Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire colonial espagnol (suite)

L’Église et l’Empire espagnol

L’évangélisation est l’un des mobiles les plus puissants de la conquête. Elle est entreprise par les hiéronymites, les franciscains et les dominicains. À la fin du xvie s., le pape Clément VIII crée le patriarcat des Indes occidentales, accordé encore de nos jours à titre purement honorifique aux évêques de Madrid-Alcalá. Le patriarche n’a en réalité aucun pouvoir, et ce sont les évêques et les archevêques qui détiennent l’autorité ecclésiastique suprême en Amérique.

Les Indiens du Nouveau Monde, traditionnellement polythéistes, ont quelque difficulté à assimiler l’enseignement des missionnaires chrétiens. La langue étant une entrave durant les premières années de la conquête, les missionnaires doivent apprendre les langues indigènes.

C’est à la Compagnie de Jésus*, dont les activités en Amérique font l’objet de controverses, que l’on doit les plus grands efforts d’organisation et de catéchisation. Les jésuites fondent en effet de véritables missions, tout d’abord au xvies. dans la province de La Guaira (Venezuela), puis dans d’autres régions, principalement au Paraguay, en Argentine et en Uruguay. Ce sont d’authentiques « réductions » (reducciones) d’Indiens convertis au christianisme, qui sont extrêmement bien organisées. Malgré l’expulsion prononcée contre eux par Charles III en 1767, leur influence ne cesse de se faire sentir, surtout au Paraguay. Le tribunal de l’Inquisition*, établi à Lima en 1570 et à Mexico en 1571 dans l’intention d’adoucir les mœurs, est entre les mains des dominicains.

Un très grand nombre de religieux illustrent l’histoire américaine. On peut citer, en dehors de l’éminent Bartolomé de Las Casas, l’apôtre des Noirs San Pedro Claver (1580-1654), le missionnaire San Francisco Solano (1549-1610), l’évangélisateur de la Californie Junípero Serra (1713-1784), le saint péruvien mulâtre Martín de Porres (1579-1639), canonisé en 1962, et le père José Celestino Mutis (1732-1808), botaniste et astronome, sans oublier quelques religieuses telles la poétesse mexicaine sœur Juana Inés de la Cruz (1651-1695) et la Péruvienne Isabel Floret de Oliva, plus connue sous le nom de santa Rosa de Lima (1586-1617).


Organisation politique et administrative de l’Amérique espagnole


Législation

Les souverains espagnols, considérant les possessions américaines non comme des colonies de l’Espagne mais comme leurs biens propres, s’efforcent d’y introduire, en les adaptant, des institutions semblables à celles qui existent dans les différentes parties du royaume. La législation espagnole en Amérique est si abondante qu’Antonio de Leόn Pinelo (v. 1590-1660) et Juan Solόrzano Pereira (1575 - v. 1655) recueilleront plus de dix mille lois, dont une bonne moitié sont incluses dans le Recueil de lois des royaumes des Indes (1680). Mais, si ces textes juridiques sont nombreux et justes, précis et empreints d’excellentes intentions (ils insistent en effet sur le bon traitement qui doit être accordé aux Indiens), leur application va poser de graves problèmes, étant donné les distances considérables qui séparent ces terres de la métropole et le manque de moyens de communication adéquats.

Pour comprendre la valeur des institutions implantées aux Indes, il ne faut pas oublier que, bien que les rois aient lutté pour faire reconnaître la souveraineté espagnole, la conquête ne fut pas due à l’initiative de l’État, mais à celle de particuliers.


La « Casa de Contrataciόn » et le Conseil des Indes

En 1503, les Rois Catholiques créent à Séville la « Casa de Contrataciόn », organisme chargé du commerce avec les Indes, de l’organisation des flottes, du recrutement des colons, des procès et de tout ce qui touche aux territoires d’outre-mer. La « Casa de Contrataciόn », qui possède également une école navale et un centre d’études géographiques, jouit d’une très grande autonomie jusqu’en 1511. À cette date est fondée une Junte des Indes, grand conseiller du monarque en ce qui concerne le gouvernement et l’administration des Indes ; complètement structurée en 1524, elle prend le nom de Conseil royal suprême des Indes et recouvre la « Casa de Contrataciόn », qui cesse d’exister en 1790.

Le Conseil des Indes dispose de très vastes attributions : nomination des hauts fonctionnaires de l’administration indienne et des principaux prélats, préparation des flottes et des expéditions, organisation des finances coloniales et droit de regard sur la façon dont sont traités les Indiens. Il n’a pas de siège fixe puisqu’il accompagne le roi dans ses déplacements. De l’avènement des Bourbons (1700) à 1815, une grande partie des affaires indiennes est transférée à un secrétariat spécial. Le Conseil n’est plus alors qu’une haute cour de justice et, après avoir été supprimé puis rétabli plusieurs fois, il disparaît définitivement en 1834.


« Adelantados » et gouverneurs

Au début de la conquête, le gouvernement des nouveaux territoires est confié aux adelantados, c’est-à-dire aux chefs des expéditions, qui réunissent entre leurs mains l’autorité militaire et l’autorité administrative. Il s’agit en général d’hommes audacieux et intelligents qui réalisent, grâce à leurs propres ressources (bien souvent limitées), la partie la plus difficile de la conquête. Cette charge, qui existait déjà au moment de la Reconquista*, est accordée par le roi et implique des pouvoirs qui ne sont limités que par la difficulté des communications et l’existence des municipalités. Elle est concédée à vie ou même, bien souvent, à titre héréditaire. Au fur et à mesure que l’organisation des Indes se structure, elle est remplacée par celle de gouverneur. Les gouverneurs diffèrent des adelantados en ce que leurs fonctions sont davantage d’ordre civil que militaire. Émanation du souverain, à qui ils doivent tout, ils sont placés à la tête des provinces qui font partie des vice-royautés.


Les vice-rois

Le poste le plus important, créé plus tard, est celui de vice-roi, personnage investi d’une autorité et d’attributions très étendues. Conféré pour la première fois à Christophe Colomb, il disparaît un certain temps pour réapparaître sous Charles Ier avec l’installation de deux nouveaux vice-rois : celui de la Nouvelle-Espagne, Antonio de Mendoza (1535), et Basco Núñez Vela, vice-roi du Pérou (1544).