Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dickinson (Emily)

Poète américain (Amherst, Massachusetts, 1830 - id. 1886).


Emily Dickinson fut ignorée de son vivant : la publication et la célébrité de ses poèmes sont entièrement posthumes. Née en Nouvelle-Angleterre, dans une communauté rurale de puritains orthodoxes hostiles aux idées nouvelles et au transcendantalisme, élevée rigidement dans la crainte de la prédestination et d’un Dieu sévère, Emily Dickinson, malgré son scepticisme religieux et sa révolte tout intérieure, n’a pas échappé à l’emphase eschatologique chère à son milieu : la mort est son thème favori. Un tempérament romantique corseté dans une éducation calviniste et victorienne et qui finit par se replier en un solipsisme maladif : tel paraît être l’essence du génie poétique de cette recluse, qu’on peut comparer à une Elisabeth Barrett sans Browning.

À l’exception d’un bref séjour à Washington, en 1854, quand son père était député au Congrès, Emily passa toute sa vie dans la réclusion familiale d’Amherst, cercle autarcique de bourgeois austères où la souveraineté du père incarnait le sens du devoir et de l’obéissance au terrible Dieu de Calvin. Dans ce milieu, qui évoque la Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne, le confinement de la passion préfigure le laconisme de l’œuvre. Biographes et psychanalystes ont vainement tenté d’élucider la passion qu’Emily éprouva vers 1854, peut-être pour le pasteur Charles Wadsworth. Dominant son impossible amour, elle le sublime, se consacrant à la poésie faute de pouvoir se donner à Dieu. Pendant plus de vingt ans, recluse volontaire, refusant les visites, ne dépassant pas la grille du jardin, diaphane sous ses cheveux en bandeaux et ses habits toujours blancs, elle écrit secrètement des poèmes sur des dos d’enveloppes et de factures. À sa mort, en 1886, sa sœur trouve des centaines de lettres et de poèmes. Selon le vœu d’Emily, Lavinia brûle la plupart des lettres ; mais elle garde les poèmes, dont trois recueils, Poems, sont publiés entre 1890 et 1896. Des Lettres sont éditées en 1894, et une édition plus sûre des poèmes, Bolts of Melody, en 1945. Ce n’est qu’en 1955 que Thomas Johnson donne une édition complète des 1 775 poèmes connus d’Emily Dickinson.

Bien que son imagination essaie de repousser les contraintes puritaines, Emily Dickinson est fondamentalement un écrivain religieux. Bridée par une énergie morale peu commune, son inspiration se condense en un style très serré. D’essence métaphysique, ses poèmes sont de courtes méditations poétiques sur la mort, la nature, Dieu, la souffrance, l’amour, le temps qui passe. La pensée n’est pas originale, mais l’intensité émotive d’une solitaire qui a fait de sa défaite une victoire spirituelle est toujours sensible. Poésie d’autodidacte, son œuvre ne suit ni théorie ni mode littéraire. Ses poèmes, très brefs, sont des éclats, des illuminations lyriques dont l’intensité frappe, soulignée par l’irrégularité de la forme : ruptures de rythmes, rimes insolites. Sa forme favorite est le quatrain de trimètres iambiques, forme austère dont le laconisme n’exclut pas une certaine préciosité. Cette sorte de sténographie poétique, que Conrad Potter Aiken appelle un « symbolisme épigrammatique » et que l’absence de ponctuation rend parfois cryptique, excelle à saisir d’éphémères visions : un oiseau en vol, une feuille dans le vent qui sont autant d’épiphanies du grand Tout. Mais le désir romantique d’identification panthéiste au Tout est bridé par la peur calviniste. L’influence puritaine, plus forte que le transcendantalisme, retient la tendance naturelle aux « correspondances » poétiques. Dans sa marche vers l’Union et la Grâce, le poète sait qu’il doit plus compter sur la mort que sur les « correspondances ». Ainsi, dans un mouvement caractéristique d’essor et de repli, la poésie d’Emily Dickinson jaillit vers l’amour et le monde pour être aussitôt retenue en bride. Expression lyrique d’une conscience angoissée qui aspire à l’essor centrifuge, elle est toujours ramenée à ce paysage intérieur qui est son domaine hanté, et dont la mort plus que l’amour est le thème dominant. « Elle mourut toute sa vie et sonda la mort tous les jours » — Aiken définit ainsi cette fascination pour ce rite de passage que sont la mort et les funérailles — cette mort dont son scepticisme n’attendait pas l’extase de la résurrection, mais dont la stabilité l’attirait : « La mort est sa propre exception — le changement ne l’atteint pas. »

« Laissez-moi chanter pour vous, car je ne sais pas prier », disait cette puritaine malgré elle qui a juxtaposé le quotidien et le sacré, le concret et l’abstrait, le trivial et le sublime pour explorer dans les menus incidents les paradoxes de l’existence. Ce style nerveux est, lui-même, une sorte de métaphore de la difficulté de vivre d’un poète dont le solipsisme frustré est en harmonie avec la sensibilité moderne. Les poètes contemporains, Allen Tate, Marianne Craig Moore, Robert Lowell, Eliot, Hart Crane, ont tous reconnu la grandeur et l’influence d’Emily Dickinson. Mais on surestime cette œuvre crispée en la comparant à celle de Walt Whitman.

J. C.

 G. F. Whicher, This was a Poet (New York, 1938). / R. Chase, E. Dickinson. A Biography (New York, 1951). / T. H. Johnson, E. Dickinson (Cambridge, Mass., 1955). / C. R. Anderson, E. Dickinson’s Poetry (New York, 1960 ; 2 vol.). / J. Leyda, The Years and Hours of E. Dickinson (New Haven, 1960). / A. J. Gelpi, E. Dickinson, the Mind of the Poet (Cambridge, Mass., 1966). / D. Higgins, Portrait of Emily Dickinson (New Brunswick, N. J., 1967).

Dicotylédones

Classe de plantes à fleurs produisant des graines dont la plantule a deux cotylédons.


Dans l’embranchement des Phanérogames, le sous-embranchement des Angiospermes* est composé de deux classes : les Monocotylédones et les Dicotylédones. C’est John Ray (1627-1705) qui, le premier, eut l’idée d’appuyer sa classification botanique sur les cotylédons, et en particulier sur leur nombre, et il désigna ainsi les Monocotylédones et les Dicotylédones, la plantule des premières ayant un seul cotylédon, celle des dernières en présentant deux. Ce critère est fondamental, mais tout un ensemble d’autres données permet de séparer avec facilité Monocotylédones et Dicotylédones sans examiner la graine.