Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire colonial espagnol (suite)

Incarnation suprême de l’État espagnol aux Indes, le vice-roi dirige les affaires politiques, administratives, militaires et financières. Ses subordonnés doivent exécuter ses ordres et, s’il faut traiter des questions particulièrement urgentes, il peut donner des instructions sans en référer au souverain. Dans les premiers temps, les vice-rois sont nommés à vie, puis simplement pour trois ou cinq ans, et leurs pouvoirs diminuent avec l’implantation des audiencias et des capitaineries générales, ainsi qu’avec l’application de règlements plus stricts imposés par l’Espagne. Comme les autres hauts fonctionnaires, à la fin de leur mandat, ils sont soumis au « jugement de résidence » au cours duquel ils doivent répondre de leurs actes devant l’audiencia.


Les capitaines généraux et les enquêteurs

D’ordinaire, le vice-roi détient les fonctions de capitaine général, mais, vu l’étendue des vice-royautés, les attaques répétées des indigènes dans certaines régions, comme au Chili, et les incursions d’ennemis étrangers dans les Caraïbes, il s’avère nécessaire de désigner des capitaines généraux qui commandent des territoires plus réduits et jouissent d’attributions comparables à celles des vice-rois.

Les pesquisidores (enquêteurs) sont des envoyés extraordinaires dont la mission consiste à faire des enquêtes et à veiller sur la bonne application des lois.


Les « audiencias »

Ce sont des tribunaux qui jugent en appel les affaires jugées en première instance dans les cours mineures et qui n’ont au-dessus d’eux que le Conseil des Indes. Ils disposent de pouvoirs administratifs et judiciaires : ils assurent donc l’administration par cour de justice. Ces audiencias surveillent étroitement tous les fonctionnaires et remplacent momentanément le vice-roi en cas de vacance. Elles se voient attribuer un grand nombre de compétences propres au Conseil des Indes, puisque la distance empêche souvent d’avoir recours à cet organisme.

La première est établie à Saint-Domingue en 1511, elle est suivie par celles de Mexico (1527), Panamá (1538), Lima (1542), Guadalajara (1547), Santa Fe de Bogotá (1547), La Plata ou Charcas (1558), Quito (1563), Concepciόn du Chili (1565), Guatemala (1542), Buenos Aires (1661) et Caracas (1786). Celles de Mexico et de Lima, les plus importantes, sont présidées par le vice-roi et comprennent huit juges, pour les questions d’ordre criminel, et deux procureurs. Les autres ont en général un président, quatre juges et un procureur.


« Repartimientos » d’Indiens

Le repartimiento est la reconnaissance juridique de l’habitude établie par la force de répartir les Indiens entre les Espagnols venus en Amérique afin qu’ils travaillent pour eux dans l’agriculture ou l’élevage, dans les mines ou la construction de routes et de villages. Ce système va permettre aux conquistadores et aux colons de tirer profit des efforts faits par les indigènes. Le premier repartimiento d’Indiens est organisé par les colons d’Hispaniola, qui ne demandent même pas à la Couronne l’autorisation d’agir ainsi. Les personnalités les plus éminentes condamnent tout d’abord ces procédés, mais, devant le refus des Indiens de travailler volontairement pour les Espagnols, les repartimientos sont légalement tolérés à partir de 1503. Diverses instructions modifient ce régime, alors que l’administration tente à plusieurs reprises de le supprimer complètement.


Les « encomiendas »

Elles consistent en la concession à un conquistador d’une certaine superficie de terres avec les familles indigènes qui y sont installées, y compris leurs chefs, pour qu’il y protège les Indiens et les évangélise, recevant en contrepartie le droit d’exiger des personnes qui lui sont confiées tributs et corvées. Cette institution, attaquée par des théologiens et des moralistes, notamment par le père Bartolomé de Las Casas (1474-1566), entraîne l’élaboration de lois protectrices et même le décret de son abolition (« ordonnances de Barcelone » ou « nouvelles lois » adoptées par Charles Quint) en 1542. Cette mesure n’est cependant pas appliquée et, bien que leur importance diminue, les encomiendas subsistent jusqu’au début du xviiie s., leur abolition définitive ne devenant réalité que pendant le règne de Philippe V (29 nov. 1718).


Réductions et « corregimientos »

Les Indiens qui ne vivent pas dans des encomiendas doivent être regroupés dans des agglomérations situées loin des Espagnols. Ces centres de population indienne, ayant une certaine autonomie administrative, portent le nom de réduction. Puis, en passant sous le contrôle des corregidores (fonctionnaires exerçant la tutelle), ils se transforment en corregimientos, territoires où l’exploitation est régie d’une façon collective ou par adjudication annuelle aux familles. Les terres qui entourent le village appartiennent au corregimiento. Le travail gratuit par roulement obligatoire, la solidarité et l’entraide donnent naissance à une véritable économie de type communautaire.

Les réductions les plus célèbres se trouvent dans la région qui couvre le sud-est du Paraguay et une partie de la province argentine de Misiones. Des ordonnances royales de 1611 limitent, à la demande des jésuites, le tribut dû par les Indiens à l’encomendero. Les réductions sont placées sous la direction des jésuites et durent du début du xviie s. au milieu du xviiie. Grâce à l’excellente organisation du travail et aux exemptions fiscales, les réductions atteignent un grand développement économique.


Intendances et subdélégations

Les abus des corregidores, qui, dans bien des cas, se conduisent comme les encomenderos, poussent Charles III à créer les intendances dans le but de centraliser les pouvoirs et d’instituer un système d’administration plus cohérent. Chaque vice-royauté ou capitainerie générale est divisée en grandes circonscriptions territoriales appelées intendances et dirigées par un intendant disposant d’attributions militaires, administratives, judiciaires et fiscales.