ antico Epiro, le origine storiche e gli interessi greci (Naples, 1962). / N. G. L. Hammond, Epirus (Oxford, 1967).