Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire (second) (suite)

Se tournant ensuite vers l’Autriche, il obtient, toujours contre sa neutralité, la promesse de l’abandon de la Vénétie. L’empereur compte alors sur la longueur des hostilités pour préciser ses exigences, mais les événements contredisent ses prévisions. En quelques jours (14 juin - 3 juill. 1866), les Prussiens viennent à bout de l’Autriche. La victoire prussienne de Sadowa (3 juill.) fait à Paris l’effet d’un « coup de tonnerre dans un ciel serein ». Bismarck impose dès lors sa volonté à l’Europe, et l’Italie reçoit, sans reconnaissance, la Vénétie. À la France, qui demande le retour aux frontières de 1814, Bismarck, qui a su ne rien promettre et ne s’estime pas tenu d’honorer « la note d’aubergiste de l’empereur », oppose une fin de non-recevoir formelle. Il refuse même la cession du Luxembourg, seul « pourboire » auquel Napoléon III s’est finalement raccroché.

De son intrusion dans les affaires allemandes, la France sort donc humiliée. Sadowa a été pour elle une grave défaite diplomatique. Elle n’est plus la puissance prépondérante en Europe occidentale, les Français découvrent que la Prusse est leur ennemi héréditaire, et l’opinion, vexée et inquiétée, s’engage alors dans la dangereuse psychose de la guerre inévitable.

• La question romaine. La politique italienne française ne vaut pas à la France davantage d’amis : pour régler la question romaine, c’est-à-dire le sort des États de l’Église, les patriotes italiens, la France et la papauté sont parvenus à un accord en 1864. La marche de Garibaldi sur Rome en octobre 1867 remet tout en question. Entraîné par les catholiques et malgré l’opposition de l’opinion populaire et libérale, Napoléon III envoie des troupes au secours du pape. Les volontaires garibaldiens sont vaincus à Mentana (3 nov.). Mais les Français perdent l’amitié des Italiens : « Mentana a tué Magenta. »


Vers l’Empire parlementaire

Le régime prête donc largement le flanc aux critiques, et l’opposition ne lui fait pas grâce de ses échecs. L’empereur ne peut pas demeurer plus longtemps dans une attitude hésitante, les mécomptes extérieurs le contraignent aux concessions. Lors de la discussion de l’adresse pour 1866, l’opposition n’a-t-elle pas déclaré : « Sans la liberté, aucun droit n’est garanti. La liberté seule peut faire l’éducation de la liberté. »

Le 19 janvier 1867 est publiée au Moniteur une lettre de Napoléon III au ministre d’État annonçant une série de mesures libérales : les unes, concernant la procédure, sont immédiatement introduites par décrets ; les autres doivent attendre d’être votées par l’Assemblée. Le droit d’adresse est remplacé par le droit d’interpellation ; les ministres peuvent prendre part aux débats du Corps législatif et du Sénat, et, à cet effet, la tribune est rétablie. Les pouvoirs du Sénat sont élargis : il s’agit bien d’un premier pas vers le parlementarisme.

Les lois annoncées par la lettre impériale concernaient la liberté de la presse et la liberté de réunion. Elles ne sont votées qu’au cours de l’année 1868. La loi sur la presse (9 mars) supprime l’autorisation préalable et l’avertissement, mais maintient le cautionnement et l’impôt de timbre ; la répression des délits de presse revient aux tribunaux correctionnels. Les réunions publiques sont autorisées par la loi du 6 juin 1868, à l’exclusion des réunions politiques, qui ne peuvent avoir lieu, sous certaines conditions et dans un local clos, qu’en périodes électorales.

Une réforme militaire vise aussi à affermir le gouvernement. Devant la suprématie militaire prussienne apparue à Sadowa, il paraît urgent de réorganiser l’armée. Le maréchal Niel s’y consacre. Afin d’accroître le nombre de soldats entraînés, la loi de 1868 crée, parallèlement à l’armée active, toujours recrutée par tirage au sort et qui demeure désormais quatre ans à la disposition de l’État après les années de caserne, une garde nationale mobile formée des hommes non astreints au service mais soumis cependant à une sommaire préparation militaire. Cette loi, pratiquement inappliquée, ne servira guère qu’à tromper l’empereur sur les forces réelles de la nation : la réalité éclatera en 1870.

Ces réformes vont-elles donner une nouvelle vigueur à l’Empire ? En fait, le gouvernement semble tourner à vide, aucun air frais ne lui parvient ; les hommes en place n’ont pas su créer une nouvelle génération d’hommes politiques. L’empereur lui-même est dans un extrême délabrement physique, les mesures libérales sur la presse notamment ne font que renforcer l’opposition en lui permettant de se manifester. Le Réveil de Charles Delescluze (1809-1871) adopte le calendrier révolutionnaire. À la fin de mai 1868, Henri Rochefort (1831-1913) lance un pamphlet hebdomadaire, la Lanterne, qui tire, dès le premier numéro, à 120 000 exemplaires. Mais on comptera 118 procès de presse en moins d’un an. Le coup d’État du 2 décembre est désormais ouvertement critiqué ; les républicains fêtent leurs martyrs, tel le député Alphonse Baudin (1811-1851), mort sur une barricade ; ils lancent une souscription destinée à lui élever un monument. Et quand Delescluze est jugé pour avoir ouvert cette souscription, son jeune avocat, Gambetta, remporte un succès triomphal en profitant de sa plaidoirie pour stigmatiser l’Empire (14 nov. 1868).


L’Empire parlementaire


La nouvelle chambre

Lors des élections de mai-juin 1869, les Français n’expriment guère de reconnaissance pour les mesures libérales récentes. Les résultats du scrutin marquent au contraire l’échec de la politique impériale ; non seulement les anciens partis ne sont pas morts, comme le souhaitait l’empereur, mais ils affirment leur vitalité. Malgré tous les efforts de Rouher pour soutenir les gouvernementaux, l’opposition de gauche, comme celle de droite, est en progrès net, si l’on compare la consultation de 1863. Elle gagne plus d’un million de voix et recueille 3 355 000 suffrages contre 4 436 000 pour les « officiels » (à Paris, 234 000 voix pour l’opposition, 77 000 pour les officiels). Les campagnes sont restées fidèles, mais les grandes villes sont désormais toutes représentées par des républicains, ce qui traduit bien l’influence grandissante du jeune parti démocratique sur la classe ouvrière. Ainsi, à Paris, Gambetta écrase Carnot, et Favre bat Rochefort.