Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E
E

eau

Substance naturelle, liquide à la température de la plupart des régions de la terre, et remarquable à tous égards, tant par son extrême abondance à la surface du Globe (elle constitue la masse essentielle des océans) que par ses propriétés physiques et chimiques exceptionnelles et son haut pouvoir solvant, qui font d’elle le milieu indispensable à toute vie cellulaire active.
L’eau (comme l’air) a joué un rôle majeur dans la conception de la matière par l’homme. Ce fut un des quatre « éléments » d’Empédocle, vulgarisés par Aristote et repris par Platon.
Bien que Paracelse (v. 1493-1541) ait préféré les éléments alchimiques, soufre et mercure, en y adjoignant le « sel », on se référait encore aux éléments aristotéliciens au xviie s.
C’est seulement Lavoisier, en 1785, qui montra que l’eau est une combinaison d’hydrogène et d’oxygène, ce qui concluait clairement l’interprétation d’une série d’expériences entreprises aussi depuis quelques années par Priestley, Warltire et Cavendish. Par la suite, Berzelius*, Dulong (1819), Dumas* et Stas (1842) précisèrent cette composition.


Propriétés physiques et chimiques


Propriétés physiques

L’importance de l’eau tient à ses propriétés physiques, qui la rangent presque toujours dans les catégories extrêmes. Sa chaleur massique à l’état liquide est très forte, cependant que sa conductibilité thermique est également exceptionnelle. Sa chaleur de vaporisation, comme sa chaleur de fusion, lorsque l’eau est à l’état solide, sont exceptionnellement élevées. Cela lui donne un rôle de régulateur thermique important, à l’échelon planétaire comme à celui des êtres vivants.

Aux températures qui règnent le plus fréquemment à la surface de la Terre, l’eau est à l’état liquide. À l’état de vapeur, elle est pure ; c’est aussi fréquemment le cas de la glace. Il en va autrement lorsqu’elle est à l’état liquide : sa constante diélectrique est plus élevée que celle de toute autre substance, ce qui explique que les matières dissoutes dans l’eau tendent à y rester en solution ; l’eau est donc un agent de transport remarquable pour la plupart des substances.

L’eau possède enfin une tension superficielle supérieure à celle de tous les liquides connus : cela explique que, dans un système de conduits capillaires, comme le sol, le volume d’eau qui peut être emmagasiné est plus grand que celui qui pourrait l’être pour tout autre liquide.


Formule et structure moléculaires

L’eau a pour formule H2O. La molécule est triangulaire ; la neige est formée de fins cristaux de glace. Dans la glace, toute molécule s’unit à quatre molécules voisines par quatre liaisons hydrogène ; deux de ces liaisons aboutissent à l’atome d’oxygène et deux autres sont respectivement assurées par les deux atomes d’hydrogène de la molécule initiale avec deux atomes d’oxygène de deux autres molécules proches. La structure peu compacte ainsi réalisée est constituée de tétraèdres d’atomes d’oxygène centrés par un cinquième atome d’oxygène ; cette structure lacunaire entraîne une densité plus faible pour la glace que pour l’eau liquide ; à l’état liquide comme à l’état solide, les molécules d’eau sont associées par des liaisons hydrogène.

Il en résulte que l’eau est liquide sous une pression d’une atmosphère à la température ordinaire, alors que, sous cette pression et à cette température, les dérivés hydrogénés homologues sont tous gazeux :
teN (température normale d’ébullition)
H2S : – 60,7 °C
H2Se : – 41,7 °C
H2Te : – 1,8 °C.
On appelle eau lourde la variété isotopique de l’eau dans laquelle l’hydrogène n’est formé que d’atomes de deutérium, d’où son symbole2H2O ou D2O.


Eau pure et eaux naturelles

L’eau est faiblement ionisée, même à l’état le plus pur, selon l’équilibre suivant :
2 H2O ⇄ OH + H3O+,
ΔH = + 13,7 kcal,
et on a
H+ (proton) + H2O → H3O+,
ΔH ≃ – 290 kcal.

D’où il résulte qu’à toute température, dans l’eau, on a (a désignant l’activité)

Cette ionisation croît avec la température.

K est appelé produit ionique de l’eau :
K18 °C = 0,6.10–14 ;
K25 °C = 10–14 ;
K100 °C = 50.10–14.

On appelle pH le cologarithme de l’activité de l’ion oxonium H3O+, qui est en réalité le proton monohydraté et plus communément appelé ion hydrogène. Le proton est d’ailleurs capable de se solvater dans des solvants non aqueux, et on a caractérisé dans des milieux convenables des cations définis tels que CH3OH2+ (méthyloxonium).

À haute température, à l’état de vapeur, l’eau se dissocie en ses constituants selon la réaction :

(à 1 700 °K, 0,1 p. 100 d’eau est dissociée sous une atmosphère ; à 2 500 °K, 4,5 p. 100 ; à 3 100 °K, 13 p. 100).

L’eau a un pouvoir solvant considérable, et ce liquide est d’une haute importance pour la vie et l’industrie humaine. De très nombreux sels, les acides, des hydroxydes, des substances organiques à molécules polaires en particulier ont une solubilité importante dans l’eau.

En conséquence de ce pouvoir solvant, l’eau naturelle des rivières et des océans contient toujours une certaine quantité de matières dissoutes, en particulier des sels (l’eau de pluie est à peu près aussi pure que l’eau distillée, mais elle contient quelques gaz dissous).

En moyenne, l’eau de mer contient 3,6 p. 100 de solides dissous, essentiellement des sels, et 2,6 p. 100 de l’eau de mer sont formés du seul chlorure de sodium.

Les eaux de source contiennent des carbonates acides de calcium et de magnésium, des matières organiques ainsi que, parfois, des sulfates de magnésium et de calcium et des chlorures.

La « dureté » d’une eau caractérise sa teneur en sels ; elle est exprimée en degrés hydrotimétriques représentant les parties pour 100 000 de carbonate de calcium équivalant aux sels de calcium et de magnésium présents. Une eau « douce » a moins de 10°, une eau moyennement dure de 10° à 20°, une eau dure de 20° à 30°, et une eau très dure plus de 30°.

Ces sels donneraient naissance à des dépôts dans les chaudières alimentées par une eau qui n’aurait pas été suffisamment « adoucie ». Ce sont aussi ces sels qui donnent naissance aux dépôts formant les stalactites et stalagmites (v. carbone).

Il existe des eaux dites « minérales », « thermales » ou « thermo-minérales » qui contiennent des substances rares inexistantes dans les eaux naturelles banales. Ces eaux trouvent souvent un usage médical (v. thermalisme).