Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

Le soulèvement du Constantinois

La situation est alors critique en Algérie. La population connaît, du fait de la guerre et aussi de mauvaises années agricoles, une grande pénurie alimentaire. La conjoncture économique favorise l’extension du mouvement nationaliste ; le climat devient vite explosif, et des troubles sanglants ne tardent pas à éclater.

Le 1er mai 1945, le P. P. A. profite des manifestations organisées par la C. G. T., à l’occasion de la fête du travail, pour réclamer la libération de Messali et lancer des slogans nationalistes. L’intervention des forces de l’ordre provoque à Alger et Oran quelques morts et de nombreux blessés. Le 8 mai, le P. P. A. revient à la charge à l’occasion de nouvelles manifestations publiques organisées par les autorités pour célébrer l’armistice qui vient d’être signé en France. Le mouvement prend une ampleur particulière dans le Constantinois. À Sétif, l’intervention brutale de la force publique pour arracher leurs emblèmes aux manifestants suscite parmi la population une colère qui se retourne contre les Français de la ville. Vingt et un Européens trouvent la mort au cours de cette journée.

Le mouvement gagne ensuite la région montagneuse entre Bougie et Djidjelli, puis tout le Constantinois. Il prend l’aspect d’une lutte contre les Européens. Le nombre de tués parmi les Français est estimé à 97, et le nombre de blessés à plus d’une centaine.

La riposte des autorités françaises est d’autant plus vigoureuse que les chefs militaires craignent, à une époque où la France connaît une situation difficile, d’être confrontés à un soulèvement général. Les troupes de terre, l’aviation et les unités navales entrent en lice pour réduire le mouvement. De nombreux musulmans, notamment les dirigeants et les militants du P. P. A., des Amis du manifeste et des ulémas du département de Constantine, sont arrêtés. Des tribunaux militaires prononcent 2 000 condamnations, dont 151 à mort (28 personnes seulement sont exécutées). Le soulèvement du Constantinois fait plusieurs milliers de morts (50 000 selon les nationalistes) parmi les musulmans ; il creuse un fossé profond entre la population autochtone et la communauté européenne, qu’on confond avec les autorités coloniales.


Le mouvement national algérien à la veille de la révolution de 1954

Dans ces conditions, le statut promulgué le 7 mai 1947 et qui donne aux musulmans les mêmes droits politiques qu’aux Français ne peut pas avoir la faveur de la population autochtone. Seuls les partis politiques interdits exploitent la nouvelle situation pour se reconstituer.

• L’U. D. M. A. Libéré après l’amnistie du 16 mars 1946, ‘Abbās entreprend de créer un nouveau parti politique : l’Union démocratique du manifeste algérien (U. D. M. A.). Il s’agit en fait de l’ancienne Association des Amis du manifeste sans les messalistes, considérés comme trop intransigeants. La nouvelle formation, fondée en mai 1946, est en retrait par rapport à la précédente. Si son programme reste celui du manifeste (« Ni assimilation, ni nouveaux maîtres, ni séparatisme »), elle ne préconise plus un État algérien quasi indépendant, mais une Algérie fédérée à la France. Recrutant parmi les bourgeois et les intellectuels, l’U. D. M. A. reste un parti de cadres et de modérés, qui compte émanciper l’Algérie dans le cadre de la légalité et sans se séparer de la France. Cette doctrine ne peut pas remuer les masses algériennes, qui, conscientes d’avoir une personnalité propre et d’appartenir à une civilisation arabo-musulmane, ne conçoivent plus leur avenir dans un cadre français. Dans ces conditions l’U. D. M. A. ne parvient pas à constituer une force politique en Algérie. En 1951, le nombre de ses militants est tombé à 3 000.

• Le M. T. L. D. Les masses algériennes sont plutôt favorables au mouvement de Messali. Libéré à la fin de 1946, ce dernier organise avec ses lieutenants un nouveau parti destiné à remplacer le P. P. A., toujours interdit : le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (M. T. L. D.). Tout comme le P. P. A., la nouvelle formation veut incarner les aspirations des masses populaires. Contrairement à l’U. D. M. A., le M. T. L. D. est un parti nationaliste révolutionnaire. Favorable à l’émancipation de l’Algérie, il refuse toute forme d’association avec la France. Pour atteindre ces objectifs, il ne compte pas sur les moyens légaux, mais sur la force et la violence.

Cependant, en attendant les conditions favorables pour déclencher la lutte armée, le M. T. L. D. ne boycotte pas le statut de 1947 et accepte de jouer le jeu des nouvelles institutions. Il participe aux élections municipales d’octobre 1947 et s’impose comme la principale force politique musulmane. En effet, ces élections lui donnent 31 p. 100 des édiles du deuxième collège contre 27 p. 100 à l’U. D. M. A., 4 p. 100 au P. C. et 38 p. 100 aux modérés.

Cette confiance accordée au M. T. L. D. par la population musulmane inquiète la métropole et les autorités françaises en Algérie. En avril 1948, les élections à l’Assemblée algérienne donnent, sur 60 sièges au deuxième collège, 8 sièges à l’U. D. M. A., 9 sièges au M. T. L. D. et le reste aux modérés. La différence des résultats des élections d’octobre et d’avril s’explique en grande partie par des fraudes électorales.

• L’O. S. Les militants les plus résolus du M. T. L. D. en tirent argument pour démontrer la stérilité des méthodes électorales. Impatients de passer à l’action directe, ils reprochent à la direction sa passivité et son attentisme. Pour donner au mouvement national une impulsion nouvelle, ils parviennent à constituer, dans le cadre du parti et sous la direction de Ben Bella, une formation paramilitaire clandestine : l’Organisation spéciale (O. S.). En 1949, la tendance dure est assez forte pour imposer à la direction du M. T. L. D. un congrès qui décide de mettre l’essentiel des ressources du parti à la disposition de l’O. S. En 1950, les animateurs de l’O. S., impliqués dans l’attaque organisée, l’année précédente, contre la poste centrale d’Oran pour financer le mouvement, sont arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison. Deux ans plus tard, Ben Bella réussit à s’évader de la prison de Blida.