Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Écosse (suite)

La naissance de la monarchie écossaise

En 843, les hasards dynastiques faisaient de Kenneth MacAlpin, roi des Scots, le nouveau roi des Pictes. Certes, il lui fallut de durs combats pour faire accepter son autorité par tous (843-850). Mais l’apparition d’un danger commun, à savoir les pirates scandinaves, facilitait la naissance d’une monarchie écossaise.


L’essor de la monarchie écossaise


Les débuts

Ils furent assez obscurs. Un système de succession très particulier (le roi étant remplacé à sa mort par son frère, son neveu ou son cousin, mais pas par son fils) évitait sans doute les minorités, mais il favorisait le développement de luttes interminables entre les différentes branches de la famille royale. L’assassinat devint une pratique politique des plus courantes. Cela n’empêcha pas la monarchie de s’affirmer, car plusieurs de ces rois eurent de vigoureuses personnalités, tel le célèbre Macbeth qui régna à partir de 1040.

Avec Malcolm III Canmore, parvenu au trône en assassinant Macbeth (1057), les influences anglaises allaient tempérer l’ardeur écossaise. Malcolm reçut en effet à sa cour le prétendant anglo-saxon au trône d’Angleterre, Edgar Aetheling, que Guillaume le Conquérant avait chassé de son pays. Il épousa sa sœur, Marguerite (qui sera canonisée au xiiie s.), et s’entoura de conseillers anglo-saxons. L’intervention des Normands en faveur des fils de Malcolm, auquel son frère avait succédé conformément à la coutume écossaise, devait amener au xiie s. l’Écosse à accepter la succession par primogéniture. Cette évolution fut significative d’un changement plus général : les coutumes anciennes, mal connues d’ailleurs, reculèrent peu à peu devant l’influence anglo-saxonne et normande, ne subsistant que dans le nord du pays, où quelques puissantes familles (comme les MacWilliams) freinèrent les progrès de la monarchie.


Les grands rois du xiie siècle

La fin de la dynastie normande en Angleterre et la période troublée de l’« interrègne » qui suivit permirent à l’Écosse d’affirmer sa grandeur.

• David Ier (roi de 1124 à 1153). Il réussit dès 1135 à acquérir Carlisle et sa région. Malgré sa défaite à la bataille de l’Étendard en 1138, il fit reconnaître au traité de Durham (1139) les droits de son fils au comté de Northumberland, portant ainsi les frontières de l’Écosse à leur limite la plus méridionale. En 1149, le roi d’Angleterre confirmait à la dynastie écossaise la possession du Northumberland, du Cumberland et du Westmorland.

• Malcolm IV (roi de 1153 à 1165). Petit-fils de David Ier, auquel il succéda, le faible Malcolm IV ne fut pas de taille à résister au jeune souverain anglais Henri II. Celui-ci, en 1157, récupéra toutes les terres concédées à Durham.

• Guillaume le Lion (roi de 1165 à 1214). Après une période de règne pacifique, pendant laquelle il consolida son pouvoir et explora les possibilités d’entente avec la France, il attaqua l’Angleterre en 1173 : mais, fait prisonnier en 1174, il dut reconnaître au traité de Falaise (déc. 1174) la supériorité d’Henri II, qui installa des garnisons anglaises dans les châteaux de Berwick, de Roxburgh et d’Édimbourg.

Son grand mérite fut de se remettre à l’œuvre. Malgré l’opposition de la papauté, celle du roi et celle de l’Église d’Angleterre, il réussit à garder l’Église d’Écosse sous son contrôle. Il fut présent au nord de l’Écosse, où les MacWilliams furent matés, et dans le Galloway, où les chefs locaux espéraient profiter de ses difficultés avec Henri II. Mais, en 1189, la mort du roi d’Angleterre lui permit de récolter le fruit de ses efforts : les Anglais évacuèrent les châteaux écossais et Richard Cœur de Lion, puis Jean sans Terre respectèrent sa puissance, sans pour autant accepter de lui rendre les comtés du nord de l’Angleterre. Jean, au contraire, fortifia la frontière : en 1209, Guillaume dut accepter à Norham un traité assez humiliant, encore qu’il ait obtenu la démolition de la forteresse de Tweedmouth, qui menaçait Berwick. En 1211, les MacWilliams menèrent dans le Nord un soulèvement encore plus terrible que ceux de 1179 et de 1187. Guillaume réprima lui-même la révolte (1212-13). Il laissa à sa mort un royaume pacifié, doté d’une solide organisation administrative et judiciaire, respecté par ses puissants voisins.

• Les rois du xiiie s. ne valurent pas leurs prédécesseurs. Alexandre II (roi de 1214 à 1249) réussit cependant à faire fixer la frontière de façon nette (traité d’York, 1237), et à part quelques troubles pendant la minorité d’Alexandre III (roi de 1249 à 1286), l’ordre fut maintenu : l’héritage de David Ier et de Guillaume était conservé.


L’Écosse féodale

Il serait pourtant vain de voir en cette période d’apogée politique de l’Écosse une période d’affirmation de l’originalité écossaise. Tout au contraire, on a pu dire que les progrès de la monarchie écossaise représentaient « une conquête normande pacifique ». Les rois avaient en effet introduit les pratiques féodales qui leur permettaient de disposer plus facilement de troupes : ils mirent sur pied tout un réseau de fiefs de chevaliers, d’abord au sud du Firth, puis, sous Guillaume au nord.

Eux-mêmes parlaient français et étaient entourés de chevaliers et d’évêques normands. Les grands officiers de la Couronne, les justiciers, les vicomtes (bientôt appelés sheriffs comme en Angleterre) appuyés sur les châteaux royaux donnaient à l’administration et au gouvernement du pays une allure très comparable à celle de l’Angleterre angevine. Au reste, la féodalité n’effaçait pas complètement le substrat celtique : elle se superposait au système des clans sans le faire disparaître. La physionomie du pays se transforma cependant profondément : les villes qui bénéficiaient de la protection royale (les burghs) naquirent et se développèrent. Le clergé culdéen (culdee) de tradition irlandaise disparut, tandis que le roi et l’aristocratie normande favorisaient les fondations d’établissements de chanoines augustins (Saint Andrews, Saint Serf’s), cisterciens ou clunistes. Sans parvenir à disposer d’un archevêché, l’Église d’Écosse s’affranchit de la tutelle anglaise.