Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Edda (suite)

Þrymskviða est consacré au dieu Thor. Ce chant, qui avait pour but d’amuser, a survécu très longtemps dans la tradition populaire. L’histoire raconte qu’un géant (Þrymr) a dérobé le marteau de Thor. Il ne le rendra que s’il a la déesse Freyja pour épouse. Thor, déguisé en Freyja, se présente chez les géants. Durant le repas de noce, la fiancée engloutit une incroyable quantité de nourriture. Après une suite d’épisodes, Thor retrouve son marteau et assomme les convives. Quant au chant de Rígr (Rígsþula), il explique l’origine des classes sociales, des esclaves, des paysans et des nobles.

• Les chants héroïques. Une très grande partie des poèmes épiques est consacrée à la famille des Völsung et à l’histoire de Sigurd en particulier. Quelques-uns des héros des poèmes eddiques sont historiques, comme Gunnar (Gundahar) de Atlakviða, qui fut battu par les Huns d’Aetius vers 436. La légende de Sigurd le Völsung est née sur les rives du Rhin, mais son historicité est obscure. Sigurd est l’homologue du Siegfried du Nibelungenlied. Ces légendes ne se trouvent pas uniquement dans l’Edda poétique. Une saga, la Völsunga Saga, écrite au xiiie s., relate les mêmes légendes dans une version plus complète quoique plus récente. Les poèmes sur Sigurd peuvent être groupés en deux parties ; d’une part, les poèmes consacrés à sa jeunesse, une trilogie : Reginsmál, où il venge son père Sigmund ; Fáfnismál, où il tue le dragon, Fáfnir ; Sigrdrífomál, où il traverse le mur de flammes et délivre la Valkyrie Sigrdrífa (Brynhildr), piquée par l’épine du sommeil ; d’autre part, les poèmes consacrés à sa mort et à la lutte des deux femmes (Brynhildr et Guðrún) qui se battent pour lui. L’ensemble des poèmes héroïques peut être classé en trois catégories : les chants anciens et historiques (par exemple Atlakviða, Hlöðskviða [la Bataille des Huns], Hamðismál [la Mort de Jörmunrekkr, probablement le roi goth Hermonaric, mort vers 375] et Völundskviða [le Welund des Saxons]) ; les chants sur Helgi et la trilogie sur la jeunesse de Sigurd ; les chants sur sa mort et le destin des deux femmes qui l’aimaient. Une sombre et tragique grandeur se dégage de ces légendes dont le thème fondamental est l’action héroïque et l’homme qui se mesure à son destin. Sorti de la nuit germanique, le chant héroïque évoque les grandes scènes de son passé obscur et grandiose. L’importance de l’ancienne poésie eddique est capitale, car c’est la littérature nordique ancienne qui a conservé et transmis l’expression la plus riche et la plus complète de l’héritage païen germanique.

S. C.

➙ Épopée / Scandinaves (littératures).

 F. Jónsson, Den oldnordiske og oldislanske Litteraturs Histoirie (Copenhague, 1920). / G. Turville-Petre, Origins of Icelandic Literature (Oxford, 1953). / S. Einarsson, A History of Icelandic Literature (Baltimore, 1957). / M. Renauld-Krantz, Anthologie de la poésie nordique ancienne (Gallimard, 1964). / J. L. Borges, Antiguas literaturas germanicas (Buenos Aires, 1965 ; trad. fr. Essai sur les anciennes littératures germaniques, C. Bourgois, 1966). / R. Guichard, De la mythologie scandinave (Picard, 1971).

Eden (Anthony), comte d’Avon

Homme politique britannique (Windlestone Hall, Durham, 1897 - Alvediston, Wiltshire, 1977).


Issu d’une famille de la gentry qui s’est distinguée depuis le xviie s. au service de l’État, Anthony Eden entre dans la carrière politique en 1923 lorsqu’il est élu à vingt-six ans député conservateur de Warwick et Leamington, circonscription qu’il représente sans discontinuer jusqu’à 1957. La même année, il épouse la fille du propriétaire du Yorkshire Post (il se remariera en 1952 avec une nièce de Churchill). Il fait vite son chemin : de 1926 à 1929, secrétaire parlementaire de Austen Chamberlain*, qui dirige alors la diplomatie britannique ; en 1931, sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères ; lord du Sceau privé en 1934, et l’année suivante ministre chargé des questions de la Société des Nations. En décembre 1935, il succède à sir Samuel Hoare à la tête du Foreign Office, poste auquel il demeure jusqu’en février 1938. Face aux dictatures et à leurs méthodes de force (affaire d’Abyssinie, remilitarisation de la Rhénanie), Eden veut s’appuyer sur la S. D. N. et soutenir les principes de la sécurité collective. Non qu’il soit en désaccord fondamental avec la politique d’« apaisement » de Neville Chamberlain*, mais il souhaiterait plus de fermeté et moins de complaisance devant les menaces de Hitler et de Mussolini. Aussi, le fossé se creuse-t-il peu à peu entre le Premier ministre N. Chamberlain et le chef du Foreign Office : conflit de personnes autant que conflit de politique, Chamberlain ayant tendance à diriger la politique britannique par-dessus la tête de son ministre des Affaires étrangères, Eden se décide à démissionner le 20 février 1938.

À la déclaration de guerre, en septembre 1939, Eden revient au gouvernement, d’abord chargé des Dominions, puis de la Guerre. Il retrouve le Foreign Office en décembre 1940 et y reste jusqu’à la fin de la guerre, réussissant une collaboration fructueuse avec Churchill*. Anthony Eden multiplie les liens avec les États-Unis, renforce l’alliance russe, et sa francophilie l’aide à assouplir les relations avec de Gaulle. La naissance des Nations unies répond à sa vision — plus idéaliste que celle de Churchill — en matière de relations internationales.

Après les six années passées par les conservateurs dans l’opposition entre 1945 et 1951, Eden revient au Foreign Office dans le ministère formé par Churchill en octobre 1951 et dans lequel il est également adjoint au Premier ministre. Sa diplomatie conciliante et souple permet de résoudre honorablement plusieurs conflits internationaux. À cet égard, l’année 1954 marque l’apogée de la réputation de Eden, qui en quelques mois négocie avec l’Iran un accord restaurant les relations anciennes, joue un rôle de premier plan dans les accords de Genève mettant fin à la guerre d’Indochine, suggère un plan de défense en Europe à la place de la Communauté européenne de défense rejetée par la France. Ces succès, auxquels s’ajoutent les souvenirs des années d’avant-guerre, font de Eden le symbole d’un âge de la diplomatie britannique. Lui-même incarne par excellence le Foreign Office, ses traditions, ses méthodes, son subtil mélange de nonchalance, d’élégance et de fermeté. En lui se reconnaît le monde clos, mais cultivé et raffiné, des diplomates formés aux belles manières et aux rapports bien écrits, habiles à mener de front politique et vie mondaine.