Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

ennemis des cultures (les) (suite)

Un colloque de la FAO a proposé comme définition : la lutte intégrée est « un système de régulation des populations de ravageurs qui, compte tenu du milieu particulier et de la dynamique des populations des espèces considérées, utilise toutes les techniques et méthodes appropriées, de façon aussi compatible que possible, et maintient les populations de ravageurs à des niveaux où ils ne causent pas de dégâts économiques ».

Ainsi, dans la lutte contre les adventices, par exemple, on doit rechercher non la parcelle propre, mais le niveau le plus bas d’adventice, tel que le rendement n’en soit pas affecté et que les risques d’extension soient faibles. Des ennemis spécifiques des adventices peuvent être introduits.

La mise en œuvre de la lutte intégrée répond à plusieurs principes.
1. Recueillir des informations. Il est souhaitable que disparaisse le traitement préventif massif, dit « d’assurance ». Pour cela, il faut que ceux qui observent les premiers les indices d’extension d’un parasite puissent le noter ; une formation approfondie des agriculteurs et des techniciens est nécessaire.
2. Les faire circuler jusqu’à un centre de décision. Un dispositif de collecte et de traitement de ces informations doit être mis en place pour que tous les intéressés soient informés non seulement de la présence de la menace, mais aussi du moyen jugé le plus efficace par rapport à un risque accepté. Un système de garantie mutuelle est alors nécessaire.
3. N’utiliser que des moyens à la hauteur du risque. La destruction massive du parasite risque d’atteindre nombre de ses ennemis : la pullulation des acariens est une conséquence de l’emploi immodéré d’insecticides. De même, la rémanence des produits doit être limitée aux conditions réelles de destruction du parasite (produits biodégradables).

L’ensemble des décisions techniques est pris au niveau de l’entreprise agricole. Il faut donc tenir compte des différentes combinaisons de moyens de l’agriculteur, ce qui est délicat.

Aussi est-ce actuellement surtout en matière de vergers que l’on teste ces méthodes de lutte intégrée, car il s’y pose moins de problèmes de succession de cultures à court terme.

Le progrès des techniques de recherches opérationnelles doit cependant permettre d’obtenir de belles réalisations dans l’ensemble des types d’exploitation.


Conclusion

Ainsi l’histoire de la lutte contre les ennemis des cultures aboutit à créer une exigence de plus grande formation des agriculteurs. On se rend compte que l’action de ceux-ci dépasse la simple production agricole. Ils ont assumé, sans que cela apparaisse clairement, la charge de l’entretien du paysage. Il faut que se développent des services d’information tels que les agriculteurs ne soient pas amenés à créer des déformations difficilement réversibles. Mais cette exigence doit être financée par l’ensemble de la collectivité, qui prend alors en charge l’aménagement du milieu socio-économique national.

A. F.

Ennius (Quintus)

Poète latin (Rudiae, Calabre, 239 - Rome 169 av. J.-C.).


Ce Grec de formation passa quelques années à Tarente et servit dans l’armée romaine. Centurion en Sardaigne en 204, il fut remarqué par Caton l’Ancien, qui l’amena à Rome. Il y donna des leçons de grec et gagna la faveur des plus illustres patriciens, dont Scipion l’Africain, Scipion Nasica et Marcus Fulvius Nobilior, qu’il suivit en 189 dans son expédition d’Etolie. En 184, le fils de ce dernier, Quintus, lui fit obtenir un lot de terre dans la colonie de Potentia ainsi que le titre de citoyen.


L’œuvre

La place d’Ennius dans la littérature latine est des plus considérables, dans la mesure où il a su adapter l’héritage hellénique à l’esprit latin. De son œuvre abondante et d’inspiration très diverse, on peut retenir vingt tragédies, la plupart imitées d’Euripide et dont trois cents vers nous sont parvenus. Celles-ci eurent une longue fortune littéraire — on les jouait encore sous Auguste — et suivent leur modèle grec par leur pathétique et par leur goût pour le rationalisme.

On retrouve cette même simplicité familière et naturelle dans les quatre livres des Saturae (« poésies mêlées »). Aulu-Gelle a conservé une paraphrase en prose du plus célèbre de ces morceaux, l’Alouette et ses petits. Peut-être le poème gastronomique des Hedyphagetica (« les mets savoureux ») faisait-il partie des Saturae, tout comme l’Epicharmus, exposé des principes de la philosophie pythagoricienne. Le philosophe apparaît encore dans la traduction en prose de l’Histoire sacrée d’Évhémère, dont Lactance reproduit quelques passages : les dieux y sont représentés comme de simples bienfaiteurs de l’humanité divinisés par la crédulité populaire.


Histoire et poésie

C’est surtout en tant que poète épique qu’Ennius occupe un rang à part. Outre un poème narratif à la gloire de Scipion, il entreprit une grande œuvre nationale avec les Annales. Cette épopée en dix-huit livres, dont il ne nous reste que six cents vers, retrace toute l’histoire de Rome depuis les origines légendaires jusqu’aux événements contemporains. Écrite en hexamètres dactyliques, elle débute par une vision célèbre dans l’Antiquité : Ennius raconte qu’Homère, dont l’âme revit en lui, lui a révélé les mystères de la nature. Les livres I à VI développent l’arrivée d’Énée en Italie, la naissance et le règne de Romulus, l’histoire des rois, l’invasion gauloise, la guerre des Samnites et celle de Pyrrhus. Puis (livres VII à XV) Ennius, glissant sur la première guerre punique, narre de façon pathétique la lutte contre Hannibal. Les trois derniers livres chantent les diverses expéditions qui suivirent la défaite de Carthage ou laissent la place aux souvenirs personnels. Ils s’arrêtent à l’an 172.

Si les vers des Annales gardent encore une inévitable rusticité ou quelquefois des hardiesses étranges et des formes archaïques (vers surchargés de spondées, mots nouveaux, onomatopées bizarres, allitérations naïves, tmèses grossières), si la composition semble avoir été assez lâche, il reste qu’Ennius, par la variété des couleurs, la vigueur des traits, la vivacité des détails, est un très grand poète. Comme Homère, il a le don de l’évocation, de la comparaison vivante. Plus encore, ce qui frappe, c’est la sincérité de l’émotion : Ennius s’exalte de toute son âme devant les événements qu’il rapporte. Chez lui, le sentiment de la grandeur de Rome l’emporte sur tout autre, et sa sensibilité se transforme en une sympathie vibrante pour les héros dont il parle. Il en résulte une chaleur et une force qui enlèvent l’adhésion et qui serviront de modèle admirable à ses successeurs.