Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dubrovnik (suite)

Le passé économique

Par sa situation géographique, Dubrovnik s’est trouvée tournée vers la mer et le commerce dès le xie s. Elle se donne, parmi les premières villes d’Europe, une organisation sanitaire dès la fin du xiiie s. : système de canalisations (1296), service médical (1301), établissement de la première pharmacie (1317). Au xve s., la ville a 5 500 habitants, et la république 28 000. La base économique est l’activité manufacturière : chantiers navals, fonderie de cloches et de canons, peausseries, savonneries, tissage, bijouterie, reliure. Aux xvie et xviie s., la république est à son apogée, ayant obtenu des Turcs la liberté de mouvement dans les Balkans. Elle devient un des principaux centres commerciaux de la Méditerranée, ce dont témoigne son réseau de 150 consulats. Un tremblement de terre qui détruit la ville en 1667 marque aussi le début de son déclin.


L’art

Dubrovnik se présente aujourd’hui comme un tout urbanistique et architectural. Elle a été reconstruite plusieurs fois, toujours d’une façon rationnelle et sur des plans définis à l’avance, à l’intérieur de murailles qui, dans leur tracé actuel, ont été élevées à partir des xiie-xiiie s. et constamment renforcées jusqu’au milieu du xviie s. Cette enceinte, percée de quatre portes, a 22 m de haut et 1 940 m de tour. La ville présente encore, malgré le séisme de 1667, des monuments de toutes les époques et de tous les styles, excepté le byzantin, qui n’y a jamais été représenté : chapelles préromanes ; couvents franciscain et dominicain romano-gothiques ; fontaines et palais gothico-renaissants ou renaissants, notamment le palais des Recteurs (actuellement musée) et le palais Sponza, qui abritait les douanes et qu’on appelle encore, de ce fait, Divona ; palais, cathédrale et église Saint-Blaise, enfin, d’époque baroque.

Dubrovnik est, dans son essence, une cité à la fois croate et européenne. Y ont travaillé des architectes et sculpteurs italiens — parmi lesquels Michelozzo, Onofrio della Cava, Salvi di Michiele —, croates — comme Georges le Dalmate, Nićifor Ranjina, Pripko Radončić —, albanais, tel Miho Brajkov de Bar. Églises et palais abritent des toiles de Titien, de Palma le Vieux, du Parmesan, de Vasari, du Pordenone, ainsi que des peintres croates de l’« école de Dubrovnik » : Nikola Božidarević († 1517), Dobrić Dobrićević (v. 1450-1528), Mihajlo Hamzić.


Les lettres

La langue de l’administration était l’italien, celles des lettres étant le latin et le croate. À Dubrovnik est née la littérature moderne croate avec les poètes trouvères des xve-xvie s., mais les noms les plus illustres, et toujours vivants, sont ceux de l’auteur de comédies Marin Držić (1508-1567), du poète lyrique Ivan Gundulić (v. 1589-1638) et du philosophe et mathématicien Rudjer Bošković (Boscovitch) [1711-1787].

A. Z.

➙ Croatie / Yougoslavie.

 B. Krekić, Dubrovnik (Raguse) et le Levant au Moyen Âge (Mouton, 1961).

Dubuffet (Jean)

Peintre français (Le Havre, 1901).


Il entre en 1908 au lycée de sa ville natale, où il a pour condisciples Georges Limbour, Armand Salacrou et Raymond Queneau. Son goût très marqué pour le dessin le fait s’inscrire en 1916 à l’école des beaux-arts du Havre ; en 1918, il arrive à Paris, où il suit pendant six mois les cours de l’académie Julian. Vient ensuite une période d’isolement : il peint, mais il est également sollicité par la littérature, la musique, l’étude des langues. Et déjà s’amorcent ses difficultés avec la culture : le boucher et le facteur lui semblent « tourner rudement plus rond » que lui.

En 1925, il entre dans l’affaire paternelle, un négoce de vin. C’est le début d’une période de sa vie où il est écartelé entre une activité professionnelle qui lui déplaît et son attirance pour la peinture. En 1930, il fonde un commerce de vins en gros à Bercy. Ce n’est qu’en 1942 qu’il décide de se consacrer entièrement à ses désirs de création : l’événement est marqué par une lettre circulaire, très réjouissante par son impertinence et son humour.

La production de Dubuffet n’a pas cessé depuis, aussi impressionnante par son volume et sa variété que celle de Picasso. Elle comprend des peintures à l’huile ou au vinyle, mais aussi avec intégration des matériaux les plus variés : sable, goudron, boues, ailes de papillon ; les couleurs sont appliquées tantôt en couches minces, tantôt avec d’énormes empâtements, et reprises par incisions, inclusions, grattages, empreintes, pulvérisations, collages. En résultent des personnages, Portraits, Corps de dames, Barbes, etc., ou des plongées dans les sols et les matières : Sols et terrains, Texturologies et Matériologies des années 50. Parallèlement, des gouaches, des dessins, des lithographies... Pendant les années 60, les sculptures, rares jusque-là, deviennent plus nombreuses et plus importantes, créant, au moyen de résines synthétiques, un univers parallèle d’objets géants, désaxés et parés de vives couleurs, se rattachant aux grandes peintures du cycle de l’Hourloupe. Enfin, depuis 1967 environ, c’est à une échelle monumentale que s’exerce l’activité de Dubuffet, avec des édifices étranges et poétiques qui unissent la sculpture et l’architecture (le Cabinet logologique, Villa Falbala, etc.).

Création très diverse du point de vue des formes élaborées, des techniques employées, mais qui ne suffit pas encore à Dubuffet : toute une œuvre écrite suit du même pas, commente, critique, voire même récuse ce qui est amené au jour par l’artiste, et constitue en même temps une autobiographie des plus fascinantes. Textes d’une verve, d’une vivacité, d’une lucidité parfois féroces qui leur donnent une saveur inimitable. Dubuffet a toujours eu, en effet, une attirance très forte pour l’expression littéraire ; de nombreuses amitiés — même si elles furent parfois de courte durée — peuvent en témoigner, ainsi que la liste de ses portraits de 1947, parmi lesquels on trouve André Dhôtel, Francis Ponge, Jean Paulhan, Paul Léautaud, Antonin Artaud...