Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dunoyer de Segonzac (André) (suite)

De 1922 à 1926, il exécute des scènes de canotage et des nus en plein air, et illustre le Tableau de la boxe de Tristan Bernard, la Boule de Gui et le Cabaret de la belle femme de Roland Dorgelès. Il exécute à l’eau-forte un portrait de Colette, avant d’illustrer, de celle-ci, la Treille muscate (1930). Il obtient en 1933 le prix Carnegie et en 1934 le grand prix de peinture à la Biennale internationale de Venise ; il illustre, de Virgile, les Géorgiques (1928-1946), qu’il situe dans des paysages de Provence. À partir de 1940, il commence à produire de grandes aquarelles. Il est élu en 1947 à la Royal Academy et en 1948 à l’Académie royale de Belgique.

Son œuvre a pu être comparée à une composition musicale : allegro vivace, les dessins et les gravures ; andante, les aquarelles ; largo, les peintures. Il existe un musée Dunoyer de Segonzac à Boussy-Saint-Antoine, et l’artiste est représenté au musée national d’Art moderne, au musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, au musée de l’Annonciade à Saint-Tropez, ainsi qu’à l’étranger.

M. G.

 P. Jamot, André Dunoyer de Segonzac (Floury, 1941). / M. Gauthier, Dunoyer de Segonzac (les Gémeaux, 1949). / C. Roger-Marx, Dunoyer de Segonzac (Cailler, Genève, 1952). / A. Lioré et P. Cailler, Catalogue de l’œuvre gravé de Dunoyer de Segonzac (Cailler, Genève, 1960-1971 ; 8 vol.). / Dunoyer de Segonzac, dessins (Cailler, Genève, 1970). / H. Hugault, Dunoyer de Segonzac (Bibl. des arts, 1973). / R. Passeron, les Aquarelles de Dunoyer de Segonzac (Bibl. des arts, 1976).

Duns Scot (John)

Philosophe et théologien écossais (Duns, Écosse, v. 1266 - Cologne 1308).


Il entra dans l’ordre de Saint-François vers 1280. Après avoir enseigné la théologie à Oxford et à Paris, il refusa, le 25 juin 1303, de souscrire à l’appel de Philippe le Bel contre Boniface VIII et dut quitter la France pour Oxford, où il enseigna sous Guillaume de Ware. Revenu cependant à Paris en 1304, il y enseigna quelques mois, en 1306-07, avant d’être nommé à Cologne.


Les œuvres

Les écrits de Duns Scot, recueillis par ses disciples, ont subi retouches, additions et compléments de toutes sortes. Une édition critique a été entreprise de nos jours à Quaracchi et à Rome (sous la direction de Charles Balić) pour retrouver l’œuvre authentique de Duns Scot. Le Cours d’Oxford (Ordinatio, communément appelée Opus oxoniense) est l’ouvrage le plus considérable, celui auquel se réfère habituellement l’école scolastique ; il s’agit d’un commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard. Le Cours de Paris (Reportata parisiensia), moins connu et partiellement édité seulement, est d’un abord plus facile. Des questions disputées (collationes) à Oxford et à Paris viennent compléter ces deux ouvrages principaux. À Cologne, Duns Scot rédigea enfin l’opuscule Du premier principe de toutes choses (De primo principio), consacré à la démonstration de l’existence de Dieu, considéré jusqu’ici comme remanié, mais tenu aujourd’hui pour authentique. Les autres œuvres sont apocryphes.

Pour comprendre la pensée de celui qu’on appelle le « Docteur subtil », on se souviendra qu’au moment où il enseignait Thomas d’Aquin n’était aucunement devenu le maître officiel. Au contraire, certaines thèses thomistes, mêlées à des propositions averroïstes, avaient été condamnées en 1277 par l’évêque de Paris et l’archevêque de Canterbury.

La pensée de Duns Scot est mue non pas par le propos de s’opposer à celle de Thomas d’Aquin, mais plutôt par la volonté de retrouver une synthèse traditionnelle qui fasse place aux décisions libres et imprévisibles du Tout-Puissant, et qui, ainsi, soit plus conforme à la vérité manifestée par la Révélation. Philosophe, Duns Scot le fut, certes, mais, plus que Thomas d’Aquin, il voulut l’être en théologien. Il posa ainsi, plus que son prédécesseur peut-être, le problème du statut de la philosophie chrétienne.


La métaphysique de Scot

C’est une métaphysique non seulement de l’être, mais aussi de la transcendance : le concept d’être englobe pour Scot tout être et culmine dans l’être infini, positif et absolu qu’est Dieu. Il n’y a pas, comme pour Thomas d’Aquin, analogie de l’être : l’être est conçu plutôt comme univoque, en vertu d’une vision unifiante qu’on peut estimer plus théologique que philosophique. Si Scot s’appuie sur Avicenne plutôt que sur Averroès, c’est parce qu’Avicenne, selon lui, a mieux compris qu’Aristote la notion de premier être, grâce à son idée de la création et à sa formation coranique. Averroès tenait, par fidélité à Aristote, que l’objet propre de la métaphysique se trouve dans l’ordre physique : le moteur immobile — thèse acceptée par Thomas d’Aquin dans la prima via.

Scot revient à la position d’Avicenne, qui considère la métaphysique comme au-delà du sensible, comme la science de l’étant, qui remonte d’elle-même à l’étant premier sans s’appuyer sur des arguments contingents, puisque le monde contingent aurait pu ne pas être. Ce regard sur l’être s’appuie certes sur la foi, mais, pour Scot, il est proprement philosophique. Il est sans doute dans le statut présent un regard imparfait, qui ne peut prétendre être absolument spéculatif, mais il atteint réellement son objet, car la démarche par laquelle il est perçu est pour Scot non point du subjectivisme, mais un véritable réalisme de la connaissance.

Cette métaphysique se distingue de celle de Thomas d’Aquin en ceci que l’existence n’intervient plus comme un attribut ajouté du dehors à l’essence. La distinction d’essence et d’être n’est plus située dans l’être physique, bien qu’elle ait toujours son fondement dans la chose elle-même. La métaphysique de Duns Scot est davantage tournée vers le possible ; elle considère l’« existible », tout ce qui est comme tout ce qui peut être ; elle porte donc davantage sur la réalité commune à tout ce qui est ou peut être plutôt que sur l’être tel, contingent. Ainsi la réalité intelligible n’est-elle ni une idée ni la chose elle-même, mais le substrat de tous les transcendants (l’un, le vrai, le bien ; le fini et l’infini, le nécessaire et le contingent ; les perfections modales). Cependant, la saisie de l’étant ne serait saisie d’emblée comme nécessaire que si tout ce qui est était nécessaire. Comme tel n’est pas le cas, l’étant a besoin de l’existence concrète pour devenir. Ainsi apparaît le réalisme foncier de la pensée de Scot, qui n’a pas toujours été reconnu.