Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Domitien

En lat. Titus Flavius Domitianus (Rome 51 apr. J.-C. - id. 96), empereur romain de 81 à 96.


Il était le fils de Vespasien et le frère de Titus ; son père l’avait désigné comme second successeur à l’Empire, ce qui devait lui assurer un accès au pouvoir sans difficulté. Toutefois, s’il avait été sept fois consul avant son avènement, Domitien s’était heurté à la méfiance paternelle et avait été maintenu à l’écart des commandements militaires.

Il n’est pas aisé de se représenter sa personnalité à son avènement : Domitien avait d’abord été turbulent et ambitieux ; il se montra ensuite fastueux, libéral, généreux avec le peuple et les soldats, mais on ignore s’il manifestait déjà la méfiance et la méchanceté que lui attribuent les historiens anciens, lesquels l’accusent même d’avoir conspiré contre son frère.

Sa politique intérieure se caractérise par des mesures inspirées par une saine moralité et par la sévérité dans les châtiments. Domitien persécuta les délateurs, blâma les juges partiaux ou corrompus, rehaussa la solde des fonctionnaires pour leur éviter la tentation des pots-de-vin. Il restreignit les libertés des filles publiques, remit en honneur la législation sur l’adultère. En 83, il fit mettre à mort trois vestales qui avaient violé leur vœu de chasteté. En 91, une autre subit le même sort.

Renonçant à gouverner avec le sénat, comme son père, Domitien renoua avec la tradition d’autoritarisme des Julio-Claudiens en accroissant la centralisation administrative et en favorisant la romanisation accrue des provinces. Dix fois consul pendant son règne, censeur à vie, en 85, il s’octroya le triomphe à trois reprises, à l’issue de campagnes auxquelles il n’avait pris qu’une modeste part. Il battit les Chattes, sur le Rhin, en 83 et en 89, et il combattit longuement les Daces. Il consolida les défenses de l’Empire en mettant la région des champs Décumates, entre Rhin et Danube, à l’abri d’une ligne de retranchements, et en esquissant un système analogue en Dacie. Il mit fin aux campagnes d’Agricola contre les Calédoniens et ne laissa pas ce dernier poursuivre la conquête de la Bretagne entière (84). Cette politique de limitation des conquêtes peut s’expliquer par des raisons politiques et aussi par des difficultés financières. Domitien sut conserver une monnaie saine, mais son trésor fut mis à rude épreuve par les grands travaux urbains, surtout à Rome.

Affectant une dévotion particulière à Minerve, Domitien lui dédia le nouveau forum, qui devait être achevé par son successeur et garder le nom de forum de Nerva. Restaurant le culte d’Isis, il édifia l’iseum de Bénévent et amplifia celui du champ de Mars à Rome. Il ne négligea pas les honneurs destinés à sa famille (temple de la Gens Flavia, arc de Titus) et créa des jeux imités de ceux d’Olympie, les jeux Capitolins, qui se déroulèrent pour la première fois en 86 et pour lesquels furent construits un odéon et un stade. En 88 furent célébrés des jeux Séculaires, analogues à ceux qui avaient eu lieu en 17 av. J.-C. et 47 apr. J.-C.

Mais, à cette date, l’opposition sénatoriale, qui n’avait fait que croître, donna un tour nouveau à l’histoire du règne. En 83 et en 87, des conspirations contre l’empereur avaient été découvertes. En 88, le légat de Germanie, L. Antonius Saturninus, se révolta avec ses légions, s’entendit avec les Germains et se proclama empereur. Le châtiment fut exemplaire : la mort et l’exil firent disparaître maints opposants, mais sans parvenir à rassurer Domitien. Désormais, la méfiance naturelle de celui-ci se donna libre cours. Au nom de la loi de majesté, et parfois sous des prétextes futiles, Domitien décima les rangs des sénateurs. C’est aussi leur hostilité à la tyrannie qui valut aux philosophes d’être persécutés. Beaucoup d’intellectuels, dont Dion Chrysostome et Épictète, durent quitter Rome. Quelques-uns furent mis à mort. Les chrétiens, enfin, subirent une brève mais sévère persécution, dont furent victimes, si l’on en croit Tertullien, l’évangéliste saint Jean et aussi de proches parents de Domitien. En 96, un complot auquel participait l’impératrice elle-même mit fin aux jours de l’empereur.

R. H.

 S. Gsell, Essai sur le règne de l’empereur Domitien (Thorain, 1894).

Donatello

Sculpteur italien (Florence 1386 - id. 1466).


Donatello a toujours été considéré comme un des plus grands artistes de la Renaissance. Ce sont les manières de l’apprécier qui ont changé avec le temps. Il fut consacré par son siècle, mais sa gloire ne pâlit pas après sa mort ; le xvie s. le considéra comme le précurseur de Michel-Ange*.

Fils d’un cardeur de laine, Donato di Niccolo di Betto Bardi, dit Donatello, apparaît à un moment critique de la vie de Florence, huit ans après la grave révolte appelée tumulte des Ciompi. L’écrasement du petit peuple par la bourgeoisie d’affaires contribua à abaisser le statut de l’artisan et favorisa l’apparition du personnage de l’artiste. C’est aussi l’époque de l’éclosion du premier humanisme, mais les thèmes païens n’occupent pas encore le devant de la scène : l’essentiel de l’œuvre de Donatello est consacré à des sujets religieux, traités, il est vrai, dans un nouvel esprit.

De la vie du sculpteur n’émerge aucun fait saillant en dehors de son activité artistique, et sa personnalité nous est assez mal connue. Donatello fit son apprentissage dans l’atelier de Ghiberti*, où sa présence est attestée en 1403. Selon Vasari*, il aurait fait un premier voyage à Rome vers 1409, en compagnie de Brunelleschi*. Il commença à travailler dès 1406 pour le Dôme de Florence, où il fut employé pendant plus de vingt ans. Entre 1418 et 1435 furent réalisées les statues de prophètes destinées à décorer les faces est et nord du campanile. L’une d’entre elles, surnommée le Zuccone, donne le premier signe d’un réalisme poussé jusqu’à l’expressionnisme, qui se manifestera plus fortement dans les dernières œuvres.