Eitoku (suite)
En 1574, Oda Nobunaga commande au jeune peintre, pour un cadeau officiel, une paire de paravents sur la ville de Kyōto et ses alentours. La composition polychrome renoue avec la tradition purement japonaise des coloris brillants perpétuée à la Cour par l’école Tosa et que Motonobu avait introduite dans la peinture à l’encre de style chinois. Dans cette œuvre apparaît la technique des fonds d’or qui connaîtra un si vif succès chez les disciples d’Eitoku. Des rectangles de papier doré, découpés et collés autour des parties peintes, forment un arrière-plan de grands nuages stylisés. Entre ces nuages, les bâtiments de la capitale sont dessinés avec exactitude, et des scènes de genre pleines de vie évoquent les occupations et les fêtes de la classe influente des marchands de Kyōto.
Il ne reste presque plus rien des immenses ensembles qu’Eitoku décora pour Nobunaga (château d’Azuchi de 1576 à 1580) et Toyotomi Hideyoshi (château d’Ōsaka en 1583, palais Juraku en 1587) et qui firent sa gloire. Seuls les documents de l’époque nous permettent d’imaginer la splendeur des salles où les fonds d’or conféraient au thème du déroulement des saisons un effet puissamment décoratif. Pour la réalisation de ces vastes peintures, Eitoku se faisait aider par un atelier important dans lequel travaillaient de nombreux membres de sa famille.
Écho de ces créations disparues, le paravent aux lions conservé dans les collections impériales et le paravent aux cyprès du musée national de Tōkyō sont les seuls décors officiels de la maturité du peintre que nous connaissions. Le paravent aux cyprès, exécuté sans doute l’année de la mort de l’artiste, montre peut-être plus de sécheresse que les œuvres de jeunesse. Cependant, la beauté de la composition témoigne de la maîtrise à laquelle est parvenu Eitoku dans la décoration de grands formats. Un tronc gigantesque aux branches tourmentées se dresse au-dessus d’une nappe d’eau dont l’intensité du bleu est mise en valeur par la terre et les nuages dorés.
Le style d’Eitoku eut une influence considérable sur son époque. Il restera celui du shōgunat des Tokugawa jusqu’en 1868, en s’imprégnant peu à peu d’académisme.
F. D.
➙ Kanō (école des) / Kyōto / Sanraku.
