Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Drôme. 26

Départ. de la Région Rhône-Alpes ; 6 525 km2 ; 361 847 hab. (Drômois). Ch.-l. Valence. S.-préf. Die et Nyons.


Sur la carte, le département de la Drôme semble offrir quelque ressemblance avec celui de l’Ardèche, le cours du Rhône formant un axe de symétrie. La comparaison est valable dans le domaine climatique. Ainsi, tout le sud du département peut être rattaché au Midi provençal, avec de petits bassins abrités et soigneusement cultivés comme ceux de Dieulefit et de Nyons ; partout affleure la roche en place, mal protégée de l’érosion par une végétation clairsemée d’espèces adaptées à la sécheresse de l’été. Le nord et le centre offrent une physionomie différente, marquée par des influences à la fois continentales et méridionales : vergers d’arbres fruitiers dans les plaines, vignes sur les coteaux, forêts de sapins et de hêtres sur les hauts plateaux du Vercors. Dans certains secteurs, les contrastes entre le nord et le midi apparaissent sur de courtes distances : chênes verts du défilé de Donzère par exemple, épicéas et garrigues de buis de part et d’autre du col de Rousset, au-dessus de Die. Les mêmes oppositions se retrouvent en différents points de l’Ardèche.

Cependant, les pays de la Drôme ne se présentent pas de la même manière que ceux de la rive droite du Rhône. Valence (70 307 hab.) est incontestablement le centre du département et doit la valeur de sa position à un système bien articulé de plaines et de vallées, séparées les unes des autres par des plateaux et des collines (Chambarand [ou Chambaran], Marsanne, Donzère) qui ne font pas obstacle aux communications. Ainsi, par les vallées de l’Isère et de la Drôme, Valence est en relations directes avec toutes les villes des Alpes du Nord, y compris Genève, comme avec Gap et les petites villes des Alpes du Sud ; entre le Pilat et les Cévennes, plusieurs itinéraires donnent accès aux pays de la Loire par Saint-Étienne. Sur l’axe de grande communication formé par la vallée du Rhône, la valeur de ce carrefour est marquée par la route et le rail (Paris-Marseille, Paris-Briançon, Genève-Barcelone).

L’économie fut longtemps fondée sur l’agriculture des plaines. Céréales, luzerne, fruits et vins formaient l’essentiel d’une polyculture enrichie par les spécialités que permettaient le climat et la pratique de l’irrigation : tabac, porte-graines, noyers dans le nord, amandiers, oliviers, truffes dans le sud, et un peu partout des mûriers pour l’élevage du ver à soie fournissant la matière première des filatures et des moulinages. La sériciculture a disparu ainsi que les olivaies. En revanche, les transports rapides sur Paris et l’Europe ont permis le développement des cultures maraîchères et fruitières (cerises, pêches, abricots, pommes, poires) qui profitent, depuis une dizaine d’années, des grands travaux d’irrigation réalisés par la Compagnie nationale du Rhône (C. N. R.) à Montélimar, Le Logis-Neuf, Beauchastel (Ardèche), Valence et Saint-Vallier. S’est étendu aussi le renom de vignobles anciennement installés sur des terroirs abrités : vins de l’Hermitage près de Tain, clairette de Die. Dans la montagne, le Vercors fait partie des Préalpes du Nord, riches en pâturages à bovins, en bois, en chutes d’eau, en stations de sports d’hiver ; le Diois et les Baronnies se rattachent aux Préalpes du Sud, où l’élevage des moutans, les cultures de la lavande et des arbres fruitiers maintiennent un peu de vie dans ces grands espaces dépeuplés. Actuellement, 15 p. 100 environ de la population active du département vit de l’agriculture. Les secteurs secondaire et tertiaire occupent chacun environ 40 et 45 p. 100 de cette population active.

Le département n’est pas dépourvu de ressources minérales. Entre Saint-Vallier et Romans, des argiles et du kaolin ont attiré tuileries et fabriques de porcelaines (Erôme, Saint-Uze). Près de Romans, un gisement de gaz carbonique est exploité industriellement. Enfin, de grandes réserves de sel gemme (Hauterives) approvisionnent par saumoduc les ateliers d’électrolyse de Pont-de-Claix (près de Grenoble).

Mais la vie industrielle ne repose pas sur ces bases minérales plutôt modestes. Elle ne doit pas grand-chose non plus aux chutes récemment équipées sur le Rhône, si ce n’est l’usine de séparation isotopique de l’uranium montée à Pierrelatte depuis 1960 par le Commissariat à l’énergie atomique. La plupart des autres établissements industriels de la Drôme sont rassemblés à Valence et à Romans et se consacrent à des activités de transformation légère. Romans (la moitié de la population active dans l’industrie, 34 202 hab.) a pour spécialité la fabrication des chaussures de luxe, qui occupe environ 3 500 personnes, mais selon des rythmes très saisonniers ; une certaine diversification a été réalisée par des activités nouvelles comme la métallurgie de l’uranium. À Valence, les industries occupent 43 p. 100 de la population active de la ville ; elles sont issues d’anciennes traditions (la manufacture de munitions et le travail de la soie naturelle) et se développent depuis une trentaine d’années ; il s’agit essentiellement de mécanique de précision, de chaudronnerie et de fibres synthétiques. Montélimar (29 149 hab.), célèbre par la fabrication du nougat, a profité des grands chantiers hydrauliques de la C. N. R.

L’aménagement des rives du Rhône, la modernisation des voies de communication routières, ferroviaires et fluviales, les progrès de la production d’énergie accéléreront sans doute l’essor économique du département, mais aussi le rassemblement de la population dans les villes et les terroirs favorisés de la vallée, au détriment des collines et de la montagne, où se multiplient les stations climatiques de vacances et de repos.

M. L.

➙ Valence.

Dryden (John)

Poète, auteur dramatique et critique anglais (Aldwinkle, Northamptonshire, 1631 - Londres 1700).


Desservi aux yeux de la postérité par son talent multiforme, Dryden ne l’a pas moins été par son état d’homme de plume plongé dans les luttes de l’Angleterre bouillonnante du xviie s. Il n’est pas facile au génie de s’épanouir librement alors que s’entre-déchirent partisans de la royauté et tenants de la république, catholiques et antipapistes. Aussi les contingences quotidiennes ont-elles pesé lourdement sur la gloire de celui dont l’époque fut pourtant appelée l’âge de Dryden. Voltaire, dans sa Lettre sur la tragédie anglaise, écrite en 1734, a dit de Dryden : « Son grand défaut est d’avoir voulu être universel. » De 1663 à 1680, et pour ce qui concerne seulement le théâtre, il donna près de vingt pièces. Ses Épîtres couvrent cinquante années de sa production. Il fut aussi poète profane, narratif ou lyrique et même religieux. Son œuvre critique n’est pas moins importante. Traducteur infatigable, loué de façon dithyrambique par Pope pour son Virgile, les nécessités d’une production régulière l’amenèrent également à « adapter ». Aussi bien Shakespeare que Milton, Plaute que Molière. Mais, lui-même l’a dit, « je ne suis pas fait par la nature pour écrire des comédies ». Seul surnage son Marriage À-la-mode (1672). Au théâtre, d’ailleurs, pendant la Restauration, la mode est aux « pièces héroïques ». Charles II a ramené de France une grande admiration du drame cornélien. William Davenant (1606-1668) lance le genre en Angleterre. Dryden y trouve sa plus grande gloire, et le succès de The Indian Emperor (1665), faisant pendant à celui de The Indian Queen (1664), annonce une longue suite dont les points culminants sont Almanzor and Almahide (1669-70) et Aureng-Zebe (1675). Dans la tradition de nos grands classiques, ces pièces n’en demeurent pas moins « romantiques » et, malgré « les trésors d’un style somptueux et d’une versification brillante » (A. Beljame), leur succès n’a pas dépassé le cadre de l’époque. Pourtant, ces pièces apportent à la connaissance des conceptions littéraires de Dryden et à l’histoire de la littérature anglaise une contribution fort intéressante. Par leur prologue, épilogue (très en vogue en cette période), dédicace et préface (celle de ses Fables, en 1700, apparaît aussi de grande importance), elles font connaître les théories en même temps que l’évolution de Dryden en matière de création artistique. Il y traite d’une multitude de problèmes : problème de la métrique, de la versification ; analyse de l’imagination poétique, défense des vertus d’émulation de l’imitation et même jusqu’aux dangers de l’environnement scénique envahissant. Complétées ou prolongées par de véritables essais comme Of Dramatic Poesy, An Essay (1668), elles débouchent sur la polémique, notamment à propos de la défense du drame anglais et des mérites comparés des Anciens et des Modernes. L’esprit satirique de Dryden s’exerce aux dépens de ses confrères dans Mac Flecknoe (écrit en 1678 et imprimé en 1682), caricature savoureuse, parfois violente, voire grossière mais jamais venimeuse, et surtout, sur le plan politique, avec Absalom and Achitophel (1681-82). C’est à ce dernier poème que demeure attaché son meilleur titre de gloire littéraire, aussi bien par la peinture des personnages du duc de Monmouth et de Shaftesbury à l’occasion de leur complot contre Charles II, qui avait conduit le second à la Tour de Londres, que par les « discours » qu’il renferme. Il nous permet de juger du chemin parcouru par le poète sur la voie de son art depuis Heroick Stanza’s (1659), Astraea Redux (1660) et même son vrai premier poème digne de ce nom, Annus Mirabilis... 1666. An Historical Poem (Année des Prodiges... 1666) [1667], « poème historique » que rendent difficilement lisible jusqu’au bout de ses 304 couplets l’emploi monotone du quatrain à rimes croisées et les réminiscences baroques et métaphysiques des maîtres, Donne et Cowley. Dans Absalom and Achitophel, comme plus tard dans The Medal (la Médaille, 1682) ou dans Religio Laici (1682) et The Hind and the Panther (la Biche et la panthère, 1687), satire religieuse, Dryden va donner à la poésie anglaise, avec le double pentamètre rimé, son vers classique, qui attirera au cours des siècles suivants, de Pope à T. S. Eliot, des poètes tels que Gray, Keats ou Byron. Génie soumis à des influences nombreuses, ainsi qu’en témoignent encore les œuvres poétiques de la fin de sa vie, de Threnodia Augustalis (1685) à Alexander’s Feast (1697), Dryden n’en représente pas moins la figure marquante d’une orientation de la littérature anglaise vers une discipline plus rigoureuse de l’inspiration qui annonce déjà l’ère du classicisme.

D. S.-F.

 A. W. Verrall, Lectures on Dryden (Cambridge, 1914). / M. Van Doren, The Poetry of John Dryden (Cambridge, 1920 ; nouv. éd., 1931). / J. M. Osborn, John Dryden (Gainesville, Floride, 1965). / E. Miner, Dryden’s Poetry (Bloomington, Indiana, 1967).