Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

économique (science) (suite)

L’époque contemporaine

On observe à l’époque contemporaine de nombreux efforts d’approfondissement, qui se sont traduits par un important renouvellement théorique. Cinq voies d’approfondissement et de rénovation peuvent être repérées. À côté d’une analyse micro-économique s’est élaborée une analyse macro-économique.

L’analyse micro-économique s’attache à l’étude d’un phénomène particulier, considéré comme représentatif, et généralise les enseignements obtenus à l’ensemble des phénomènes. Ce sont les phénomènes d’ordre individuel qui sont pris en considération : on étudie le comportement individuel, le prix d’un bien sur un marché, le fonctionnement d’une entreprise. Le fondement de l’analyse est donc ce qui peut être considéré comme la plus petite cellule constitutive de la collectivité économique, le sujet économique concret. De cette étude d’une des cellules, il est possible de déduire les règles qui seront valables pour l’ensemble.

L’exemple d’analyse micro-économique a été fourni par l’école marginaliste. Avec cette dernière, la science économique est entièrement fondée sur le comportement individuel : du consommateur, qui exprime une demande de biens de consommation par l’intermédiaire d’un calcul économique rationnel ; de l’entrepreneur, qui recherche des facteurs de production afin de mener à bonne fin son programme de production et d’investissement ainsi que des débouchés rentables pour les produits obtenus ; du salarié, qui essaie d’obtenir un revenu sous la forme la plus rémunératrice ; du prêteur de capital monétaire ; du propriétaire de biens immobiliers enfin.

L’analyse micro-économique consiste donc en l’étude du comportement individuel, très schématisé, et en celle des décisions de l’individu devant le problème de la rareté des biens par rapport à la multiplicité des besoins. La vie économique est ainsi expliquée par une somme d’activités individuelles. Mais les vues de ce genre ne sont guère recherchées ; c’est à une généralisation d’observations particulières que l’on procède ici et non à la sommation des résultats particuliers. Traditionnellement, l’analyse micro-économique constitue l’essentiel de l’enseignement d’initiation du premier cycle de sciences économiques dans les universités. Par ailleurs, dans les business schools américaines ou dans les écoles commerciales européennes, l’analyse micro-économique se confond, de façon arbitraire, avec l’économie d’entreprise.

Quant à l’analyse macro-économique, elle cherche à expliquer la vie économique par un ajustement de quantités globales et à découvrir les relations caractéristiques entre ces quantités. Avec ce type d’analyse, ce sont les comportements d’ensemble qui sont pris en considération en tant que phénomènes globaux d’une nature propre, constituant une unité phénoménale. L’analyse macro-économique étudie le comportement de l’économie globale considérée comme un tout et non comme une sommation de comportements individuels. Ses catégories fondamentales sont le revenu national, le volume de l’investissement, de l’épargne, de la dépense, de la consommation, de l’emploi, etc., toujours considérés globalement pour l’ensemble de l’économie nationale. Ce sont ces grandeurs collectives, faites ou non de comportements individuels, sur lesquelles portera l’analyse. Certes, ces grandes catégories devront être elles-mêmes subdivisées, mais ces subdivisions seront opérées suivant la même optique, sous le même angle quantitatif et collectif. C’est ainsi que la demande globale ou totale se subdivisera en demande de biens de consommation et en demande de biens de capitaux, la demande de biens de consommation en demande de biens de consommation courante et en demande de biens de consommation durable. Ces subdivisions sont toujours opérées en fonction de la nature des emplois et non pas en fonction des mobiles individuels qui ont pu inspirer ces emplois. En bref, la macroéconomie prend pour base de son étude les liaisons qui existent entre les composantes de la vie économique, elle cherche à découvrir ce qui peut en résulter pour les autres lorsqu’une des composantes varie et lorsqu’on passe de l’étude purement scientifique à la politique économique et elle tend à influencer le déroulement de la conjoncture en agissant massivement sur une des composantes.

Il serait faux de croire que l’analyse macro-économique est d’usage récent. Elle a connu sans doute, depuis la publication de la théorie générale de Keynes, un grand développement. Mais elle fut utilisée par les premiers classiques et, avant eux, par Quesnay, dont le Tableau économique expose la circulation des flux globaux. Par la suite, la loi des débouchés de J.-B. Say, la loi de la population de Malthus, la théorie du fonds des salaires, la loi des coûts comparés, la théorie quantitative de la monnaie procèdent d’analyses globales. Sur le plan de l’enseignement, l’analyse macro-économique fait l’objet de cours spécialisés (croissance économique, planification, comptabilité nationale, fluctuations économiques, etc.).

Il faut remarquer que les deux types d’analyses sont complémentaires, car l’objet propre de chacun d’eux donne un aspect partiel des phénomènes économiques ; pour saisir ceux-ci dans leur intégralité, il convient de disposer de ces deux modes d’approche.

Ainsi, l’analyse micro-économique révèle les ressorts du comportement individuel, mais ne fournit aucune indication sur le comportement des groupes économiques et sociaux ou sur la conduite économique de l’État. Par contre, si la macro-économie donne des éléments précieux sur les décisions de l’autorité publique et sur leurs conséquences, si elle établit des relations évaluables entre quantités globales, elle reste muette sur le calcul économique de l’individu ou sur ses réactions psychologiques personnelles. Mais, mettant l’accent sur les comportements globaux, elle souligne ce qui est imputable au groupe et ce qu’il peut y avoir d’irrationnel dans les comportements individuels. Par ailleurs, si le domaine de l’analyse micro-économique est celui des relations logiquement nécessaires où le choix individuel devient le premier maillon d’une chaîne causale, le domaine de l’analyse macro-économique est celui des interrelations entre quantités globales pouvant s’exprimer sous forme comptable. Les deux types d’analyses sont ainsi destinés à se compléter, chacun livrant un aspect particulier de la réalité.