Duquesne (Abraham, marquis) (suite)
Après être passé quelque temps au service de la Suède, il revient en France, où il est promu chef d’escadre (1647), puis lieutenant général des armées navales (1667). Durant la guerre de Hollande, il s’illustre particulièrement dans les parages de la Sicile, où il remporte les grandes victoires du Stromboli le 11 février 1675, d’Alicudi le 8 janvier 1676 et d’Augusta le 22 avril (où M. A. de Ruyter est tué) sur les Hollandais, puis celle de Palerme le 2 juin sur la flotte espagnole. Après ces succès, il peut être considéré comme le plus grand marin de son temps ; sa réputation souffrit cependant de son caractère maussade et quelquefois détestable : il se plaisait à contrecarrer Colbert et se faisait un malin plaisir de discuter ses ordres avant de les exécuter. Très attaché à l’argent, mais calviniste convaincu, il refusa d’abjurer sa religion malgré son désir d’être vice-amiral, et peut-être maréchal de France. Duquesne possédait avant tout les qualités d’un grand chef de mer. Bon organisateur, marin d’expérience, il avait au combat un jugement prompt et sûr, un esprit de décision remarquable, une tactique essentiellement offensive. Fier de ses prérogatives, mais plein de bon sens, il était étranger à l’intrigue. À la révocation de l’édit de Nantes (1685), refusant toujours d’abjurer, il est toutefois nommément exclu des listes de bannissement, preuve de l’estime de Louis XIV pour l’intraitable huguenot. Les libéralités du roi à son égard avaient d’ailleurs été considérables : plus de 20 000 livres par an pour sa table, 200 000 livres accordées pour l’achat de la terre du Bouchet, érigée en marquisat par le roi en 1681. La fin de la carrière de Duquesne, marquée par ses expéditions contre les barbaresques à Tripoli (1681) et à Alger (1682 et 1683), est assombrie par des rivalités quelque peu mesquines avec Tourville. Toujours fidèle à son devoir de lieutenant général des armées navales, Duquesne servit pendant cinquante-sept ans la Marine royale et eut le mérite de former de dignes successeurs, parmi lesquels François Louis Château-Renault (1637-1716), Alain Emmanuel Coëtlogon (1646-1730), Tourville*, Philippe Le Valois marquis de Villette-Mursay (1632-1707), qui défendront chèrement la maîtrise de la mer que leur disputeront les Anglais.
Il mourut d’apoplexie à soixante-dix-huit ans ; l’aîné de ses trois fils, Henri Duquesne (1652-1722), qui avait servi sous ses ordres en escadre aux batailles du Stromboli et de Palerme, dut se retirer en Suisse, où il fut baron d’Aubonne et créateur de l’arsenal de Morges.
A. L.