Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

économique (science) (suite)

À la statique, on oppose évidemment la dynamique, qui étudie les relations entre variables au cours des temps, étant donné qu’on ne saurait admettre que toutes les variables ont le même taux de changement et que, de plus, le taux de chacune demeure identique. Très schématiquement, le principe de la dynamique réside en ce que les taux de variation des variables sont changeants au cours du temps.

Il faut remarquer que ces deux types d’analyses sont complémentaires, et cela pour plusieurs raisons. L’analyse statique réalise une sorte de photographie de l’activité économique et examine celle-ci à loisir, comme immobilisée en un instant de repos. Elle permet donc une connaissance des mécanismes élémentaires, une recension de leurs éléments ; mais les indications qu’elle livre sur le fonctionnement de l’économie n’ont qu’une portée limitée, car l’élimination du facteur temps restreint le champ d’observation. Au contraire, l’analyse dynamique livre des renseignements beaucoup plus précieux et plus proches de la réalité, car, si l’activité économique tend vers l’équilibre de certains éléments fondamentaux, sa caractéristique naturelle demeure le mouvement et non la stabilité. Ce type d’analyse est donc le seul qui puisse donner une vue complète de la réalité économique. Mais l’analyse dynamique est, en l’état actuel de la science, fort difficile à conduire ; l’analyse statique se présente donc à certains auteurs comme une démarche préalable indispensable, permettant d’accéder ultérieurement à la dynamique. C’est ainsi que John Bates Clark (1847-1938) construit en premier lieu une statique à laquelle il ajoute ensuite des éléments changeants pour accéder à une dynamique partielle. De son côté, J. Schumpeter se donne d’abord une représentation du circuit (statique) sur laquelle il pourra construire les éléments de l’évolution (dynamique). Ce que l’on a appelé la statique comparative, c’est-à-dire une explication d’équilibres successifs réalisés dans le cadre de périodes séparées, peut être aussi considéré comme une tentative de dynamisation partielle d’un schéma statique dont on reconnaît les insuffisances.

Néanmoins, la distinction doit être soigneusement maintenue. En effet, la statique a en soi une valeur scientifique et surtout une valeur pédagogique incontestable. D’un autre côté, il est possible de considérer l’analyse statique comme constituant une démarche préparatoire à l’analyse dynamique. Enfin, le passage de la statique à la dynamique ne saurait être réalisé d’une manière satisfaisante en introduisant simplement quelques éléments dynamiques dans un schéma demeurant statique au principal, ni en dynamisant un modèle statique en le situant tel quel dans des conditions de temps psychologique ou mécanique, pour noter quelles modifications interviennent dans les relations. Un passage correct doit être effectué en considérant que la statique livre un « certain état des relations économiques fondamentales », constituant un repérage et permettant un inventaire des données et des variables. Pour accéder à la dynamique, il convient de considérer dès le départ que cet état des relations est aux prises avec les conséquences des changements intervenant dans le taux de variation des variables. En fait, une dynamique correcte doit être construite directement, en utilisant certains enseignements fournis par l’analyse statique, mais sans utiliser l’artifice de la dynamisation d’un modèle statique. Cette tâche est encore très difficilement réalisable.

• Tous ces perfectionnements contemporains de l’analyse économique n’ont pas, pour autant, provoqué l’abandon d’un courant traditionnel de vision des phénomènes économiques, tradition, d’ailleurs, souvent qualifiée d’« école néo-classique ou néo-libérale ».

Comme les libéraux du xixe s., les néo-libéraux admettent comme système économique l’économie de marché concurrentielle régie par le mécanisme des prix. Cependant, alors que ces mêmes libéraux rejetaient toute forme d’intervention de l’État, ils admettent que certaines formes d’intervention sont non seulement salutaires, mais également nécessaires (système du libéralisme institutionnel de Jacques Léon Rueff [né en 1896]). Selon eux, la concurrence n’est pas l’effet spontané des intérêts personnels jouant dans un régime de laisser-faire, et la distribution des richesses, résultant de la libre concurrence, dans les conditions actuelles de la propriété, n’est pas la meilleure qui puisse être conçue. Les pouvoirs publics doivent intervenir pour donner à l’économie du marché toute son efficacité et lui permettre d’être sociale.

Mais les néo-libéraux — et c’est en quoi ils diffèrent radicalement des dirigistes — n’admettent que les interventions compatibles avec le libre mécanisme des prix. Par exemple, la concurrence ne résulte pas nécessairement de l’économie de marché : les producteurs peuvent trouver plus commode de s’entendre que de se faire réellement concurrence ; les syndicats ouvriers peuvent constituer de véritables féodalités dans l’État. On ne peut rétablir les conditions de la libre concurrence que par une législation antitrust et une réglementation syndicale, empêchant le closed shop et limitant le droit de grève. De même, pour être socialement efficace, la libre concurrence postule la stabilité monétaire. En période d’inflation ou de déflation rapides, les prix cessent de remplir leur rôle régulateur et n’assurent pas l’élimination des moins aptes : les bénéfices ne sont plus la récompense de l’aptitude des producteurs à bien servir les besoins du public ; les pertes ne sont plus la sanction des erreurs et des fautes. Pour garantir la neutralité de la monnaie et, par suite, la stabilité relative des prix, l’organisation bancaire et la politique du crédit doivent être réglementées, et le budget équilibré. Enfin, dans le domaine de la répartition des revenus et des richesses, les néo-libéraux ne condamnent pas non plus automatiquement l’intervention de l’État. La répartition des richesses, à une époque donnée, ne correspond pas automatiquement à l’aménagement optimal de la production, de la distribution et de l’utilisation des richesses. Les pouvoirs publics peuvent intervenir en vue de réaliser un meilleur rendement social, mais sous la condition de sauvegarder l’économie du marché, c’est-à-dire de ne tolérer que les modes d’intervention compatibles avec le mécanisme des prix. Ils peuvent agir sur les facteurs qui déterminent les prix et sur leurs effets, mais pas sur les prix eux-mêmes.