Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alimentation (suite)

L’étude de l’évolution des structures de distribution fait ressortir une diminution de l’importance des marchés au profit de rapports contractuels directs entre groupements de fournisseurs et groupements de détaillants, comme c’est souvent le cas aux États-Unis. En fonction de ces prévisions, Rungis s’est organisé pour répondre aux achats du commerce intégré. On y a créé à cette fin une bourse marchande permettant d’acheter des wagons entiers sur simple échantillon et un secteur des entrepôts et industries alimentaires (SENIA) ouvert au commerce intégré.

Les marchés : vocabulaire ancien et moderne

carreau, emplacement ouvert loué à la journée ou au mois par les producteurs saisonniers ;
prendre le métrage, délimiter à la craie, comme cela se faisait aux Halles, l’emplacement réservé aux commerçants sur le carreau ;
tasseur, celui dont le métier, aux Halles, consistait à mettre en tas les légumes livrés en vrac ;
gardeuse, celle qui surveillait, aux Halles, la marchandise d’un client avant qu’elle ne soit enlevée ;
fort des Halles, celui qui chargeait sur son dos des marchandises à transporter allant parfois jusqu’à 200 kg ;
quai banalisé, quai non réservé permettant, à Rungis, la vente sur échantillons ;
pieds humides, démarcheurs qui offrent, à Rungis, leur marchandise en dehors du périmètre officiel à des prix inférieurs au cours.

• Les circuits hors marché. Le grossiste sélectionne et entrepose la marchandise qu’il expédie au détaillant. Une évolution se détache à l’intérieur de la profession, qui tend à la concentration, soit que les grossistes forment des chaînes de distribution équipées pour le préemballage, soit qu’ils deviennent agents exclusifs d’un producteur, soit enfin qu’ils constituent avec des détaillants des chaînes volontaires pour une organisation commune des achats et des ventes.

Les centrales d’achats sont des organismes qui regroupent les achats du commerce intégré (magasins populaires, sociétés à succursales, coopératives de consommation). De ces centrales d’achats dépend également un certain nombre de magasins « affiliés », à l’égard desquels elles jouent un rôle de demi-gros (v. distribution).


Comment distribue-t-il ?

• Le commerce indépendant, c’est-à-dire celui qui n’appartient à aucun groupe de détaillants, assure la majeure partie de la distribution des produits périssables (83 p. 100 de la viande, 65 p. 100 des fruits et légumes, 80 p. 100 du poisson, d’après l’I. N. S. E. E.).

• Le commerce associé et le commerce intégré. Le phénomène de concentration, déjà noté au niveau du gros, caractérise également le commerce de l’alimentation générale. En 1973, la « loi Royer » tend à freiner l’expansion des magasins à grande surface, mais en 1975 ceux-ci réalisaient encore 30 p. 100 des ventes alimentaires du commerce de détail. L’urbanisation de la population et l’extension des grands ensembles en bordure des villes ont favorisé le développement des magasins à grande surface : supermarchés, hypermarchés, etc. Ceux-ci ont incité des détaillants indépendants à s’unir en des « chaînes volontaires ». Cette concentration s’accompagne d’un phénomène de déspécialisation, les commerces tendant à élargir leur assortiment (vente de plats cuisinés dans les charcuteries et de pâtisserie industrielle dans certaines épiceries).

Ces changements, qui traduisent un accroissement des services auprès de la clientèle, reflètent aussi les progrès dans l’organisation matérielle des ventes : le conditionnement de la marchandise en facilite la manutention et a favorisé l’essor du libre-service, inauguré en 1948 par Goulet-Turpin. À cela s’ajoute le souci du confort de la clientèle : aliments groupés fonctionnellement, parkings, heures d’ouverture tardives, etc.

• Le commerce de détail et ses prolongements. Vente par correspondance. Pratiquée dans des associations de consommateurs en rapport direct avec les producteurs, elle existe aussi dans certaines firmes comme Neckermann, société allemande, qui propose des produits congelés sur catalogue.

Distributeurs automatiques. Ils sont un élément d’appoint dans certains magasins ou dans des collectivités. Leur implantation en France est plus lente qu’à l’étranger (Allemagne, Scandinavie). Très perfectionnés, ils peuvent fournir tout un repas. En 1969, il y en avait environ 40 000 en France.

Cette industrialisation du commerce de détail visant à assurer une distribution de masse a pour conséquence l’anonymat du commerçant et celui d’une clientèle très mouvante.

Restauration. Commerce alimentaire d’un type spécial, puisque le produit vendu se consomme sur place, la restauration n’en est pas moins une forme de distribution au service du consommateur. Apparue en 1765 avec un nommé Boulanger, la restauration ne s’implanta dans les mœurs qu’au xixe s. On comptait 50 restaurants avant la Révolution et 3 000 trente ans après, qui servaient 60 000 repas par jour. Avec l’avènement de la bourgeoisie, le restaurant allait devenir un centre de vie sociale et mondaine.

Aujourd’hui, il existe en France environ 50 000 restaurants servant 7 millions de repas par jour, sans compter les 12 millions de repas consommés chaque jour dans les cantines et les restaurants d’entreprise. Au total, une quinzaine de millions de Français prennent au moins un repas par jour au restaurant. La profession emploie environ 100 000 employés en permanence et jusqu’à 1 million en été. L’importance de la consommation devrait inciter les restaurateurs à s’organiser et à s’unir pour leurs achats, mais l’esprit de concurrence domine et la profession, en France, conserve un caractère artisanal.

Néanmoins, les impératifs de la vie moderne (travail féminin, journée continue) ont suscité, en France, des formules nouvelles de restaurants, capables d’assurer une distribution plus adaptée à nos besoins. Malgré la lenteur de l’évolution en France, on note l’expansion du « fast food », formule de restauration rapide, dont Jacques Borel a été un des pionniers, en pressentant la nécessité d’une organisation industrielle.