Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Dioclétien (suite)

Les divisions administratives sont réformées : le nombre des provinces passe d’une quarantaine à une centaine, par suite d’une série de divisions empiriques, qui, d’ailleurs, sont loin de dater toutes de la tétrarchie. Selon Lactance, Dioclétien aurait aussi divisé pour régner, mais le morcellement se justifierait aussi bien pour des nécessités de la défense militaire. Les gouverneurs des provinces portent les titres de consulares, de præsides ou de correctores, selon leur rang et leur ordre. Au-dessus d’eux, les vicaires président aux destinées des plus vastes circonscriptions que sont les diocèses.


Problèmes militaires

Ce cloisonnement administratif n’empêche pas les troubles intérieurs. Les populations se donnent plusieurs empereurs supplémentaires : les usurpateurs Carausius et son successeur Allectus en Bretagne, un mystérieux Julianus en Afrique et un non moins énigmatique Achilleus, commerçant d’Alexandrie soutenu peut-être par la secte des manichéens. Tous seront mis hors d’état de nuire, mais non sans difficultés : ainsi, en 296. Alexandrie est saccagée.

Les révoltes des peuplades frontalières s’ajoutent aux incursions barbares : des tribus se soulèvent en Mauritanie, dans la région des Syrtes, en Égypte. Bref, la guerre est autant au-dedans qu’au-dehors, et ce seul fait pourra légitimer une importante réforme de l’armée. Celle-ci aurait été quadruplée, au dire de Lactance. Des détachements sont retirés des zones frontalières pour des garnisons de l’intérieur, de manière à pouvoir intervenir n’importe où. Le gros des forces demeure cependant sur la frontière, où, d’ailleurs, le recrutement est plus aisé, puisqu’il se fait parmi les fils de soldats et les Barbares. La séparation des pouvoirs civils et militaires tend à se réaliser, sans être cependant complète. De même, les réformes adoptées n’auront, dans leur ensemble, rien de systématique : elles préluderont à celles du règne de Constantin*.


Politique financière et économique

En province comme à Rome, une certaine prospérité revient alors. Certaines mesures officielles y contribuent : une réforme monétaire et, plus accessoirement, une limitation des prix. Le iiie s. a vu s’évanouir la bonne monnaie ; les pièces trop légères ou de mauvais aloi provoquent la méfiance. On émet donc un aureus, pièce d’or d’environ 5 g, une pièce d’argent de bon aloi, qui reprend les caractéristiques du denier de Néron, et un denier dit « commun » en bronze.

La tentative faite du côté des prix est moins heureuse. L’édit du maximum, promulgué en 301 et qui n’est connu que par des inscriptions incomplètes, toutes trouvées dans la moitié orientale de l’Empire, impose des prix maximaux à observer sous peine de mort. Mais les prix n’en continuent pas moins leur marche ascensionnelle.

À vrai dire, la préoccupation essentielle de la tétrarchie est d’ordre fiscal, en raison de la multiplication des fonctionnaires et des soldats, du faste de la Cour et de bien d’autres dépenses (construction de thermes colossaux, dits « de Dioclétien », sur le Quirinal). La réforme fiscale commence par un recensement minutieux, et une nouvelle base d’imposition est établie avec le caput et le jugum. Le problème de la compatibilité du jugum, qui semble s’apparenter à une unité de superficie, et du caput, qui fait songer à un impôt personnel par tête, a été l’objet de bien des recherches et bien des controverses. Toujours est-il que cette réforme de l’assiette vise à une plus grande équité et qu’initialement la charge fiscale n’est pas excessive. Puis les choses se gâtent, et bientôt « chaque canton, presque chaque ville gémit sous son gouverneur ou intendant. On ne voit partout que des officiers du fisc qui saisissent des biens abandonnés » (Lactance).


La persécution des chrétiens

Dioclétien tergiversera avant d’entreprendre des poursuites contre les chrétiens : mais ceux-ci sont de mauvais soldats, toujours prêts à abandonner l’armée de peur de trahir la milice du Christ. L’empereur les considère comme des impies, à l’égal des magiciens et des manichéens, qu’il combat également.

L’édit qui est promulgué à Nicomédie en 303 interdit les assemblées chrétiennes, envisage la destruction des églises et des livres sacrés, condamne les chrétiens à la perte de leurs droits civiques, de leurs privilèges, dignités et honneurs ainsi que de leur liberté. La peine de mort n’est pas envisagée.

C’est alors qu’intervient Galère : un incendie éclate au palais impérial de Nicomédie ; les chrétiens accuseront Galère d’avoir mis le feu pour leur en attribuer la responsabilité. Ce stratagème aux relents néroniens est le point de départ d’une persécution féroce. Dioclétien, abusé, prend peur et laisse faire. Galère préconise les peines des mines et du bûcher. Les poursuites dureront huit ans et seront surtout le fait de Galère, puis de son neveu Maximin Daïa.

Cette persécution, la dernière, a un caractère différent des précédentes. Elle se présente comme l’un des sursauts d’un paganisme sur la défensive, face à des chrétiens minoritaires certes, mais présents partout, à l’armée, au palais, dans les plus hautes fonctions. Chrétienté inégalement répartie d’ailleurs : dense dans les villes d’Asie ; absente, au contraire, des campagnes gauloises. Chrétienté déjà bien assagie, ayant perdu beaucoup de l’agressivité des néophytes.

Les martyrs sont relativement peu nombreux. La persécution porte plutôt sur les édifices : destruction d’églises qui s’étaient construites partout, telle celle de Nicomédie, qui jouxtait le palais impérial.


L’effondrement de la tétrarchie

Dioclétien, entre-temps, a cessé de s’intéresser aux affaires de l’État. La lassitude et la maladie l’incitent à abdiquer en 305 pour se retirer dans le palais qu’il s’est fait construire près de Salone. Toutes les explications de cette décision, peu commune dans l’histoire, ont été imaginées par les auteurs modernes : déception devant le mauvais fonctionnement de la tétrarchie, les désaccords entre empereurs, les prétentions des césars ; idée préconçue de limiter la durée des règnes à vingt ans ; désir de voir comment fonctionnerait le système sans lui... Les contemporains aussi ont cherché des explications : on pense que Galère avait poussé Dioclétien hors du trône.