Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Églises orientales (suite)

L’évangélisation des Slaves établis au centre et au sud-est de l’Europe donna plus tard naissance à de nouvelles autocéphalies détachées du patriarcat de Constantinople. Si la première mission évangélisatrice amorcée en 862-63 parmi les Slaves de Moravie par les deux frères Constantin (Cyrille) et Méthode, Grecs de Thessalonique, fut en définitive supplantée par l’influence du clergé germanique du rite latin, la décision de 864 du roi bulgare Boris Ier d’adopter pour son peuple la religion chrétienne devait aboutir en 927 à la création d’un patriarcat bulgare autonome, établi à Ohrid en 972 et qui se maintiendra jusqu’en 1018. Partiellement remplacé pour la Bulgarie orientale par le patriarcat de Tărnovo (1235-1393), il devait être rétabli en 1870 comme exarchat autonome, dont Constantinople reconnaissait finalement l’existence en 1945. En 1953, l’exarque prenait le titre de patriarche de Sofia et de Bulgarie, agréé par Constantinople le 27 juillet 1961.

Les Serbes, à leur tour, dès qu’ils se furent constitués en royaume au début du xiiie s., proclamèrent en 1219 leur autonomie ecclésiastique. Le siège patriarcal créé en 1346 à Peć et reconnu par Constantinople en 1375 subsista, malgré un siècle d’interruption (1459-1557), jusqu’en 1766. Après la reconstitution de l’unité serbe (1918), le patriarcat de Peć fut rétabli en 1920.

La Russie kiévienne, devenue officiellement chrétienne par le baptême du prince Vladimir (989), resta longtemps sous la haute juridiction du patriarche de Constantinople, même lorsque le siège métropolitain fut officiellement transféré à Moscou en 1325. L’autonomie de fait fut établie en 1448 par l’élection d’un métropolite opposé à l’union avec Rome, souscrite en 1439 au concile de Florence. Finalement, le patriarcat de Moscou et de toutes les Russies fut érigé par l’ancien patriarche de Constantinople Jérémie II en 1589. Supprimé par Pierre le Grand au profit d’une organisation synodale (1721), il fut rétabli en 1917.

Les anciennes principautés roumaines de Valachie et de Moldavie étaient restées sous la haute juridiction de l’archevêque bulgare d’Ohrid. Après la reconnaissance de leur indépendance au traité de Paris (1856), l’autonomie ecclésiastique à l’égard du patriarche de Constantinople fut proclamée en 1864 et reconnue par lui en 1885. Après le rattachement de la Transylvanie et la formation de la Grande Roumanie (1918), un patriarcat national roumain fut établi à Bucarest en 1925 et reconnu aussitôt par Constantinople.

Dès le lendemain du recouvrement de l’indépendance, l’autocéphalie de l’Église grecque avait été proclamée en 1833 et reconnue par Constantinople en 1850 sous la forme d’une Église synodale présidée par l’archevêque d’Athènes. Les provinces qui n’ont été rattachées à la Grèce qu’au xxe s. demeurent en principe sous la haute juridiction du patriarche « œcuménique » de Constantinople, qui en délègue l’exercice à l’archevêque d’Athènes pour les diocèses de Macédoine, mais qui le conserve sur les îles du Dodécanèse. L’autonomie a été récemment concédée à l’archevêché de Crète.

Enfin, quelques autocéphalies ont été, après 1920, accordées par Constantinople ou par Moscou à des communautés orthodoxes minoritaires en divers pays : Pologne en 1924 (décision ratifiée par Moscou en 1948), Albanie en 1937, Tchécoslovaquie (autocéphalie reconnue seulement par Moscou en 1951), Finlande en 1957. En janvier 1966, l’« archevêché orthodoxe de France et d’Europe occidentale », constitué à partir de paroisses de l’émigration russe jusqu’alors sous la juridiction du patriarche de Constantinople, fut conduit à proclamer son autonomie ; celle-ci devait être provisoire, puisque, dès février 1971, cet archevêché réintégrait le patriarcat de Constantinople. C’est, par contre, Moscou qui a pris seule l’initiative de reconnaître, le 10 avril 1970, l’autonomie de l’« Église grecque catholique orthodoxe russe en Amérique du Nord » avec le titre d’« Église orthodoxe autocéphale en Amérique ».

Tandis que se multipliaient ainsi les autocéphalies aux dépens du « patriarcat œcuménique » de Constantinople, la restauration — assez théorique — du « catholicosat » orthodoxe de Géorgie, qui avait été réduit au rang d’exarchat après l’annexion du pays par la Russie (1801), ne fut reconnue par Moscou qu’en 1943.


Organisation actuelle

Au terme de cette longue histoire, les Églises orientales constituent donc depuis des siècles deux groupes principaux d’importance très inégale.


Les Églises chalcédoniennes

• La communion orthodoxe. De beaucoup la plus nombreuse, elle peut rassembler entre 100 et 120 millions de fidèles en dix-huit Églises autocéphales ou autonomes. Malgré les dissensions épisodiques dues aux contingences de l’histoire politique, à la diversité des ethnies et souvent à des situations personnelles, la cohérence de la communion des Églises orthodoxes est assurée non seulement par l’unité doctrinale, l’héritage commun des Pères et des conciles du Ier millénaire, mais aussi par l’influence prédominante de la culture byzantine, l’unité liturgique et — pour une large part — disciplinaire reçue de la « Grande Église » de Constantinople. En effet, depuis le xiie s. au moins, c’est la liturgie byzantine qui, dans la diversité des langues, est célébrée dans toutes les églises orthodoxes, souvent qualifiées, pour cette raison, de « byzantines » ou — ce qui est encore moins exact — de « grecques ». L’adaptation de ces usages aux situations nouvelles et la liquidation du contentieux qui peut exister entre certaines de ces Églises doivent faire l’objet principal du premier concile panorthodoxe.

• Les Églises « uniates » ou « grecques catholiques ». On désigne souvent ainsi les fractions plus ou moins nombreuses d’Églises de la communion orthodoxe qui ont rétabli la communion avec l’Église catholique romaine et reconnaissent la juridiction suprême universelle du pape, évêque de Rome. La rupture de communion, sanctionnée par les excommunications réciproques de 1054 (levées seulement en 1965) et l’instauration d’une hiérarchie ecclésiastique de rite latin au temps des croisades dans les patriarcats de Jérusalem (1099), d’Antioche (1098), de Constantinople (1204) et d’Alexandrie (en 1219), ne fut jamais totale. Des tentatives d’union furent proclamées aux conciles de Lyon (1274) et de Florence (1439) ; elles furent à peu près sans conséquences réelles. La première union durable fut réalisée, sous de fortes pressions politiques, par les Ruthènes du royaume de Pologne après la création du patriarcat de Moscou (1589). Cette union (d’où le nom d’uniates), signée à Brest-Litovsk en territoire polonais (1596), est à l’origine de la plus importante Église catholique de rite byzantin. Une décision unilatérale de 1946 a réintégré sous la juridiction du patriarche orthodoxe de Moscou les fidèles résidant en territoire soviétique. L’Église catholique ruthène (ou ukrainienne) ne survit donc officiellement que parmi les émigrés.