Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Einstein (Albert)

Physicien d’origine allemande, qui prit la nationalité américaine en 1940 (Ulm 1879 - Princeton 1955).



Sa jeunesse

L’année qui suit sa naissance, ses parents s’installent à Munich, qui va être le cadre de son enfance. Son père, d’origine israélite, qui appartient à la petite bourgeoisie souabe aux idées libérales, y a fondé une modeste usine d’appareils et d’outillage électriques. Albert fait au lycée des études médiocres, sans que rien laisse alors présager une vocation exceptionnelle ; aucun de ses professeurs ne se souviendra plus tard de lui ; il y supporte d’ailleurs fort mal une discipline quasi militaire. Dès cette époque, l’autorité indiscutée et la contrainte lui paraissent intolérables. Après une crise de ferveur religieuse, Albert adopte une attitude de libre penseur qu’il qualifiera lui-même de fanatique.

Lorsqu’il atteint l’âge de quinze ans, ses parents et sa sœur émigrent à Milan dans l’espoir d’une situation plus florissante, et il va poursuivre ses études à Aarau, en Suisse, grâce à l’aide de parents fortunés. Après un premier échec, il passe son baccalauréat, entre en 1896 à l’Institut polytechnique de Zurich et décide de se consacrer à l’enseignement plutôt que d’aborder la carrière d’ingénieur. Il adopte alors la nationalité suisse.

Ayant terminé ses études, il cherche en vain une situation dans l’université ; toute sa vie, il regrettera de n’avoir pas eu à instruire de jeunes enfants. Grâce au père d’un camarade, ému de ses difficultés, il obtient enfin en 1902 un emploi à l’Office fédéral des brevets, à Berne. Cette situation modeste lui permet alors d’épouser une étudiante serbe, Mileva Marec, un peu plus âgée que lui, qui se destine aussi à l’enseignement de la physique. Deux fils naîtront de cette union.

Bien qu’Einstein exerce son humble métier avec une grande conscience, les larges loisirs qui lui sont offerts lui permettent de réfléchir aux graves problèmes qu’en ce début de siècle commence à poser la physique. En effet, les fondements de la mécanique résistent mal à l’analyse critique de l’Autrichien Ernst Mach (1838-1916). H. A. Lorentz* a dû introduire une contraction longitudinale des objets en mouvement et une altération locale du temps. Albert Michelson (1852-1931) vient de mettre en évidence la constance de la vitesse de la lumière, en dépit du mouvement de l’observateur par rapport au milieu de sa propagation. Planck*, enfin, a suggéré que l’énergie rayonnante doit être émise de façon discontinue.


D’étonnantes découvertes

L’attention d’Einstein se porte d’abord sur la structure atomique de la matière, sur l’interprétation statistique de la thermodynamique et sur cette hypothèse des quanta de Planck. Il est le premier à comprendre la portée des discontinuités quantiques, qui n’intéressent pas la seule émission ; il en fait l’application à l’énergie rayonnante, ce qui l’amène à l’hypothèse des grains de lumière, ou photons, ressuscitant la vieille théorie corpusculaire de Newton* ; il peut ainsi expliquer l’effet photo-électrique et en découvrir les lois. Appliquant d’autre part le calcul des probabilités au mouvement brownien, il en édifie la théorie et arrive à obtenir une valeur correcte du nombre d’Avogadro. Trois articles de lui, publiés en 1905 par les Annalen der Physik, font connaître ces travaux. Et la même année, dans la même publication, il écrit encore deux articles, beaucoup plus originaux : Sur l’électrodynamique des corps en mouvement et L’inertie d’un corps dépend-elle de son contenu en énergie ?, où se trouve un exposé complet d’une théorie entièrement créée par lui, celle de la relativité restreinte ; celle-ci modifie les lois de la mécanique newtonienne et introduit l’équivalence de la masse et de l’énergie.


Einstein professeur

Alors que ces articles annoncent la force qui va bouleverser le monde, personne ne semble d’abord les avoir remarqués. Ce n’est que trois ou quatre ans plus tard que l’attention du monde savant se porte sur eux. Einstein devient brusquement l’homme dont on parle. Ses idées, qui ne sont d’ailleurs pas souvent comprises, sont âprement discutées ; mais elles ouvrent au jeune homme, non sans difficulté, les portes de la carrière universitaire. Après un bref passage à l’université de Berne, où il est employé comme maître de conférences, Einstein est appelé, en 1909, comme professeur extraordinaire, c’est-à-dire suppléant, à Zurich. Puis, après un séjour à l’université allemande de Prague (1911-12), il obtient une chaire à l’École polytechnique fédérale de Zurich, sur les bancs de laquelle il a été élève. Enfin, sur les instances de Planck et de Nernst*, il accepte, en 1913, d’aller enseigner à l’institut Kaiser-Wilhelm de Berlin et d’entrer à l’Académie des sciences de Prusse. Bien que son caractère indépendant, ses idées politiques et sociales ne puissent l’attirer vers l’Allemagne de Guillaume II, il part pour Berlin, qui est alors un des centres les plus brillants de la science européenne : il se laisse en effet tenter par l’espoir de travailler aux côtés des grands maîtres qui ont sollicité sa venue.

C’est pendant cette période qu’il s’emploie à élargir la théorie de la relativité en y intégrant la gravitation. Mais sa nomination en Allemagne est aussi marquée pour lui par la dislocation de son ménage, dans lequel la bonne entente s’est progressivement altérée.


La guerre de 1914

Einstein a exigé de conserver sa nationalité helvétique ; c’est ce qui lui permet d’adopter une attitude de neutralité pendant la Première Guerre mondiale. Il peut, en la faisant valoir, refuser de signer le manifeste des quatre-vingt-treize intellectuels, cette capitulation de l’indépendance spirituelle allemande, et il fait entendre une voix discordante dans le concert de haine. « Les siècles futurs, écrit-il à Romain Rolland, dont il admire la prise de position, pourront-ils vraiment glorifier notre Europe, où trois siècles du travail culturel le plus intense n’ont abouti à rien de plus qu’à passer de la folie religieuse à la folie nationale ? »