Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alimentaire (régime) (suite)

Enfin, certains Oiseaux, comme les Pachyptila, et les Cétacés Mysticètes, c’est-à-dire les Baleines au sens large, sont aussi microphages et utilisent pour créer le courant favorable à la filtration l’action musculaire de leur énorme langue. Le filtre est formé de lamelles cornées, fixées sur le bec de l’Oiseau ou à la partie dorsale de la voûte buccale des Baleines. Ces lamelles, dites encore « fanons », sont bordées de franges latérales, qui retiennent les Crevettes Euphausia superba, dont se nourrissent ces géants des mers. La Baleine ouvre largement la gueule, puis la referme, et l’élévation de sa langue expulse l’eau à travers les fanons.


Macrophagie

Nous avons vu qu’il faut faire, dans le lot des macrophages, un sort particulier aux limivores d’une part, aux fouisseurs et gratteurs de l’autre. Dans le premier cas, les animaux se nourrissent d’un substrat meuble riche en particules organiques. Le tri se fait au niveau intestinal, et l’essentiel du substrat est rejeté par l’anus. Appartiennent à cette catégorie les Lombrics et les Annélides fouisseuses, comme les Arénicoles, des Échinodermes, comme les Holothuries et les Spatangues, ainsi que de nombreux Amphipodes littoraux. Dans le second cas, les animaux creusent un matériau dur dont ils avalent les fragments, ou raclent des animaux ou végétaux encroûtants. Citons parmi eux les Oursins, dont la lanterne d’Aristote constitue l’organe masticateur ; les Chitons et Gastropodes, dont la radula forme une râpe puissante, propre à tirer profit des Algues encroûtantes. D’autres Mollusques forent les coquilles des Bivalves pour s’en nourrir, ou creusent le bois, comme les Tarets. Parmi les xylophages, citons également l’Isopode Limnoria et, bien entendu, les Termites, qui ne digèrent le bois que grâce à une faune intestinale symbiotique de Flagellés. Enfin, il est des Poissons qui appartiennent à ce groupe, comme les Scaridés mangeurs de coraux. Les animaux terrestres herbivores ne diffèrent pas beaucoup de ce type.

Les autres macrophages sont surtout des prédateurs, se nourrissant de proies vivantes et mobiles. On les trouve dans tous les embranchements ou presque. Ce qui varie énormément, ce sont les modes de capture. Nous allons les passer rapidement en revue. Les Cnidaires paralysent leurs proies grâce à leurs tentacules bardés de nématocystes ; certains, comme les Physalies, peuvent être dangereux pour le nageur. Les Cténaires utilisent aussi des tentacules, qui sont munis de colloblastes engluants. Les Turbellariés ont un pharynx musculeux exsertile qui vient entourer la proie, puis réintègre sa gaine. Une trompe analogue existe chez les Némertes et des Annélides, comme les Glycères. Dans tous ces cas, la proie est avalée entière, comme chez les Étoiles de mer, qui sont même capables, quand la proie convoitée est trop grosse, de dévaginer leur estomac et de procéder à une digestion externe. En ce qui concerne les Vertébrés, les proies sont également avalées entières chez la plupart des Poissons, Amphibiens, Reptiles (Serpents en particulier) et Oiseaux. Dans les trois premiers groupes, en effet, la denture sert davantage à la capture de la proie et à sa rétention qu’à la mastication. Les dents sont toutes semblables et pointues. On trouve alors souvent un organe triturant interne, ou gésier, avant la poche gastrique où sont sécrétées les enzymes. Les animaux hétérodontes (à dents de plusieurs sortes) fragmentent au contraire leur nourriture avant de l’avaler. On les rencontre chez les Poissons et la majorité des Mammifères. Les pièces buccales des Insectes montrent, à un moindre degré, des adaptations analogues, et l’on distingue les types broyeur (phytophage ou carnivore), lécheur, piqueur et suceur.


Régimes alimentaires et évolution

Nous avons vu qu’à tous les types de nourriture disponible correspond un régime alimentaire, aussi étrange qu’il puisse parfois paraître. Ne nous méprenons pas : les microphages qui filtrent des litres d’eau, en permanence, ou qui se fraient leur chemin sous terre en l’avalant ne sont pas moins bien nourris que le carnivore. Pensons d’ailleurs au fait que les géants des mers, Pèlerin ou Baleine, sont eux aussi des microphages. Le régime alimentaire a naturellement retenti d’abord et surtout sur les organes de capture de la nourriture. Les microphages ont multiplié les systèmes de filtres et de mise en mouvement de l’eau, les macrophages les types de pièces buccales et de dentures. Le régime alimentaire a également profondément influencé l’appareil digestif dans son ensemble. Chez les animaux relativement primitifs à digestion intracellulaire, la microphagie est de règle, et le tractus est simple. Il se complique dès qu’un début de digestion extracellulaire vient précéder ou finalement remplacer la digestion primitive. On en trouve les premières traces chez les Cnidaires, dont la cavité gastrique contient des protéases, nécessaires pour fragmenter les proies ingérées avant leur digestion. À cette fragmentation chimique s’adjoint souvent une fragmentation mécanique, réalisée par les gésiers des Oiseaux, les moulins gastriques des Crustacés... En outre, le tube digestif lui-même, dans son ensemble, est d’autant plus long et complexe que la valeur nutritive de l’aliment est faible. On peut mettre en parallèle, à ce propos, la série coprophage-herbivore-carnivore et le raccourcissement et la simplification de l’intestin qui lui correspondent. Un des exemples les plus classiques en est fourni par les Anoures, dont l’adulte est un prédateur terrestre mangeur d’Insectes et de Vers, alors que sa larve têtard est un microphage herbivore. L’intestin de cette dernière est très long et circonvolutionné ; il subit, au moment de la métamorphose, une refonte totale pour devenir l’intestin court de l’adulte.

Mais ce n’est pas seulement sur le tractus digestif que retentit le régime alimentaire : il se manifeste dans toute la biologie de l’animal. Les espèces microphages sont souvent sédentaires et même sessiles. Dans de telles conditions, les organes locomoteurs régressent ou disparaissent, ou ne conservent qu’un rôle purement alimentaire. De la même façon, les organes des sens ont bien moins d’importance que pour des espèces prédatrices. Des organes chémorécepteurs, analysant la qualité chimique de l’eau, et des organes cutanés de la sensibilité générale suffisent pour assurer l’information indispensable. Musculature réduite et pauvreté des organes des sens ont entraîné une simplification du système nerveux, particulièrement nette dans le cas des Mollusques Lamellibranches. De plus, l’état sessile entraîne souvent la perte ou l’absence de symétrie bilatérale au profit d’une symétrie rayonnée, elle-même peu favorable à la concentration du système nerveux.