Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (suite)

La puissance allemande sous Bismarck et Guillaume II

• De 1871 à 1914, la population du Reich passe de 41 millions à 67 millions, accroissement dû moins au taux de natalité, qui reste élevé mais baisse comme partout, qu’à la diminution sensible du taux de mortalité.

• Le taux de la population urbaine passe, durant le même temps, de 36 p. 100 à 63 p. 100. Près de cinquante villes, en 1914, dépassent 100 000 habitants. L’urbanisation est corrélative à l’industrialisation : la production de la houille passe de 26 Mt à 190 Mt, celle de l’acier de 1 Mt à 18 Mt ; l’industrie chimique allemande exerce une prépondérance incontestée. Voies d’eau habilement aménagées, réseau ferroviaire dense (65 000 km en 1914) et peu centralisé, ports en plein essor (le tonnage de Hambourg passe de 6 millions à 15 millions), flotte marchande qui, en 1914, représente 12 p. 100 de la puissance mondiale : tels sont les principaux atouts d’une économie fortement regroupée en cartels et konzerns. Les produits « made in Germany » sont alors partout dans le monde.

• Une législation sociale avancée n’a pas tout réglé : la classe ouvrière vit encore dans des conditions qui expliquent l’ampleur du socialisme marxiste, mais on ne peut pas parler de paupérisation. Dans l’ensemble, l’agriculture est négligée par rapport à l’industrie ; de toute façon, l’Allemagne ne peut nourrir une population pléthorique : elle doit importer des produits agricoles, de Russie et des États-Unis surtout.

• L’un des points noirs reste, en 1914, l’opposition latente des allogènes : Alsaciens-Lorrains. Danois du Schleswig, Polonais.


D’une Guerre mondiale à l’autre : 1914-1945


La Première Guerre mondiale et ses suites

• L’Allemagne, comme la France, aborde la Première Guerre* mondiale (1914) dans un esprit d’« union sacrée » : les sociaux-démocrates eux-mêmes s’y associent en grande majorité ; mais, à partir de 1917, une minorité agissante, le Spartakusbund, s’insurgera contre la continuation des hostilités.

• Assez rapidement, l’Allemagne, victorieuse des Russes (1917), mais fixée sur le front français par une guerre interminable et meurtrière, ressent les effets de la guerre, sur le plan économique notamment (hausse des prix, rationnement des denrées).

• En 1917 et surtout au cours de l’hiver 1917-1918, le moral de la population est gravement atteint ; beaucoup sont partisans d’une « paix d’entente » et le spartakisme gagne dans l’opinion, provoquant des grèves.

• La défaite de novembre 1918, si elle laisse un pays intact sur le plan matériel, trouve une nation profondément démoralisée, et qui a perdu 1 810 000 hommes (sur 13 millions de mobilisés).

• Dès le 3 octobre 1918, Guillaume II, pressé par le haut commandement, fait appel au prince Max de Bade comme chancelier, mais celui-ci est débordé par le mouvement révolutionnaire. Le 31 octobre, le gouvernement conjure Guillaume II d’abdiquer : son refus ouvre la voie à la Révolution ; le Kaiser n’abdique que le 9 novembre et se réfugie en Hollande. Le 10, Max de Bade s’efface devant le gouvernement provisoire du socialiste Ebert. La République allemande a été proclamée la veille.


La république de Weimar* (1919-1933)

• 1919 : alors que la révolution spartakiste déferle sur l’Allemagne, le gouvernement provisoire du conseil des commissaires du peuple, présidé par Ebert, décide de faire procéder à l’élection d’une assemblée nationale constituante. Réunie à Weimar (6 févr. 1919), elle élit Ebert président (11 févr.) et prépare la Constitution, qui est promulguée le 11 août.

• Le nouveau Reich est composé de 17 États (Länder), qui conservent leurs assemblées et leurs gouvernements (républicains), et sont représentés au Conseil du Reich (Reichsrat) au prorata de leur population, clause qui maintient le rôle prépondérant de l’État prussien au sein du Reich. Ces États consentent à élargir la compétence administrative du Reich non seulement à l’armée et à la diplomatie, mais aussi aux postes et aux moyens de communication.

• Le pouvoir législatif fédéral est partagé entre le Reichsrat et le Reichstag élu pour quatre ans au suffrage universel : devant le Reichstag, qui prépare et vote les lois et le budget, le gouvernement est responsable.

• Le pouvoir exécutif est détenu par le président de la République élu pour sept ans au suffrage universel (citoyens de plus de 25 ans) et rééligible. Il peut dissoudre le Reichstag, mais celui-ci peut proposer au peuple la déchéance du président de la République. Le chef de l’État désigne le chancelier, chef du gouvernement.

• Janvier 1919 : les spartakistes sont écrasés par le gouverneur de Berlin, Gustav Noske, qui, ministre de la Reichswehr (févr.), recrute des corps francs, ce qui facilite le putsch nationaliste de Kapp-Luttwitz. Après l’échec de ce putsch, il doit se retirer (mars).

• Ebert, président de 1919 à 1925, a comme successeur le candidat des nationalistes, le maréchal Hindenburg, qui se montre incapable de s’opposer à la surenchère nationaliste dont Ludendorff et, dès 1923-1925, le parti ouvrier national-socialiste (Hitler), se font les coryphées. Cette surenchère s’appuie sur la plus grande partie de l’opinion allemande révoltée par le « Diktat » de Versailles.

• Car le traité de Versailles (28 juin 1919), auquel l’Allemagne a été obligée de souscrire, a imposé au Reich, outre la restitution de l’Alsace-Lorraine, de la Posnanie, du Schleswig du Nord, de dures conditions : cession des colonies, réduction de l’armée à 100 000 hommes, lourdes réparations.

• Le refus de l’Allemagne de payer intégralement ces réparations (refus qui provoque l’occupation française de la Ruhr [1923-1925]) et l’impossibilité d’employer l’énorme capacité de production de l’industrie allemande provoquent une crise économique qui frappe surtout la classe moyenne. Cette crise est elle-même à l’origine d’une inflation galopante, que la création du Reichsmark (1924), puis l’application des plans Dawes (1924) et Young (1930) finissent par arrêter.