Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Désormais, la pyramide* sera le monument typique de l’Ancien Empire. Après quelques tâtonnements (la pyramide à gradins sur plan carré de Meidoum et la rhomboïdale de Dahchour), c’est la magnifique réalisation de la pyramide parfaite de Dahchour-Nord, puis de celles de Gizeh, construites pour trois souverains à la IVe dynastie : Kheops, Khephren et Mykerinus. Ces masses imposantes de pierres (la grande pyramide atteignait primitivement plus de 146 m de haut) produisent un effet d’une harmonie parfaite, d’une suprême élégance dans la puissance. La pyramide n’était d’ailleurs qu’un élément parmi le vaste complexe funéraire d’un souverain de l’Ancien Empire : depuis un sanctuaire d’accueil situé près du fleuve, une rampe permettait d’accéder au temple funéraire proprement dit et à la pyramide.

Les sépultures des reines étaient surmontées de pyramides plus petites. À l’entour se pressaient les mastabas des grands dignitaires ; dans ces derniers était ménagée une petite chapelle destinée au culte funéraire ; elle possédait une stèle en forme de porte, avec les noms et titres du défunt ; une pièce spéciale, le serdab, presque entièrement murée, contenait ses statues.

Grâce à cette coutume funéraire, de nombreux témoignages de la statuaire de l’Ancien Empire sont parvenus jusqu’à nous. Comme on l’a vu, ce sont des portraits idéalisés. Parmi tant de chefs-d’œuvre, retenons les statues royales, comme celle de Djoser, ou la statue en diorite de Khephren (musée du Caire), d’une prodigieuse majesté. La statuaire civile est d’une présence étonnante : chacun connaît l’extraordinaire statue de bois du musée du Caire surnommée le « cheikh el Beled » (le maire du village) par les ouvriers de Mariette, son inventeur, ou le célèbre scribe accroupi du Louvre.

Les parois du mastaba étaient décorées de bas-reliefs qui représentaient des scènes familières de la vie du défunt, le montrant dans des banquets, entouré de sa famille, ou bien s’adonnant aux plaisirs de la chasse et de la pêche dans les fourrés de papyrus, ou encore dans l’exercice de ses fonctions. D autres mastabas s’ornaient de stucs peints ; les oies de Meidoum (Le Caire) constituent un des détails les plus fameux. De beaux reliefs se remarquent également sur les murs des temples funéraires et de leurs rampes d’accès : ainsi pour Ounas, dernier roi de la Ve dynastie. C’est à partir de ce souverain et durant toute la VIe dynastie que les parois des appartements funéraires royaux se couvrent de formules religieuses, les « Textes des Pyramides », gravées en de longues files de signes d’une élégante graphie.

Les arts mineurs sont mal connus, peu de vestiges de cette haute époque, hors de la vaisselle d’albâtre, étant parvenus jusqu’à nous. Le matériel funéraire de la reine Hétephérès, épouse de Snefrou et mère de Kheops, comprenait de délicats bijoux et un magnifique mobilier de bois sculpté, orné d’un revêtement d’or fin (musée de Boston).

Les troubles sociaux qui assombrirent la fin de l’Ancien Empire portèrent un coup fatal à cet art aulique. Les pyramides royales se font plus petites. En revanche, les sépultures des nomarques prennent de l’importance (Beni-Hassan, Meir, Assiout, Assouan). Les tombes sont ornées de scènes peintes sur stuc ; la composition est gauche, l’exécution peu soignée. On commence alors à placer près du sarcophage des statuettes représentant des serviteurs vaquant à leurs occupations, scènes miniatures montrant les travaux des champs ou du village, bateaux avec leurs équipages ; à côté d’ébauches grossières, on trouve de petits chefs-d’œuvre d’un art spontané, comme les soldats ou les porteuses d’offrandes d’Assiout. Quant à la grande statuaire, si l’authenticité et la force la caractérisent parfois, ce n’est souvent aussi que maladresse et lourdeur. Il en est de même des stèles, dont les personnages sont mal proportionnés et les hiéroglyphes peu soignés. Telles sont les marques de décadence provinciale de cette époque, dite « première période intermédiaire ».


L’art du moyen empire (env. 2050 - 1780 av. J.-C.)

Après l’instabilité de la première période intermédiaire, l’Égypte se trouva de nouveau unifiée sous l’autorité de Mentouhotep, prince de Thèbes, en Haute-Égypte, et fondateur de la XIe dynastie. Il fallut un sérieux effort de restauration ; ainsi se trouva défini un art tout d’harmonie et d’équilibre.

Les rares vestiges de temples qui ont subsisté (sanctuaires divins à Médinet Madi et à Médamoud) sont de plan simple et de proportions modestes. Si beaucoup d’édifices du Moyen Empire ont disparu, c’est aussi que leurs éléments architecturaux ont souvent été remployés dans des édifices construits ultérieurement : ainsi d’un petit pavillon édifié à Karnak par Sésostris Ier pour sa fête jubilaire (fête Sed) ; presque tous les blocs de calcaire blanc ont été retrouvés intacts dans le troisième pylône d’Aménophis III. À Deir el-Bahari, dans le cirque grandiose des montagnes thébaines (v. Thèbes), le roi Mentouhotep Ier fit élever son temple funéraire. Mais c’est dans le voisinage du Fayoum que les souverains de la XIIe dynastie choisirent de résider et d’édifier leurs sépultures, des pyramides de briques crues. Les nombreuses chambres, au plan compliqué, du temple funéraire d’Amenemhat III à Hawara ont frappé l’imagination des Anciens : c’est le fameux Labyrinthe des Grecs. Enfin, sur leur frontière sud, tout au long des déserts rocheux de la deuxième cataracte, les souverains égyptiens du Moyen Empire édifièrent une ligne fortifiée d’une étonnante ampleur.

Les critiques d’art modernes ont tendance à distinguer deux écoles de sculpture. Celle de Memphis, dans le Nord, est plus lyrique, plus idéaliste, comme en témoigne la statue d’Amenemhat III trouvée à Hawara. Les œuvres de l’école de Thèbes, dans le Sud, sont plus réalistes et d’un expressionnisme parfois brutal : les effigies de Sésostris III montrent un souverain désabusé, aux traits fatigués. De toute façon, le pessimisme suscité par l’anarchie de la première période intermédiaire est sensible dans la statuaire du Moyen Empire. La vogue grandissante du culte d’Osiris a démocratisé le concept de survie dans l’au-delà ; le défunt n’est plus représenté dans tout l’éclat de sa force physique ; l’expression du visage est triste ou pensive ; on affectionne les pierres sombres et polies. Une statuaire qui n’est plus exclusivement funéraire se développe : les fidèles déposent leur effigie en ex-voto dans les temples ; c’est le début des « statues-cubes » : le corps se resserre dans une forme cubique, les jambes repliées devant la poitrine et maintenues par les bras croisés.