Église constitutionnelle (suite)
Malgré ces affrontements, son manque de personnel et de ressources, cette Église n’était pas morte. Dans certains départements, les départements patriotes des frontières en particulier, elle demeurait vivante et acceptée par la population. En concluant le Concordat*, Bonaparte en tint compte, d’abord pour exercer une pression sur le Saint-Siège en lui arrachant le maximum de concessions. Aussi favorisa-t-il la tenue du second concile de 1801, lors de la dernière phase des négociations concordataires, quitte à le dissoudre brutalement, une fois le traité signé. Soucieux de rétablir l’unité nationale, dont l’unité religieuse paraissait une condition essentielle, lors des nominations épiscopales, il pratiqua l’amalgame, en réservant douze sièges à des évêques constitutionnels. Il exigea, de surcroît, qu’une certaine proportion de postes fût réservée dans les diocèses aux assermentés et interdit d’imposer la moindre rétractation. En fait, Rome et les évêques se résignèrent, mais non sans difficulté, à se contenter de celles qu’on pouvait obtenir et à fermer les yeux sur les refus ou les réticences.
Cette politique de l’amalgame, peu conforme aux principes canoniques, en permettant une provisoire survivance de l’Église constitutionnelle, eut, avec le temps, l’avantage de la faire, sans éclat, mourir ; elle fournit d’autre part aux diocèses un appoint de prêtres indispensable pour combler les vides. Il faut enfin reconnaître que nombre d’anciens jureurs, voire d’anciens lapsi, furent dans l’Église concordataire d’excellents curés, que plus d’un laissa dans sa paroisse un souvenir vénéré. Aussi peut-on conclure, avec un historien aussi averti que Mgr Joseph Roserot de Melin : « Plus se multiplient les études diocésaines ou communales, plus on réalise l’infinie diversité des cas concrets, plus on constate la vanité des jugements de valeur sur le clergé assermenté, qu’il est trop facile de noter rétrospectivement avec la clairvoyance que confèrent le recul et nos habitudes d’esprit modernes. Les termes d’insermenté et d’assermenté n’ont pas de valeur absolue dans la réalité. L’un et l’autre comportent des nuances diverses. Pour parler net, tout assermenté n’est pas taré, ni tout réfractaire forcément intègre. »
J. L.
➙ Constituante (Assemblée nationale) / Église catholique / Révolution française.
A. Mathiez, Contributions à l’histoire religieuse de la Révolution (Alcan, 1907) ; la Révolution et l’Église (A. Colin, 1910) ; la Question religieuse sous la Révolution (Guillon, 1930). / J. Leflon, Monsieur Emery (Bonne Presse, 1947) ; la Crise révolutionnaire, 1789-1846, t. XX de l’Histoire de l’Église, sous la dir. de A. Fliche et V. Martin (Bloud et Gay, 1951). / A. Latreille, l’Église catholique et la Révolution française (Hachette, 1950 ; 2 vol. ; nouv. éd., Éd. du Cerf, 1970). / M. Reinhard, Religion, révolution et contre-révolution (C. D. U., 1962). / B. Plongeron, Conscience religieuse en révolution. Regards sur l’historiographie religieuse de la Révolution française (Picard, 1969).
