Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

De nombreux principes régissent l’art égyptien. Dans la ronde-bosse, les défunts sont idéalisés tout comme les rois et les dieux, présentés dans une attitude sereine et digne : la loi de frontalité divise le corps en deux parties symétriques ; les attitudes se répartissent selon un certain nombre de positions assez strictement définies. La statue est cependant un portrait, souvent sans doute fort ressemblant : ne doit-elle pas en quelque sorte fixer l’esprit du défunt et se substituer éventuellement à une momie trop endommagée ? Le relief peint, qui a été le genre de prédilection des anciens Égyptiens, obéit lui aussi à certaines règles : la multiplicité des échelles permet de noter l’importance relative des personnages ou de mettre en évidence un détail significatif : les scènes sont figurées selon plusieurs angles de vue conjugués pour que chaque objet apparaisse sous son aspect le plus caractéristique. Les épaules et l’œil des personnages sont présentés de face, tandis que le reste du corps et du visage est vu de profil. Deux scènes se déroulant séparément dans le temps peuvent être placées l’une près de l’autre. Les hommes ont des chairs peintes en rouge, tandis que celles des femmes sont jaunes. La peinture obéit aux mêmes principes, mais avec plus de liberté, de pittoresque ; elle a su très souvent s’affranchir des règles de l’art officiel.

Par sa destination, c’est-à-dire en fonction de son efficience religieuse, l’art égyptien est conçu pour l’éternité. Aussi les monuments sont-ils construits en matériaux durables ; les pierres les plus dures sont employées pour la ronde-bosse, les poses utilisées étant d’ordinaire celles qui se rapprochent le plus d’un bloc, pour éviter les risques de cassures ; le même souci a peut-être présidé au choix du relief en creux ou en méplat, à l’exclusion du haut-relief.


L’art de la préhistoire

Outre les silex taillés et divers matériels lithiques, les premières manifestations de l’art dans la vallée du Nil consistent en de nombreuses gravures rupestres. C’est par milliers que celles-ci ont été repérées au cours de campagnes menées à travers la Nubie* vouée à la submersion. Selon les niveaux de culture successifs (chasseurs, éleveurs), elles montrent les innombrables échantillons de la grande faune « éthiopienne » subtropicale. L’évolution des représentations de ce peuplement animal permet de suivre les étapes du dessèchement de ce secteur de l’Afrique du Nord-Est, jusqu’à la mise en place de la faune et de la flore actuelles.

Le matériel recueilli permet de son côté de mesurer l’échelonnement des techniques. Durant le Paléolithique, on note les progrès continus de peuplades vivant de chasse et de pêche : coups-de-poing du Chelléen, limandes de l’Acheuléen, armes et outils du Moustérien et du Paléolithique supérieur. Puis c’est le Néolithique, avec l’agriculture continue et l’irrigation. Quelques rares débris de villages et de nécropoles (Merimdé, Badari) sont les témoins d’une population qui s’adonne à la culture des céréales et domestique les animaux. Vient ensuite la culture de Nagada, avec deux niveaux : à l’Amratien, les vases offrent des dessins clairs sur fond rouge ; au Gerzéen, le décor brun-violet se détache sur fond clair : défilés de flamants roses ou de capridés, représentations non identifiées (sanctuaires ou barques ?), quelques silhouettes humaines. Désormais, le travail de l’ivoire et de la pierre atteint une grande perfection. Sur le manche de couteau de Gebel el-Arak (Louvre), scènes de guerre et de chasse se pressent, dans une animation intense. Les feuillets de schiste, découpés depuis longtemps en silhouettes animales, servent de palettes ; celles-ci comportent souvent un godet central que l’on a cru destiné à des onguents : d’où le nom de palettes à fard ; ce sont plutôt des monuments votifs, déposés dans les temples archaïques. Certaines techniques, des thèmes caractéristiques indiquent alors des rapports entre la vallée du Nil et la Mésopotamie : ainsi le héros séparant deux fauves affrontés ou les félins à longs cous étirés.


L’art de l’époque thinite

Le premier document attestant l’unification des « Deux Terres » est une palette votive, celle du roi Narmer (sans doute le légendaire Menés) [musée du Caire] ; découverte à Nekhen (Hierakônpolis), en Haute-Égypte, elle montre le fondateur de la Ire dynastie coiffé de la couronne blanche de Haute-Égypte sur une face ; sur l’autre, de la couronne rouge de Basse-Égypte. C’est vers 3200 av. J.-C. que se situe la conquête du Nord par le Sud ; l’art des deux premières dynasties, dites « thinites » (du nom de This, leur capitale, sans doute près d Abydos), constitue la première éclosion de la civilisation égyptienne. Les tombes comportent une chambre funéraire entourée de plusieurs magasins contenant le matériel et les provisions qui accompagnent le défunt dans l’au-delà ; le mur extérieur de la superstructure en briques crues (le mastaba) était orné d’une suite de saillants et de rentrants. Sans doute les rois thinites ont-ils été dotés d’une double sépulture, en tant que rois de Haute-Égypte à Abydos d’une part, de Basse-Égypte à Saqqarah d’autre part. À Abydos, de grandes stèles portant le nom et la titulature du défunt (parmi les premiers signes hiéroglyphiques connus) marquent l’emplacement de la tombe ; la plus célèbre est la stèle du roi-serpent (Louvre) : sur cette haute dalle au sommet arrondi, la face antérieure présente, dans un évidement, l’image du dieu-faucon Horus, dressé sur un rectangle (qui figure tout ensemble l’enceinte et la façade du palais) où s’inscrit le nom du roi représenté par le signe hiéroglyphique du serpent. À Hélouân, des stèles-tableaux montrent en bas relief le défunt assis de profil, tendant la main vers une table d’offrandes.


Apogée de l’ancien empire (env. 2800 à 2250 av. J.-C.) et première période intermédiaire

Avec Djoser, l’illustre fondateur de la IIIe dynastie, s’ouvre l’Ancien Empire. C’est sur son initiative que son vizir et architecte, le génial Imhotep, créa véritablement l’architecture lithique égyptienne en édifiant à Saqqarah, sur la falaise qui domine Memphis*, la capitale de l’Ancien Empire, le complexe funéraire du souverain. Ce chef-d’œuvre résume dans la pierre toutes les formes architecturales qui avaient été conçues durant la préhistoire et l’époque thinite dans le bois, dans la brique ou sur le papyrus. Imhotep eut l’idée de la pyramide à degrés, étape entre le mastaba et les futures pyramides de Gizeh, sorte d’escalier majestueux devant permettre à l’âme du roi défunt de monter vers le ciel et aux dieux de descendre vers la terre. À l’intérieur de l’enceinte à redans, de dimensions colossales (544 × 277 m), les constructions sont de gigantesques simulacres : les portes pétrifiées sont ouvertes ou fermées pour l’éternité.