Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (suite)

• 1440 : chef de la maison des Habsbourg, Frédéric III de Styrie (1440-1493), cousin d’Albert II, est élu roi de Germanie et empereur. Il est le dernier souverain allemand qui soit allé chercher la consécration pontificale à Rome (1452). Sans autorité réelle sur l’Allemagne, dont il se désintéresse, il voit la Bohême et la Hongrie lui échapper. Mais le mariage de son fils Maximilien avec Marie de Bourgogne (1477), héritière unique de Charles le Téméraire, assure la grandeur de la maison d’Autriche.

• 1493-1519 : le règne de Maximilien Ier* renforce les liens unissant les États héréditaires des Habsbourg et prépare l’énorme puissance de Charles Quint, son petit-fils. En Allemagne, Maximilien tente vainement d’organiser un pouvoir central et d’unifier le pays en y étendant les institutions autrichiennes : Reichsregiment (en 1500), Conseil aulique (Hofrat), Chambre aulique (Hofkammer), Chancellerie (Hofkanzlei), Tribunal suprême (Reichskammer).
La seule réforme de portée durable est la division de l’Allemagne en six (plus tard dix) cercles qui regroupent tous les immédiats d’Empire dans un cadre territorial. Mais sont exclus de cette division les territoires électoraux et ceux de la maison d’Autriche : celle-ci ne s’impose aux électeurs que par sa puissance et sa richesse.

• 1519-1556 : Charles Quint*, empereur, se heurte en Allemagne à l’endémique faiblesse institutionnelle et politique de l’Empire, faiblesse que viennent aggraver les conséquences de la Réforme*. En 1555, la paix d’Augsbourg consacre le triomphe de la Réforme dans les États de l’Allemagne du Nord et entérine les sécularisations opérées avant 1552. Quand Charles Quint († 1558) abdique en 1556, l’unité de l’Empire est définitivement brisée (v. Luther, Réforme).

• Roi de Bohême et de Hongrie depuis 1526, roi des Romains depuis 1531, Ferdinand Ier de Habsbourg († 1564) succède à son frère Charles Quint comme empereur germanique, en fait en 1556, en droit en 1558. Adversaire des protestants, élève et ami des Jésuites, il travaille à la Réforme catholique et à la Contre-Réforme en Allemagne.

• 1564-1576 : Maximilien II, fils et successeur de Ferdinand Ier, poursuit d’abord en Allemagne la lutte contre les réformés, puis instaure un régime de tolérance qui favorise les derniers progrès des protestants.

• 1576-1612 : Rodolphe II, fils du précédent, favorise en revanche la Contre-Réforme ; en installant sa capitale à Prague, il s’attire les sympathies des Tchèques, mais aussi l’hostilité des Allemands. Son frère Mathias l’oblige, en 1611, à renoncer à ses États héréditaires ; Rodolphe ne conserve que le titre impérial.

• 1612-1619 : Mathias, élu empereur à la mort de Rodolphe II, choisit comme héritier son cousin Ferdinand de Styrie, catholique intransigeant. Les Tchèques se révoltent alors (défenestration de Prague, 23 mai 1618). C’est le début de la guerre de Trente Ans.


La guerre de Trente Ans (1618-1648) et l’affaiblissement du pouvoir impérial

• Dès le début du xviie s., l’Allemagne est divisée en deux camps hostiles à la fois sur le plan politique (contestations autour de l’autorité de l’empereur) et sur le plan religieux, car l’introduction du calvinisme a encore compliqué la situation confessionnelle. En face de l’Union évangélique, protestante, dirigée par l’Électeur palatin, se dresse la Sainte Ligue, catholique, du duc de Bavière.

• La guerre de Trente Ans est la conséquence de cette division entretenue par des puissances étrangères désireuses d’affaiblir le pouvoir impérial.

• L’empereur Ferdinand II de Styrie (Habsbourg), petit-fils de Ferdinand Ier, se fait, durant son règne (1619-1637), le champion de la Contre-Réforme. Déchu à Prague, il renforce d’abord son autorité par la triple défaite des Tchèques (1620), du comte Palatin et du roi de Danemark (1621-1629). La couronne élective de Bohême est déclarée hériditaire au profit des Habsbourg, l’électorat palatin échoit au duc de Bavière, et l’empereur impose aux princes protestants l’édit de Restitution des biens sécularisés depuis 1552 (1629).

• L’intervention suédoise (1631), l’intervention française, d’abord diplomatique (1630), puis militaire (1635), retournent la situation au détriment de Ferdinand II, puis de son fils et successeur Ferdinand III (1637-1657), qui doit accepter, en 1648, les dures conditions des traités de Westphalie, traités qui ruinent tout espoir d’unification de l’Allemagne en la morcelant en 350 États.

• Les « libertés germaniques » des États du Saint Empire sont placées sous la protection des puissances signataires. Par la Constitutio westfalica, le nombre des Électeurs est porté à huit : cinq catholiques contre deux luthériens et un calviniste, cinq laïques contre trois ecclésiastiques. En fait, les traités de Westphalie ratifient l’échec de la politique des Habsbourg visant à arracher l’Empire à son impuissance traditionnelle, et aussi l’échec de la Contre-Réforme en Allemagne, la paix d’Augsbourg de 1555 (cujus regio, ejus religio) étant en fait ratifiée.


La fin du Ier Reich : 1648-1806


La civilisation allemande aux xviie-xviiie siècles

• La guerre de Trente Ans et les épidémies ont ruiné le pays, qui a perdu 40 p. 100 de sa population rurale et 30 p. 100 de sa population urbaine. Le grand commerce hanséatique est en voie de régression, tandis que les princes, devenus en fait indépendants, s’intéressent à l’économie moderne, encore que l’essor de celle-ci soit longtemps gêné par le manque de capitaux et la hausse des prix. C’est au xviiie s. que l’Allemagne est affectée par la mutation économique : l’exemple est donné par les Hohenzollern, qui transforment une principauté médiévale en État moderne.

• La société allemande est alors une société d’ordres, où le clergé — divisé en plusieurs confessions — et la noblesse doivent compter avec l’importance des villes libres impériales et avec une bourgeoisie urbaine active. Cependant, les paysans constituent 80 p. 100 de la population, si bien que la société est encore, à la fin du xviiie s., de type ancien, paysanne et artisanale, mais le paysan de l’ouest est plus heureux que celui de Poméranie et de Prusse, où le régime féodal sévit sous diverses formes. La révolution industrielle, qui bouleverse alors l’Angleterre, ne touche que très partiellement l’Allemagne.

• Après un siècle de luttes confessionnelles, la tolérance religieuse s’établit en Allemagne, et on voit même se former les linéaments d’un certain œcuménisme. Le protestantisme allemand est travaillé par des courants de renouveau mystique ou de religiosité : piétisme, frères moraves, illuminisme.