Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dublin (suite)

Au-delà des canaux s’étalent les monotones faubourgs victoriens et contemporains, bourgeois surtout au sud, ouvriers au nord. Les petits immeubles locatifs s’y mêlent aux maisons isolées ou jumelles, souvent entourées d’un jardinet. Le secteur est des faubourgs se distingue par ses entrepôts et ses sombres ateliers groupés à proximité des quais. Le port est ouvert à la marée ; deux longues jetées — South Wall au sud, Bull Wall au nord, qui recoupe le cordon littoral de Bull Island — rétrécissent le courant de reflux et l’obligent à creuser un chenal navigable d’une profondeur minimale de 6 m à marée basse. Le trafic portuaire est modeste : exportation de bétail sur pied, de produits de l’élevage national (bacon, beurre, œufs, quartiers de viande, etc.), de bière noire (stout) ; importation de charbon, de bois, de produits pétroliers et d’objets fabriqués. Les échanges commerciaux s’opèrent surtout en direction des ports de la côte ouest de l’Angleterre, principalement Liverpool. De nombreuses firmes petites et moyennes (scieries, distilleries, conserveries, biscuiteries, minoteries, fabriques de chocolat, de cigarettes, etc.) transforment les produits nationaux et importés, faisant du port de Dublin la principale zone industrielle de la république.

Dans le secteur nord de l’agglomération, à Finglas et à Santry, de nouveaux quartiers industriels avec leurs zones résidentielles municipales surgissent dans un paysage resté semi-rural et s’avancent vers l’aérodrome de Dublin-Swords.

Le secteur ouest s’enorgueillit du beau jardin public de Phoenix Park (530 ha) ; à l’intérieur du parc se dressent les trois palais que les Dubliners appellent avec humour « les trois pouvoirs » : la résidence du président de la République, l’ambassade des États-Unis, la nonciature apostolique.

L’agglomération de Dublin lance enfin deux longs tentacules le long de la côte, vers le nord-est jusqu’à Howth, vers le sud-est jusqu’à Bray. Le long du front de mer, l’habitat, permanent ou secondaire, est en général riche, voire luxueux. La principale ville de banlieue, Dun Laoghaire (55 000 hab.), est un ancien port de pêche, un port de voyageurs en relation avec Holyhead (île d’Anglesey, pays de Galles), une station balnéaire d’âge et de style victoriens, et surtout une cité dortoir pour la bourgeoisie dublinoise.

C’est vers l’ouest, au-delà de Phoenix Park, que devrait à l’avenir se diriger l’expansion de la ville. Quatre villes nouvelles pourraient être édifiées à l’emplacement des villages de Blanchardstown, Lucan, Clondalkin et Tallaght. On éviterait ainsi la progression tentaculaire le long de la côte et l’on soulagerait la voirie des quartiers est, surchargés de trafic. À moins de déplacer l’aérodrome, l’expansion vers le nord ne semble plus guère possible.


La population

La population de Dublin est restée stationnaire de 1956 (539 000 hab.) à 1961 (537 000 hab.), en raison d’une émigration désastreuse, surtout vers la Grande-Bretagne. Mais la politique de création d’emplois menée par le gouvernement semble donner des résultats, puisque Dublin avait 569 000 habitants au recensement de 1966 ; elle attire des immigrants de toute la république. La population, comme dans le reste de l’Irlande, est en majorité catholique, mais cette majorité est un peu moins forte que dans les régions rurales : Dublin comptait, en 1961, 503 000 catholiques, 22 000 anglicans, 3 000 presbytériens, 2 000 méthodistes.

L’agglomération dublinoise présente la même courbe démographique récente : 661 000 habitants en 1956, 663 000 en 1961, 732 000 en 1966. Les principales villes de banlieue s’étirent le long de la côte : Howth, Raheny, Clontarf au nord-est ; Merrion, Blackrock, Dun Laoghaire, Dalkey, Killiney, Shankill, Bray au sud-est. L’agglomération dublinoise abrite maintenant le quart de la population de toute la république et elle absorbe à elle seule toute l’augmentation numérique de la population nationale. Une telle concentration présente de gros inconvénients dans un pays si peu peuplé et si pauvre en villes ; elle nuit à l’équilibre entre les différentes régions du pays et jette un doute sur l’efficacité de la politique irlandaise d’aménagement du territoire.

La polarisation est encore plus grave sur le plan économique : la moitié de la production industrielle irlandaise a son origine à Dublin. Le prestige spirituel et culturel de la métropole est sans égal en Irlande ; elle a deux cathédrales, une catholique et une anglicane (Saint Patrick), deux universités, de nombreuses écoles secondaires, etc. Elle peut se vanter d’avoir donné le jour aux meilleurs écrivains d’origine irlandaise, Jonathan Swift, Richard Sheridan, Oscar Wilde, Bernard Shaw, James Joyce. Mais cette prééminence politique, économique et spirituelle a été acquise dans une large mesure aux dépens du reste du pays.

C. M.

➙ Irlande.

 E. M. Cosgrave et L. R. F. Strangways, The Dictionary of Dublin (Dublin, 1895 ; nouv. éd., 1908). / S. A. O. Fitzpatrick, Dublin, a Historical and Topographical Account of the City (Londres, 1907). / C. E. Maxwell, Dublin under the Georges, 1714-1830 (Londres, 1936 ; nouv. éd., 1956). / J. H. Harvey, Dublin, a Study in Environnement (Londres, 1949). / M. J. Craig, Dublin, 1660-1860 (Londres, 1952). / R. McHugh (sous la dir. de), Dublin 1916 (Londres, 1966). / V. S. Pritchett et E. Hofer, Dublin, a Portrait (Londres, 1967).

Dubrovnik

V. de Yougoslavie (Croatie), sur la côte de Dalmatie ; 23 000 hab. Centre touristique réputé pour ses monuments ainsi que pour son festival international d’art dramatique et musical.



L’histoire

La ville fut fondée dans la première moitié du viie s. par les habitants d’Épidaure, ancienne colonie grecque puis romaine (auj. Cavtat), chassés par l’invasion des Avars et des Slaves. Les réfugiés s’installèrent dans l’îlot de Lave, ou Lausa, qui est à l’origine de l’ancien nom de Raguse. Très tôt, dès leur christianisation au ixe s., les Slaves croates s’infiltrent dans la cité, tandis que celle-ci, par le rattachement de l’île à la terre ferme, s’étend vers le continent et vers l’établissement slave de Dubrovnik. Tout en gardant son individualité ethnique et linguistique, la communauté slave adopte les formes de vie et les institutions de la population romanisée, créant ainsi la plus remarquable symbiose slavo-latine de la côte dalmate. Soumise à l’autorité byzantine dès le milieu du ixe s., Dubrovnik, située en un point exposé, est attaquée et assiégée par les Sarrasins, puis par les Normands de Robert Guiscard, avant de tomber en 1205 dans l’orbite de Venise. Elle s’en libère définitivement en 1358, élargit son territoire et se constitue en république aristocratique, gouvernée par un recteur, sur le modèle de la Signoria. Mais, pour se protéger de celle-ci — dont elle est la rivale, car elle interrompt la continuité de ses possessions en Adriatique —, Dubrovnik se met, moyennant un tribut annuel, sous la protection des rois hungaro-croates jusqu’en 1526, puis sous celle de la Sublime Porte. Dubrovnik garde cependant sa souveraineté relative et son indépendance de fait jusqu’à l’entrée des troupes françaises, en mai 1806. Le 31 janvier 1808, Marmont supprime la république et la rattache aux provinces Illyriennes. Le congrès de Vienne l’incorpore à l’Autriche. Depuis 1918, Dubrovnik fait partie de la république de Croatie dans le cadre de la Yougoslavie.