Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

environnement (suite)

Enfin, le rassemblement d’un nombre toujours plus élevé d’hommes sur de petites surfaces — phénomène frappant cette fois principalement les pays industrialisés — débouche sur de graves situations d’encombrement. On sait que certaines sociétés animales, lorsqu’elles atteignent des chiffres de population trop élevés, procèdent parfois à d’impressionnantes opérations de suicide collectif (lemming). Chez l’homme, l’encombrement conduit à des détériorations du contexte psychique : dépersonnalisation, ennui, foule solitaire, vie de ruche dans les H.L.M., etc.


La qualité des hommes

Si, d’une part, les progrès de la médecine et de l’hygiène et aussi de l’alimentation et de la nutrition générales ont localement permis une amélioration de l’espèce humaine (taille plus élevée, prolongation de la durée de vie, etc.) et si, d’autre part, les découvertes de la génétique font entrevoir des perspectives prometteuses ou troublantes, en revanche, il est incontestable que l’ère pastorienne et le progrès social ont aussi contribué à contrarier l’action de l’ancienne et impitoyable sélection naturelle. Des handicapés* physiques et mentaux, qui, jadis, mouraient en bas âge, sont désormais maintenus en vie. D’abord, ils pèsent économiquement sur la population active, ce qui aurait des conséquences sensibles si leur nombre continuait à augmenter proportionnellement. Et parfois ils atteignent à leur tour l’âge de la reproduction, avec des chances d’engendrer d’autres handicapés.

Par ailleurs, des facteurs de plus en plus nombreux interviennent pour perturber le cours ancien des cycles reproductifs de l’humanité : facteurs mutagènes (tabac, bruit, etc.), qui influencent les gènes des parents ; facteurs tératogènes (exemple classique de la thalidomide), contrariant le développement du fœtus chez la femme enceinte.

Il suffit de ces quelques évocations pour démontrer — sans pour autant risquer la moindre suggestion de solution — que, sous ce rapport aussi de la pollution du patrimoine génétique de l’humanité, les générations qui viennent auront à affronter de terribles responsabilités.


L’homme moderne et son environnement-ressources


Le sol

Le sol est la plus importante des quatre ressources naturelles renouvelables sur lesquelles se fonde l’activité humaine de production. Sa naissance et son entretien sont, d’ailleurs, étroitement liés aux trois autres ressources renouvelables : eau, flore, faune. Ses qualités et son éventuelle vulnérabilité dépendent de trois facteurs principaux : le sous-sol, le climat et le relief (v. fertilité et sol). Il est vital pour l’homme de ne jamais oublier que, si un sol correctement soigné peut rester indéfiniment fertile et même s’améliorer, en revanche, mal traité, il se dégrade et peut, à l’extrême, mourir. Or le globe de 12 700 km de diamètre qui nous emporte à travers le cosmos se distingue d’une planète sans vie comme la Lune par une couche de sol qui n’atteint souvent que quelques dizaines de centimètres d’épaisseur.

Normalement, le sol est protégé contre ses agents habituels de dégradation — les rayons solaires, les précipitations atmosphériques, le vent — par une couverture végétale naturelle. L’agriculture et l’élevage enlèvent tout ou partie de ce couvert protecteur, ouvrant la voie à l’érosion, verticale ou latérale, en nappe ou de ravinement, hydrologique ou éolienne. Les morsures de l’érosion sont d’autant plus nuisibles à la fertilité et durables que sont plus largement dépassés des seuils de « renouvelabilité » fixés par les contingences locales, édaphiques (nature du sol), climatiques (redoutables entre les tropiques) et orographiques (fortes pentes). La surexploitation rurale (jachères trop courtes, monoculture) ou pastorale (surpâturage) sont les facteurs d’érosion les plus fréquents.

Pour des raisons principalement climatiques, le phénomène est donc plus dangereux dans les pays intertropicaux que dans ceux des zones tempérées. Il semble que l’on puisse y voir une des explications du fait que les pays pauvres se localisent sur et entre les tropiques, alors que les pays riches et industrialisés sont pour la plupart situés en région tempérée. L’agriculture de l’Europe a connu une évolution relativement lente, étalée sur deux ou trois siècles, qui a évité à ce continent, avec l’aide du climat tempéré, des accidents d’érosion graves, encore qu’il ne faille pas en inférer qu’il y ait complètement échappé. Le bassin méditerranéen, déjà touché dans le passé, reste sérieusement menacé. En France, cinq millions d’hectares pâtissent d’érosion (Jean Dorst). Aux États-Unis, l’ouverture brusque des grandes plaines centrales à une mise en valeur utilisant déjà une technologie relativement puissante a créé vers les années 1930 une situation très inquiétante (les dust bowls). Mais science, technologie, organisation et large financement (on y a créé dès 1935 le « Soil Conservation Service ») ont permis de redresser la situation.

Dans le tiers monde, l’avenir est, en revanche, franchement inquiétant. Des auteurs, économistes pour la plupart, rendent à l’humanité le mauvais service de la rassurer en alléguant que la possibilité existe maintenant d’augmenter considérablement la productivité de l’agriculture de ces pays et d’y nourrir des populations plusieurs fois supérieures en nombre à celles d’aujourd’hui. Il est exact, et les « révolutions vertes » de la FAO le confirment, que semblable intensification de l’agriculture intertropicale est techniquement possible. Mais ce qui n’est pas moins vrai, et les faits le prouvent malheureusement presque partout, c’est que les contingences d’ordre politique, social et économique empêchent que ces techniques agricoles améliorées ne pénètrent en milieu paysan, où les structures politiques de beaucoup de pays interdisent les motivations nécessaires à l’adoption de ces nouvelles méthodes.

Une idée devrait être présente dans tous les esprits ; il est typique que les dirigeants des pays pauvres semblent délibérément la méconnaître et ceux des organisations internationales, l’ignorer. C’est que, pour passer d’un milliard à deux milliards de bouches humaines à nourrir, le tiers monde, de 1930 à 1970, a défriché des superficies gigantesques de savanes et de forêts, et épuisé par érosion des centaines de milliers de kilomètres carrés de sols. À la fin du xxe s., il comptera quatre milliards et demi à cinq milliards d’habitants. Quel aura été le prix payé en ce court laps de temps par les sols de la planète ? Et qu’arrivera-t-il pendant les siècles suivants ?