Eden (Anthony), comte d’Avon (suite)
En avril 1955, Churchill décide de se retirer de la vie politique, et Eden est tout naturellement appelé à lui succéder. Les premiers mois paraissent favorables : succès conservateur aux élections législatives de mai 1955, visite des leaders soviétiques N. Boulganine et N. Khrouchtchev qui amorce un dégel dans la guerre froide (avr. 1956). Mais bientôt une crise de confiance commence à se faire jour au sein du gouvernement et du parti conservateur. On reproche à Eden d’être un bon lieutenant mais un mauvais chef : capable comme ministre des Affaires étrangères, il n’aurait pas les qualités requises d’un Premier ministre. Diplomate habitué à éviter la précipitation, à laisser mûrir les négociations selon le principe wait and see, il n’ose guère décider ni trancher, il n’a pas appris que la politique intérieure exige promptitude du coup d’œil et rapidité d’exécution ; enfin, il s’empêtre dans les affaires mineures sans savoir les distinguer des affaires primordiales.
Mais c’est surtout la crise de Suez qui va se révéler fatale. Depuis que Eden avait négocié en 1954 l’évacuation des forces britanniques de la zone du canal, il s’était peu à peu formé du colonel Nasser l’image d’un dictateur sans scrupule à la manière de ceux auxquels il avait été affronté vingt ans auparavant. Fort de cette analyse politique contestable, rendu furieux par la nationalisation du canal le 26 juillet 1956, Eden s’embarque dans une opération diplomatico-militaire avec la France et l’État d’Israël, ce qui, après des semaines de préparation en grand secret, aboutit à une opération armée franco-britannique contre l’Égypte. En Grande-Bretagne, la controverse fait rage : Eden est accusé de bafouer la charte des Nations unies, de se brouiller avec le Commonwealth, d’aliéner les États-Unis et de susciter un danger de guerre mondiale, sans pour autant être capable de mener l’opération à son terme et de saisir des gages effectifs en Égypte. Le résultat est désastreux : les forces britanniques et françaises doivent se retirer sous la pression américano-soviétique et avec la condamnation de l’O. N. U. Échec national pour la Grande-Bretagne, c’est pour Eden un échec personnel cinglant. Sous le poids de la tension des semaines de crise et des échecs accumulés, sa santé craque. Le 9 janvier 1957, il démissionne et rentre dans la vie privée. Depuis lors, ses seules contributions ont consisté dans la publication de trois volumes de Mémoires : Full Circle (1960) couvre les années 1951-1957, Facing the Dictators (1962) et The Reckoning (1965) sont consacrés à l’avant-guerre et à la guerre. En outre, un volume d’essais, Towards Peace in Indochina, a été publié en 1966. En 1961, sir Anthony Eden (il avait été fait chevalier de la Jarretière en 1954) est élevé à la pairie et est devenu comte d’Avon.
F. B.
➙ Conservateur (parti) / Grande-Bretagne.
A. C. Johnson, Sir Anthony Eden (Londres, 1955). / W. R. Mogg, Sir Anthony Eden (Londres, 1956). / R. Churchill, The Rise and Fall of Sir Anthony Eden (Londres, 1959).