Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

élection (suite)

La majorité qualifiée

On appelle majorité qualifiée soit une majorité correspondant à un pourcentage des suffrages exprimés supérieur à la moitié (par exemple les 2/3 ou les 3/4 ou les 3/5), soit une majorité absolue calculée en fonction du nombre des électeurs inscrits et non plus des suffrages exprimés. En pratique, la majorité qualifiée est parfois exigée dans les votes des assemblées (en France, l’Assemblée nationale ne peut marquer sa défiance au gouvernement que si la majorité absolue de ses membres vote une motion de censure), mais rarement dans une élection. La majorité des deux tiers — à tous les tours de scrutin — est exigée pour l’élection du Saint-Père par le conclave.


La représentation des minorités dans le cadre du scrutin majoritaire

— Le vote limité dans le cadre du scrutin de liste. L’électeur ne vote pas pour la totalité des sièges à pourvoir. Si, par exemple, la circonscription doit élire cinq représentants, l’électeur ne doit voter que pour trois (ou quatre) candidats seulement ; aucune liste de partis ne peut comporter plus de trois (ou quatre) noms de candidats. Avec ce système, il semble que l’opposition soit toujours représentée, tout au moins lorsqu’il n’existe que deux partis. Il a été utilisé pour les élections municipales en Grande-Bretagne (mais dans douze bourgs seulement) de 1867 à 1884, à Lausanne en 1872, en Espagne en 1876 et en Italie en 1889.
— Le vote limité dans le cadre du scrutin uninominal. Au Japon, depuis 1900, les élections législatives se font dans le cadre de circonscriptions élisant au scrutin à un seul tour de deux à cinq représentants, chaque électeur ne pouvant voter que pour un seul candidat. Sont élus les candidats (de deux à cinq) qui ont obtenu le plus de voix. Les partis sont amenés à calculer soigneusement le nombre de leurs candidats en vue d’éviter, d’une part, la dispersion des voix, source d’échec, et, d’autre part, l’insuffisante représentation par rapport aux suffrages obtenus. Il semble qu’en pratique la composition de l’assemblée corresponde avec une relative exactitude à la force respective des partis en présence. Cependant, ce système, qui stimule une véritable concurrence entre les candidats d’un même parti, semble avoir provoqué une multiplication des tendances au sein des grands partis.
— Le vote cumulatif. Dans le cadre du scrutin de liste, chaque électeur dispose d’autant de voix qu’il y a de représentants à élire dans la circonscription. Si, par exemple, il dispose de cinq voix, il peut les distribuer à cinq candidats différents ou les bloquer au profit d’un seul candidat. En bloquant leurs suffrages sur un seul candidat, les membres de la minorité peuvent espérer le faire élire, puisque la majorité s’efforcera d’emporter tous les sièges et, pour ce faire, dispersera ses voix. Le procédé a été employé en Angleterre pour les school boards (1820), en Écosse (1822), en Pennsylvanie pour les élections municipales (1820-21).


2o La représentation proportionnelle


Les systèmes d’Andrae et de Hare

Il semble que le premier essai de représentation proportionnelle ait été fait au Danemark, en 1855, pour les élections de la Chambre haute. Le système appliqué avait été mis au point par le ministre des Finances Andrae, ancien professeur de mathématiques.

À la base du système se trouve le quotient du nombre des suffrages exprimés par le nombre des représentants à élire. Les scrutateurs additionnaient d’abord les suffrages du candidat placé en tête de chaque liste ; dès que ce candidat avait réuni un nombre de voix égal au « quotient électoral », son nom était rayé des bulletins restant à dépouiller ; le dépouillement continuait de la même façon jusqu’au dernier bulletin ; étaient proclamés élus tous les candidats ayant obtenu un nombre de voix égal au quotient et, si nécessaire, les candidats dont le nombre de suffrages se rapprochait le plus du quotient.

En 1857, le Britannique Thomas Hare (1806-1891) met au point le système du vote unique transférable, fort proche du système d’Andrae, qu’il semble, cependant, avoir ignoré. Raisonnant dans une époque de suffrage restreint, il fait fonctionner son système dans le cadre du scrutin uninominal ; mais l’association britannique pour la représentation proportionnelle estime qu’avec le suffrage universel il faut diviser le pays en circonscriptions élisant chacune de 5 à 7 représentants. Les candidats de divers partis figurent par ordre alphabétique sur un même bulletin de vote, l’électeur plaçant un numéro (1, 2, 3, etc.) en face de chaque nom suivant l’ordre de ses préférences. Dès qu’un candidat atteint le quotient, il est proclamé élu. Dans la suite du dépouillement, lorsque le nom de l’élu figure avec le numéro 1 sur un bulletin, la voix correspondante est attribuée au candidat figurant avec le numéro 2 sur ce même bulletin et ainsi de suite.

Le vote unique transférable est utilisé depuis 1907 en Tasmanie (Australie), depuis 1920 en Eire (Irlande) et depuis 1949 en Australie (pour les élections au sénat fédéral). Alors qu’en Irlande le système a limité le nombre des candidats (pour éviter la dispersion des voix, chaque parti tend à ne pas présenter plus de candidats que de sièges qu’il espère raisonnablement conquérir) et favorisé l’alliance des partis proches sans trop fausser la représentation de l’opinion, il semble avoir favorisé une légère augmentation du nombre des partis en Australie sans avoir accru la stabilité gouvernementale.


La représentation proportionnelle intégrale

La représentation proportionnelle intégrale a été exposée par le mathématicien français Henri Poincaré. Le système repose sur la notion du « nombre unique » qui est égal à la division du nombre des électeurs inscrits dans le pays tout entier par le nombre de députés que comporte l’assemblée à élire.

L’élection a lieu dans chaque circonscription au scrutin de liste, chaque liste ayant autant d’élus que la somme de ses suffrages contient de fois le nombre unique. Si, par exemple, ce nombre unique est de 40 000 (quotient de 20 millions d’électeurs inscrits par 500 députés à élire) et que trois listes en présence aient obtenu 140 000, 83 000 et 48 000 suffrages, il leur est attribué respectivement 3, 2 et 1 sièges. Les suffrages non représentés de la circonscription (140 000 – 120 000 = 20 000 pour l’une, 83 000 – 80 000 = 3 000 pour la deuxième et 48 000 – 40 000 = 8 000 pour la troisième) sont additionnés avec les suffrages non représentés de l’ensemble du pays, parti par parti ; et une nouvelle répartition du nombre de sièges s’effectue en comparant la somme des restes de chaque parti avec le nombre unique, les sièges supplémentaires ainsi calculés étant attribués aux diverses listes locales de chaque parti intéressé en commençant par celles qui ont les plus forts restes.

Le nombre total de sièges ne sera sans doute pas encore attribué ; les quelques sièges restant encore libres seront accordés aux listes ayant les plus forts restes.