Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire colonial néerlandais (suite)

À la fin du xviie s., le caféier et la canne à sucre sont introduits à Java. La Compagnie étend à ces cultures le système économique mis en vigueur à Java et à Sumatra pour la production du poivre. Les princes indigènes, privés de leur indépendance, conservent leur souveraineté comme vassaux de la Compagnie. Des contrats leur imposent la culture des produits d’exportation, qu’ils sont tenus de vendre en exclusivité à la Compagnie. Les termes du contrat sont modifiés en fonction des fluctuations de la demande européenne. Comme pour les épices des Moluques et pour la cannelle de Ceylan, la Compagnie poursuit une politique de prix élevés en limitant contractuellement la production. Ce système ne modifie en rien les institutions indigènes et n’a qu’une très faible répercussion sur le sort de la masse javanaise, taillable et corvéable à merci comme par le passé. Après deux siècles de présence, la Compagnie est toujours un corps étranger, situé en marge du monde asiatique. En Perse, au Japon ou en Indochine, les Hollandais ne disposent que de comptoirs. En Inde, certains comptoirs sont fortifiés, mais seul Ceylan est solidement tenu. Même dans l’archipel indonésien, la pénétration territoriale est réduite au minimum (Batavia à Java, Banda aux Moluques). L’exploitation de l’archipel n’est que commerciale et se base sur la suzeraineté imposée aux princes indigènes. Pour les Pays-Bas, l’ère coloniale s’ouvre au xixe s.

Le bouleversement révolutionnaire en Europe marque un tournant dans la politique coloniale. Successivement, Herman Willem Daendels (1808-1811), gouverneur représentant l’éphémère royaume de Hollande, Thomas Stamford Raffles (1811-1816), gouverneur sous l’occupation anglaise, Johannes Van den Bosch (1830-1833) enfin, nommé par La Haye, introduisent des réformes radicales, qui aboutissent en 1830 au cultuurstelsel. Les rapports féodaux liant les princes à la Compagnie sont abolis. La métropole prend en main l’administration et l’économie du pays, ravalant les autorités indigènes au rang de fonctionnaires. Plusieurs soulèvements sont menés par l’aristocratie javanaise ; les indigènes sont alors soumis soit à la rente foncière (payable en produits tropicaux), soit au travail forcé sur les plantations d’État, où sont cultivés le café, la canne à sucre, l’indigo. La Nederlandsche Handel-Maatschappij (NHM) assure le transport aux Pays-Bas. Pour augmenter la productivité, on accorde aux fonctionnaires indigènes et européens un pourcentage sur la production. L’exploitation cruelle que provoque ce système est dénoncée avec éclat par Multatuli dans Max Havelaar. La loi agraire votée en 1870 ouvre l’Indonésie à une vague d’immigrants néerlandais et provoque un afflux de capitaux. La NHM se reconvertit en banque coloniale d’investissement. Seul le café reste, jusqu’en 1917, cultivé sur les plantations d’État. Les plantations privées assurent l’essor spectaculaire du sucre, du thé, du tabac, de la quinine. Après 1900 s’y ajoutent l’huile de palme et le caoutchouc. L’exploitation du sous-sol est d’une rentabilité exceptionnelle : étain (à Bangka et à Belitung), pétrole (exploité par la Société royale d’exploitation de sources de pétrole aux Indes néerlandaises [auj. Royal Dutch-Shell], fondée en 1890), charbon. La modernisation de l’économie javanaise ébranle les institutions traditionnelles. La communauté villageoise est menacée de dissolution à mesure que la propriété foncière individuelle empiète sur les terres communautaires et que la différenciation sociale s’accentue (masse paysanne endettée). Un nombre toujours croissant de Javanais sont employés dans les plantations. D’autre part, l’essor minier et industriel attire de nombreux ouvriers, bientôt prolétarisés. Cette population déracinée et illettrée constitue l’aile marchante dans la lutte pour l’indépendance menée par une intelligentsia tenue à l’écart des fonctions dirigeantes.


La lointaine Amérique

L’administration rigide de la Compagnie des Indes occidentales, qui se réservait l’exclusivité de la lucrative pelleterie et abandonnait aux colons l’agriculture, explique en grande partie l’échec final de la colonisation nord-américaine. De même, au Brésil, le manque de colons hollandais joint à l’hostilité des ressortissants portugais exigeait d’importants investissements militaires qui ne pouvaient être rentables qu’à long terme. Or, l’expansion hollandaise, due à l’initiative de commerçants et laissée sous leur direction, était orientée exclusivement vers la réalisation des profits élevés et immédiats. L’expérience brésilienne tourna court.

La seconde Compagnie des Indes occidentales suivit une politique plus souple. Ses moyens réduits l’empêchant d’annihiler le trafic organisé frauduleusement ou sous pavillon de complaisance, elle monnaya ses droits en libérant le commerce. Le plus rentable était la traite des Noirs, les colonies espagnoles assurant des débouchés encore bien plus importants que les plantations hollandaises. Celles-ci étaient concédées par la Compagnie moyennant rétribution. Les grandes plantations de sucre, d’indigo, de cacao et de café, cultivées par des esclaves, nécessitaient des capitaux considérables. Souvent, les planteurs hollandais n’étaient plus qu’administrateurs, les bailleurs de fonds de la métropole s’étant approprié les domaines. Le système de la concession s’étant généralisé dès les premiers temps, l’exploitation directe par la Compagnie ne s’étendait guère (en dehors de Curaçao et de l’Essequibo, en Guyane).

L’abolition de la traite (1816), puis de l’esclavage (1863) porta un coup décisif aux plantations guyanaises et au trafic portuaire antillais. Des milliers de Noirs abandonnèrent les plantations et constituèrent un prolétariat urbain. De cette époque date l’émigration massive d’ouvriers agricoles indiens, javanais et chinois en Guyane, mouvement coordonné par la métropole. Mais beaucoup d’entre eux abandonnaient l’agriculture pour des activités commerciales à l’issue de leur contrat.