Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire (second) (suite)

Le traité de Paris

Le congrès qui doit discuter de la paix réunit à Paris, sous la présidence du Français Walewski, les représentants des Grandes Puissances. Belle revanche du congrès de Vienne ! La France reçoit l’Europe et préside aux règlements de ses querelles, après avoir vaincu la Russie sur son propre sol. Le traité, signé le 30 mars 1856, maintient l’intégrité de l’Empire ottoman, réaffirme le principe de la fermeture des Détroits et établit la libre navigation sur le Danube. L’influence de la France est devenue prépondérante au Proche-Orient. Napoléon III n’obtient pas l’unification des principautés danubiennes, qu’il souhaitait ; le principe des nationalités n’en est pas moins posé. Cavour, représentant le Piémont au congrès de Paris, ouvrira bientôt le débat en posant à l’Europe la question italienne.


Le libéralisme bonapartiste (1858-1869)


Le « demi-tour à gauche » (1858-1863)

Le problème de l’unité italienne est posé brutalement devant l’opinion par un attentat contre la personne de l’empereur. Ce geste, qui vient rappeler la fragilité de la dynastie et de l’ordre établi, réveille la vie politique. Le gouvernement réagit d’abord à la violence par la fermeté, puis, par une volte-face soudaine, prend une orientation nouvelle et s’ouvre au libéralisme.


L’attentat d’Orsini

Le soir du 14 janvier 1858, trois bombes sont lancées sur le cortège impérial, qui se rend à l’Opéra. Le couple impérial n’est pas atteint ; l’attentat a fait cependant huit morts et de nombreux blessés. L’instigateur en est un patriote italien, Felice Orsini (1819-1858), député à la Constituante romaine de Giuseppe Mazzini* en 1849. Presque unanimement réprouvé par l’opinion française, cet événement a pour conséquence immédiate un durcissement du régime. Napoléon III consolide le trône en conférant la régence éventuelle à l’impératrice et en créant un Conseil privé susceptible de se transformer en Conseil de régence. Le général Espinasse, l’un des plus stricts exécutants de la répression du 2 décembre 1851, est appelé au ministère de l’Intérieur, où il demeure six mois. Une loi de sûreté générale (19 févr. 1858) permet, dans le cadre de cinq départements militaires qui sont alors créés, d’arrêter les suspects. Cette action, menée contre les républicains, est étayée par une attitude de réserve à l’égard des gouvernements qui les encouragent. Ainsi l’Angleterre, où ont été fabriquées les bombes, est dénoncée comme « un repaire d’assassins », tandis que l’entente franco-piémontaise est en péril certain.

Mais les choses prennent rapidement un tour différent. Au cours du procès d’Orsini, son avocat, Jules Favre, lit une lettre adressée par l’accusé à l’empereur : « J’admire votre Majesté de rendre à l’Italie l’indépendance que ses enfants ont perdue en 1849 par le fait même des Français. » Selon la volonté de l’empereur, elle est publiée simultanément dans la Gazette piémontaise et dans le Moniteur, et c’est sans doute sur ordre impérial que le condamné écrit avant son exécution : « Les sentiments de votre Majesté pour l’Italie ne sont pas pour moi un mince réconfort au moment de mourir. » Profitant de l’émotion populaire, Napoléon III utilise l’attentat en faveur d’une cause qui lui tient à cœur, celle de l’unité italienne.


La question italienne

Du fait de la situation politique de la péninsule, c’est en Italie que peut être mis le plus facilement en application le principe des nationalités. L’unification de l’Italie rendra caduque la carte de l’Europe tracée en 1815. Elle est, de plus, conforme aux intérêts de la France, qui attend, en remerciement de son aide, la cession de la Savoie et de Nice.

Mais, dans cette partie, l’enjeu est gros. La France trouve en face d’elle l’Autriche, maîtresse du nord de la péninsule ; la Russie, protectrice du royaume de Naples ; l’Angleterre, jalouse de voir l’équilibre européen bouleversé au profit de la France. Dans le pays même, les projets impériaux soulèvent l’opposition des conservateurs, qui affirment volontiers : « L’Empire, c’est la paix. Plus de paix, plus d’Empire », et des milieux catholiques, toujours très susceptibles lorsqu’on touche aux droits du Saint-Siège.

Napoléon III décide d’agir seul. Tandis qu’il séjourne à Plombières, il reçoit Cavour le 21 juillet 1858. Là, dans le plus grand secret, tous deux dressent leurs plans. Ceux-ci semblent d’abord réussir, puisque les Autrichiens, exaspérés par les provocations du Piémont, envoient un ultimatum, que Cavour repousse le 26 avril 1859, et passent le Tessin le 27 avril ; la France s’engage immédiatement dans la lutte. La première grande bataille se livre autour de Magenta (4 juin). La victoire, difficilement gagnée, reste aux Franco-Piémontais. La route de Milan leur est ainsi ouverte. Le sort de la campagne se décide à Solferino, enlevé de justesse le 24 juin. Mais Napoléon III, épouvanté par les pertes humaines provoquées par des batailles livrées, de part et d’autre, sans préparation, interrompt alors brusquement l’action des armes et accorde un armistice à l’Autriche le 8 juillet à Villafranca, où sont aussi signés, le 12 juillet, des préliminaires de paix. La paix, conclue à Zurich le 10 novembre 1859, tient peu compte des engagements français pris à Turin le 28 janvier 1859 de rendre « l’Italie libre jusqu’à l’Adriatique ». Seule la Lombardie autrichienne revient au Piémont. L’unité italienne se poursuivra désormais sans la France, et, pour justifier l’annexion de la Savoie et de Nice, celle-ci doit avoir recours au plébiscite (1860).


Le libéralisme économique

Le 23 janvier 1860, un traité de commerce est signé pour dix ans entre la France et l’Angleterre. Négocié par Eugène Rouher, ministre du Commerce, et Michel Chevalier du côté français, par Richard Cobden* du côté anglais, il n’établit pas le libre-échange, mais fait franchir un grand pas dans ce sens. La France renonce à toute prohibition, abaisse les droits de douane, qui ne devront désormais pas dépasser 30 p. 100 de la valeur des produits. L’Angleterre admet librement certains produits de luxe jusqu’alors taxés, tandis que certains droits, sur les vins notamment, sont fortement réduits. Les deux pays s’accordent réciproquement le traitement de la nation la plus favorisée.