Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

Après le départ de ces derniers, les paysans et les ouvriers prennent en charge leurs propriétés. Pour les exploiter, ils se groupent en comités de gestion, qui sont reconnus officiellement en octobre 1962 et institutionnalisés en mars 1963. À la même époque, le gouvernement de Ben Bella procède, pour engager, conformément au programme de Tripoli élaboré par le C. N. R. A. en juin 1962, l’Algérie dans la voie du socialisme, à la nationalisation des grandes propriétés foncières, des entreprises industrielles et commerciales, non seulement celles des Européens, mais aussi celles des Algériens. La gestion de ces entreprises est confiée aux travailleurs ou, plus précisément, à des comités qu’ils élisent et qui sont assistés par des directeurs nommés par l’État.

• Les institutions. Parallèlement, le gouvernement entreprend de doter le pays d’institutions stables. Le 8 septembre 1963, le peuple algérien approuve par référendum une Constitution qui établit en Algérie une république présidentielle avec un parti unique, le F. L. N. Cette Constitution donne un pouvoir étendu à Ben Bella, élu président de la République le 15 septembre 1963. Tout de suite après son élection, le premier président de la République algérienne se heurte à une opposition armée fomentée par Aït Ahmed en Kabylie et à un conflit frontalier avec le Maroc. L’année suivante, ces difficultés sont dissipées. Le congrès du F. L. N., réuni du 16 au 21 avril 1964, élit Ben Bella à la tête du parti unique et adopte une charte d’inspiration marxiste, la charte d’Alger.

• La politique étrangère. Cette orientation socialiste du régime ne détériore pas pour autant les rapports franco-algériens. Les liens qui unissent les deux pays sont assez étroits pour permettre des concessions de part et d’autre. La France réagit timidement à la nationalisation des biens des colons ; de son côté, le gouvernement algérien lui donne des assurances dans le domaine du pétrole.

Cependant, cette attitude à l’égard de l’ancienne métropole n’empêche pas le gouvernement algérien d’adopter des positions résolument anti-impérialistes. Celui-ci considère que la lutte du peuple algérien lui assigne des responsabilités toutes particulières dans le monde arabe, en Afrique et, d’une façon générale, dans le tiers monde. De là une politique panarabe fondée sur le soutien du peuple palestinien contre l’État sioniste d’Israël et qui rejoint dans une certaine mesure celle de Nasser, pour lequel le chef de l’État algérien professe une profonde estime. De là aussi l’aide apportée aux mouvements de libération nationale, notamment en Angola, et les critiques véhémentes contre la politique américaine au Viêt-nam et à Cuba.


Le régime Boumediene

• Le coup d’État du 19 juin 1965. Quelques jours avant l’ouverture de la conférence afro-asiatique d’Alger, le 19 juin 1965, un coup d’État est fomenté par le colonel Boumediene, ministre de la Défense et principal collaborateur de Ben Bella. Le président de la République est incarcéré, et la Constitution suspendue. Le Conseil de la révolution formé par le colonel Boumediene se substitue aux pouvoirs constitutionnels. Ses membres, dont plusieurs sont des militaires, participent aux réunions ministérielles lorsqu’il s’agit de problèmes particulièrement importants. Les décisions de moindre importance sont prises par le gouvernement, présidé également par le colonel Boumediene.

• La politique économique du nouveau régime. Le nouveau régime se propose d’obtenir une « remise en ordre » dans l’économie du pays. Le secteur autogéré, limité à l’agriculture, passe progressivement sous le contrôle de l’administration. Du reste, le responsable de l’économie algérienne, Belaïd Abdesselam, ne croit pas aux vertus et à l’efficacité de l’autogestion ; il considère que le développement économique est l’affaire des cadres et des techniciens. Responsable de l’industrie et des mines, il met ce secteur « à l’abri » de l’autogestion. Parallèlement, pour renforcer ce secteur, il procède, avec l’accord du gouvernement, à la nationalisation de plusieurs entreprises étrangères et engage le pays dans une politique d’industrialisation. L’inauguration, en juin 1969, du complexe sidérurgique d’Annaba (Bône) marque une étape importante de cette politique, dont le but est d’assurer l’indépendance économique du pays. L’entreprise est menée par l’État, qui domine désormais les principaux secteurs de la vie économique, où deux problèmes restent préoccupants : la résorption du chômage et la réussite de la réforme agraire.

• Les forces politiques en Algérie. À côté du tout-puissant secteur étatique, le gouvernement algérien favorise un secteur privé. Le résultat est la renaissance d’une bourgeoisie d’affaires. Très entreprenante, cette nouvelle classe investit, construit, crée des commerces, multiplie les petites et moyennes entreprises. Avec une bonne partie de la bureaucratie politique et économique, elle constitue un appui sûr pour le gouvernement de Boumediene. Mais la population algérienne semble, notamment depuis le 19 juin 1965, indifférente à la vie politique. Le F. L. N. ne réussit pas à gagner l’adhésion populaire : créé pour le combat, le parti n’arrive pas, une fois l’indépendance acquise et après la chute de Ben Bella, à inculquer à la population un idéal nouveau.

• Les partis d’opposition. De même que le F. L. N., les nouvelles formations politiques créées au lendemain de l’indépendance et après le 19 juin 1965, comme le P. R. S. (Parti de la révolution socialiste) de Mohammed Boudiaf, l’O. C. R. A. (Organisation clandestine de la révolution algérienne) de Mohammed Lebjaoui, le F. F. S. (Front des forces socialistes) de Aït Ahmed, l’O. R. P. (Organisation de la résistance populaire) de Mohammed Harbi, Bachir Hadj-Ali et Hocine Zahouane, le Mouvement démocratique du renouveau algérien de Belkacem Krim, etc., n’ont pas d’impact réel sur la population.

Pour essayer d’intéresser celle-ci aux affaires publiques, le gouvernement institue des assemblées communales et départementales. Mais, ayant un pouvoir plutôt consultatif, ces assemblées ne sont pas faites pour associer la population à la gestion régionale et au développement.